ACCUEIL | LE BROL | LA CHEMISETTE |
Dessous d'un sous-vêtement :
Si, à première vue elle parait très innocente, la chemisette donne l'image d'une humble pièce de lingerie. Mais qu'une des bretelles vienne à glisser "accidentellement" sur l'épaule... et adieu l'innocence !
![]() |
Dans la Rome antique, et jusqu'aux confins de l'Empire Romain, les femmes sont très rares à porter ce que l'on appelait la "tunica intima". Il faut atten-dre jusqu'au VIII" siècle, et que les élégantes aristocrates portent de précieuses tuniques faites d'étoffes rares, pour que se fasse sentir le besoin d'un "sous-vêtement". Nous ne savons pas si ce dernier servait à isoler la peau du contact inconfortable de ces étoffes particulières, ou à protéger des taches de transpiration les précieuses tuniques... Toujours est-il que la chemisette se trouve désormais à l'abri des regards. Ce n'est que vers 1500 que cet article de lingerie fait sa première apparition publique, sous la forme d'une petite pièce d'étoffe en V, élégamment drapée au décolleté. La chasteté était de rigueur, ainsi qu'en témoignent de nombreuses œuvres d'art représentant saintes et madonnes à l'humble décolleté pieusement occulté. L'aristocrate était par contre admise à exposer davantage de son anatomie, sans devoir la recouvrir d'un voile de fine mousseline. Et les courtisanes de l'époque étaient bien entendu encore plus... généreuses ! Quoi qu'il en soit, non contente de dégarnir la gorge, la chemisette blanche bouffe également à travers d'étroites fentes pratiquées dans les manches des corsages : le sous-vêtement commence à jouer un rôle décisif dans la mode.
Fraises peintes Il va de soi, que l'Eglise voit d'un très mauvais œil ces impudiques développements: elle demande donc à ses fidèles les plus concernés par la mode de bien vouloir porter plutôt des chemises fermées jusqu'au cou, afin de dissimuler le décolleté aux regards indiscrets. Ce nouveau type de lingerie n'est pas porté bien longtemps puisque dès 1520l a femme commence à lui préférer une chemisette à col haut aux plis serrés maintenus par un ruban. Du petit col de taille standard, on arrive assez vite à ces énormes fraises, peintes par les artistes espagnols et hollandais de la fin du XVIe siècle.
Chemises brodées d'or La coupe des chemisettes n'a pas changé: ample et large, et pourvue de soufflets sous les bras pour permettre la plus grande liberté de mouvements. La finesse des matières — lin ou coton brut — et les motifs décoratifs sont évidemment liés à la classe sociale de la propriétaire de la garde-robe. S'il est parfaitement admissible qu'un membre de la bourgeoisie fasse orner de fils d'argent et d'or le col de ses chemisettes ordinaires, il est toutefois essentiel que celles-ci ne dépassent pas un prix plafonné. Seules les classes les plus élevées ont en effet le privilège deporter des chemises de soie brodées d'or et d'argent et cousues de pierres précieuses au niveau du col et des poignets.
Linge sale Marie de Médicis possède ainsi plusieurs chemises de soie rouge brodées d'or et de mousseline travaillée avec de l'or. Il n'en demeure pas moins que rares sont les femmes à faire usage de sous-vêtements. Et celles qui en ont n'en changent tout au plus qu'une fois par mois ! Un gentleman à Paris écrit en 1672 que "bien que les dames françaises fassent grand cas de belles tenues,la netteté de leur corps et de leur dessous laisse grandement à désirer". A cet égard, la chemise de la princesse Isabelle est certainement la plus célèbre de toute l'histoire de la mode. Alors que son militaire de mari entreprend le siège d'Ostende en 1601, la princesse Isabelle jure en effet de ne pas changer de chemise avant qu'il n'ait pris la ville. Liée par son vœu, elle garde ainsi la même chemise pendant 3 ans qui de blanche devint finalement "isabelle",comme l'on dit encore aujourd'hui d'une couleur café au lait, due à la crasse! Même dans la seconde moitié du XVIIIe siècle on ne comprend pas pourquoi il faudrait changer fréquemment de dessous: "... une pratique courue dans la jeune génération" (ou encore "c'est bien tout les jeunes, ça..."). Comme le dit si bien la marquise de Coislin: "nous n'avions de mon temps qu'une seule paire de chemises, que l'on remplaçait quand elles étaient complètement usées". Mais il faut dire qu'elles étaient portées avec des habits de soie.... On imagine sans peine la surprise de contemporains de Napoléon, quand ils constatent que leur empereur change quotidiennement de dessous et que Joséphine possède 498 chemises!
Montagnes de lingerie Cette situation s'améliore néanmoins au XIXe siècle, avec la bourgeoisie aisée qui introduit l'usage de sous-vêtements amples et luxueux. Les femmes victoriennes portent toujours des chemises délicatement brodées sous leur corset, pour éviter qu'il ne frotte et n'irrite la peau. Et pour cacher le corset, elles enfilent par-dessus une "camisole", elle-même recouverte de plusieurs couches de dessous. Seuls les caleçons ne sont pas jugés absolument nécessaires dans tout cet attirail. S'habiller reste une opération longue et délicate! Les "Roaring Twenties" mettent un terme à ces véritables montagnes de lingerie pour ne laisser qu'un léger soutien-gorge, une chemisette en mousseline de soie et une culotte du même tissu. Par temps très froid, les dessous en tricot les remplacent avantageusement. Car bien avant que quelqu'un ne songe à utiliser ce jersey pour les dessous, il servait déjà autour des années 1870 à fabriquer des chemisettes athlétiques, des chauffe-poignets et des pyjamas. Les fabricants de sous-vêtements finirent quand même par exploiter à leur tour cette bien pratique matière.
"Top" idéal Jersey, maille, fibre synthétique ou soie... vert, bleu ou rouge... rubans ou dentelles... imprimés de toutes natures... les possibilités sont aujourd'hui illimitées. Et la femme actuelle n'a que l'embarras du choix parmi les chemisettes en tricot jeunes et colorées ou la séduction éternelle de la soie et de la dentelle.Une chose est sûre cependant: ne cachons plus ces attrayantes chemisettes. Elles constituent d'ailleurs le "top" idéal pour l'été, portable, presque en toutes occasions.
paru dans un quotidien en 1988. |
_____________________________________________
ACCUEIL | LE BROL | LA CHEMISETTE |
bachybouzouk.free.fr