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De même que la réalité précise de l'aventure Pétain risque, avec le passage des années, d'entrer dans l'oubli, de même je crains qu'une autre vérité historique ne s'efface dans les esprits; celle qui concerne l'autre militaire qui, en 1 940, pour le destin de la France, partagea avec Pétain le vedettariat, je veux dire Charles De Gaulle.
Ce qu'il faut savoir à son sujet, c'est, d'abord, à quel point dans sa marche (finalement réussie) en direction des cimes, à quel point et de son propre aveu, De Gaulle utilisa le bluff. Il a en fait parfois discrètement la confidence; à Claude Mauriac, par exemple, puis à Pompidou, qui nous l'ont dit. De l'été 1940 à l'été 1944, De Gaulle a constamment et soigneusement grossi, à l'intention de Churchill, puis de Roosevelt, le nombre de ses partisans dans la France vaincue, s'appliquant à faire croire aux Anglo-américains, dont dépend étroitement tout son avenir politique, qu'il a avec lui un fort parti, puis une majorité, puis l'écrasante majorité de ses compatriotes, alors qu'il est établi aujourd'hui que les "résistants" — les partisans actifs du gaullisme — n'ont jamais dépassé plus de 5% des Français. Mais son bluff majeur est celui qu'il mit en oeuvre au mois d'août 1944 et dont le succès fut décisif dans sa carrière. La participation des "forces françaises libres" (c'est à dire des troupes gaullistes) à la défaite des Allemands après le débarquement du 6 juin n'eut qu'une existence symbolique. Elle ne débute, d'ailleurs, qu'après la rupture du verrou d'Avranches, le 31 juillet, et fut infime quant au nombre, dérisoire par rapport aux forces anglo-saxonnes, des combattants français. Malgré une longue opposition de Roosevelt, De Gaulle finit par obtenir du haut-commandement allié, et très particulièrement d'Eisenhower (pour des raisons politiques concernant le danger communiste en France), ce qu'il avait dès 1943 réclamé de lui: à savoir que ce soient les soldats gaullistes qui entrent les premiers dans Paris, afin que De Gaulle puisse apparaître, effectivement et matériellement, aux Parisiens comme leur libérateur. Or nul n'ignore plus aujourd'hui que l'évacuation de Paris, ordonnées par Hitler, était en cours et que les Allemands n'avaient plus à Paris qu'une arrière-garde (en train elle-même de se replier) quand l'insurrection — très tardive et très limitée — se déclenche. Von Choltitz, qui commandait à Paris et qui avait choisi de trahir Hitler et de s'entendre avec Eisenhower, offrit aux insurgés une trêve, prélude à un arrangement pacifique. Surtout pas ! Toute la mise en scène gaulliste s'effondrait si les choses s'achevaient sur ce plat dénouement. Et De Gaulle, grâce au consentement américain, pourra mettre à exécution le scénario rêvé, conçu et attendu par depuis quatre ans: apparaître (assez frauduleusement) aux Français comme le Grand Soldat qui les a délivrés de l'Occupant. Quant à sa "Première armée" qui débarqua au sud le 15 août pour marcher en direction de Stasbourg, c'est à Pompidou que De Gaulle, un jour, confia, cynique et souriant: "Avant tout des noirs et des nord-Africains".
Autre chose, qui fait partie intégrante de la vérité historique: l'usage délibéré, chez De Gaulle, de la duperie . En mai 1958, il parvient à reprendre le pouvoir en donnant l'illusion aux partisans — angoissés — de l'Algérie française qu'il est avec eux, qu'il est leur homme. D'où son "Je vous ai compris" du 4 juin à Alger; et le résultat sera, quatre ans plus tard, l'indépendance accordée aux Algériens. Dix ans après, en mai 1968, pour se maintenir à tout prix à l'Elysée, De Gaulle aura recours à la fois au bluff et à la ruse. Au bluff, en affectant d'envisager une intervention de l'armée pour mettre fin à l'agitation et aux grèves (sa visite à Massu n'avait pas d'autre signification). A la ruse, avec son appel pathétique, le30 juin, à tous les conservateurs et "amis de l'ordre" pour faire face à la menace d'un coup de force communiste. De Gaulle sait très bien que c'est faux et que les communistes de la C.G.T., exécrés du reste par Cohn-Bendit et ses camarades, n'ont eu que des avantages salariaux, rien d'autre. Mais le Général a son idée de derrière la tête, imprudemment évoquée par lui dans son allocution du 24 sur les indispensables réformes de structures, dans l'ordre économique et social. L'excellent Raymond Aron en avait pris un coup de sang: "Suis-je encore en France, ou, je n'ose dire à Cuba, car je ne veux pas insulter Cuba", tandis que de son côté, le futur garde des Sceaux Albin Chalandon s'écriait: "De Gaulle est en liquéfaction ! Qu'il s'en aille ! Qu'il s'en aille tout de suite !" Signes avant-coureurs de ce qui se passera en avril 1969, quand la droite et l'Argent signifieront à De Gaulle que son règne est fini.
Du bagout du début à la fin.
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