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Il y a eu le réveillon de Noël et le jour de Noël, il y a eu le réveillon de fin d'année et le jour de l'An. Sans qu'on lui ait laissé le temps de digérer le boudin, l'oie aux marrons ou la dinde truffée. notre pauvre estomac a dû, en toute hâte, s'occuper des bonbons, des crottes de chocolat et des fruits confits qui lui arrivaient soudain par fournées.

Sans compter les poudres de riz et les crèmes de beauté, butinées sur tant de charmants visages le matin du 1er janvier...

Comme les jours gras en d'autres temps, les jours sucrés exercent sur nos précieuses santés la plus détestable inlîuenoe. Semblables à des écouteurs de T.S.F., les noires migraines, filles d'insidieuses gastrites, serrent nos tempes et assourdissent nos oreilles. Chacun de nous a dans la bouche un petit palais de bois.

Rigides et cassantes comme des tuyaux de pipe en sucre, nos artères charrient un lent sirop et si quelque résinier landais entaillait notre tronc, c'est du pur caramel que l'on pourrait recueillir dans le-petit seau accroché sous la blessure.

Nos foies, nos pauvres-foies n'ont plus figure humaine. Dangereusement hypertrophiés, ils font sous nos habits de disgracieuses bosses. Par contre, nos porte-coupures, par des mains chères trop souvent effeuillés: un peu. beaucoup, passionnément, à la folie..., sont plats comme des soles qui auraient longtemps voyagé dans le métro.

Pourtant, dans ces pénibles épreuves. un espoir nous soutenait.

— Le 2 janvier, pensions-nous. expire la trêve (ils appellent ça une trêve !) des confiseurs. Unies les insalubres bombances vit les ruineuses agapes ; nous allons pouvoir nous consacrer tout entiers à l'élaboration d'un bon petit régime dépuratif et à la collecte des sous nécessaires au paiement prochain, hélas ! du terme.

Mais quelle erreur était la nôtre ! Non. les réjouissances ne sont pas terminées : pour s'en convaincre, il suffit, d'un regard jeté sur le beau calendrier tout neuf que, dans sa tendre sollicitude. l'adminieiratidn des postes a bien voulu nous vendre pour nos étrennes. Après Noël, après le jour de l'an, voici l'Epiphanie, le jour des rois.

On célabre l'Epiphanie de la même façon dont on a déjà fêté Noël et salué le jour de l'an : au moyen d'un gueuleton à l'issue duquel a lieu le partage du traditionnel gâteau des rois.

Cette petite cérémonie peut se dérouler soit à domicile; soit au restaurant : Mais il tout de même plus prudentde faire ça chez soi, les restaurateurs ayant la fâcheuse habitude de tirer les rois à coups de fusil.

 

 

 

 

 

 

Jadis, aux époques fabuleuses d'avantguerre. la galette recelant en sa pâte feuilletée l'indispensable fève, était gracieusement, offerte par les boulangers à leur honorable clientèle. Heureux temps ! Aujourd'hui, hélas l c'est nous qui devons, ce jour-là comme les autres, apporter notre galette au boulanger !

 

En consommant la part de gâteau qui vous est échue, vous constatez soudain sous votre langue la présence d'un petit machin dur.

— Zut ! encore un bonbon ! vous écriez-vous avec effroi.

Mais non, ce n'est qu'un inoffensif petit baigneur en porcelaine, vous pouvez l'avaler sans crainte. Certains, qui appréhendent sans doute des troubles digestifs, préfèrent se retirer l'objet de la bouche pour le plonger dans le verre de leur voisine. Procédé vraiment malpropre, sur l'inélégance duquel il est inutile d'insister.

Toutes les fois que l'heureux gagnant fait mine de se désaltérer, criez bien vite avec enthousiasme :

— Le roi boit ! le roi boit !

S'il renouvelle ce geste un peu trop fréquement, n'allez pas le lui reprocher: sur les trois mages de la légende, il y avait au moins un roi noir.

Faire d'une galette quatre, six, huit portions de superficie égale. c'est relativement facile; mais, si vous ne sortez pas de Polytechnique avec un bon numéro, allez donc partager cette pâtisserie en un nombre de morceaux impair, sept, par exemple. !

Le mieux, lorsqu'on se trouve dans ce cas embarrassant, est d'inviter à sa table quelque géomètre-expert qui, grâce à ses aptitudes professionnelles, viendra aisément, à bout de l'opération. D'autant plus aisément qu'avec lui le nombre des convives se trouvera du coup porté à huit.

D'ailleurs, il y a la part du pauvre. Une tradition plus que millénaire exige en effet que l'on prévoie, en divisant le gâteau des rois, un lot supplémentaire. Cette part de galette était jadis offerte en fin de repas à quelque mendiant affamé Ou présumé tel que l'on faisait asseoir à la table commune. paimi les invités, pour être sûr que ceux ci ne reviendraient pas l'année suivante.

De nos jours, la mendicité étant interdite, il n'y a plus de mendiants dans les salles à manger bourgeoises.

Alors, comme ça se fait à l'entrée des théâtres, c'est un contrôleur de l'Assistance publique qui vient recueillir, au nom de ses protégés; la part du pauvre.

 

Texte de Bernard Gervaise et dessins de J.-J. Roussau publiés en 1927

 

 

 

 

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à voir également :

- L'EPIPHANIE

- LA FEVE

- LA VISITE DES ROIS MAGES - COUTUME FLAMANDE

- DEFILE DES ROIS MAGES A MADRID

 

 

 

 

 

 

 

 

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