ACCUEIL | LA RELIGION | SAINTE THERESE DE LISIEUX |
TOUS LES PEUPLES DU MONDE VIENNENT EN PELERINAGE SUR LA TOMBE DE LA SAINTE DE LISIEUX
Il se passe entre Paris et Trouville dles événements presque miraculeux : une petite ville de 14.000 âmes, Lisieux, devient aussi célèbre que Lourdes. Les touristes transatlantiques, à peine débarqués à Paris, partent pour Lisieux, en trains spéciaux (trois par jour en moyenne). Le samedi de la Pentecôte, j'ai trouvé les rues et les auberges pleines de Brésiliens. Le dimanche, ce fut des Hollandais, le lundi des Canadiens. On attend des Irlandais, des Chiliens, des Malgaches. Tous les peuples de la planète s'y succèdent, et même des Français : dix-huit cents cheminots du Havre s'annoncent déjà pour le 25 juillet. Ils ne vont pas assister à un meeting syndical. Ils vont prier sur la tombe d'une jeune fille, une carmélite de vingt quatre ans, Thérèse-de-l'Enfant Jésus, que le pape vient de canoniser.
Cependant, Rome a canonisé ces jours-ci quatre autres religieux ou religieuses de France, dont les villes natales ne voient accourir aucune foule. Qu'est-ce que la sainte de Lisieux eut de plus extraordinaire ? Sa courte vie sans événements fut celle du lys qui s'ouvre le matin, et se fane le soir, sans bruit. Le même monastère normand abrite encore quatre de ses sœurs, également servantes du Seigneur. Qu'a-t-elle fait de plus que ses sœurs, celle qui est partie la première?
Peu de chose : elle a écrit un livre ou plutôt quelques lettres intimes dont le Carmel a composé un volume, édité après sa mort, sous ce titre: Histoire d'une âme. Et cette âme s'est trouvée si exquise, si délicate, si adorable, que le monde est tombé à genoux. Le livre a été traduit aussitôt dans toutes les langues. Des millions de croyants ont sangloté en le lisant. Il n'y a même nul besoin d'être croyant pour comprenrdre qu'on est là devant une cime morale de l'humanité, d'une noblesse et d'une beauté si rares que les larmes en viennent aux yeux. Je ne m'en cache pas: venu à Lisieux en sceptique, ce n'est pas les petites vulgarités, inséparables d'une foule, même pieuse, qui boit et mange autour d'un sanctuaire, qui auraient pu me disposer à l'émotion. Mais j'ai lu son livre, et j'ai frémi à mon tour d'admiration et de tendresse. Le vrai miracle, le voilà ! Il y a des âmes si puissantes qu'elles créent véritablement l'objet de leur désir. On ne peut les approcher sans être emporté dans le vent de leurs ailes.
Les rues de Lisieux paraissent partager ce délire. Une boutique sur trois vend des portraits et des médailles de la sainte. Et tous les habitants à barbe grise se rappellent la petite Thérèse Martin, à quinze ans.
"Elle entrait dans ma boutique pour m'acheter le Petit Moniteur et la Croix !" me dit un vieux libraire. "Je la vois encore, me dit un autre, passer dans la rue, au bras de son père, un très digne homme, retraité, après avoir fait fortune dans le commerce des dentelles d'Alençon. Jolie ? Oui ! Pas régulièrement, mais une figure qu'on n'oubliait plus. On se retournait sur elle dans la rue, à cause de ses magnifiques cheveux blonds flottant sur le dos." Cette chevelure de vierge, tôt tombée sous les ciseaux du Carmel, la sacristie du couvent l'expose dans la salle des "reliques", un peu trop bouclée, calamistrée et adonisée comme une réclame de coiffeur, attendrissante pourtant, comme la seule chose vivante qui reste d'elle. Car l'exhumation au cimetière, au bout de vingt-cinq ans, n'a rendu que des ossements.
"Des os dans un peu de poussière brune", m'explique le vieux jardinier du couvent. "J'ai senti comme un parfum de roses en donnant les coups de bêche. Mais le cercueil de méchant bois de sapin était pourri. On n'a pu que laver ces os dans l'alcool et les mettre dans le magnifique reliquaire d'argent envoyé par le Brésil."
Enfant, Thérèse Martin habitait avec son père et ses sœurs une sorte de minuscule chalet, en briques rouges, dans un jardin bien clos, auquel on parvient par un sentier de chèvre "les Buissonnets". Contre la foule qui y défile maintenant du matin au soir, il a fallu mettre sous vitrine le lit de la petite sainte, encore entouré de ses livres de classe et de ses jouets, une cage à serin, un piano de poupée. C'est de là qu' elle partit, à peine nubile, pour aller se jeter aux pieds dé Léon XIII, à Rome, afin d'implorer la licence d'entrer au Carmel avant l'âge fixé par la règle. En dehors de ce pèlerinage tout mystique, elle est passée directement de sa maison paternelle au cloître. Cette enfant ardente, assoiffée d'un amour infini, n'a connu de la terre que ce qu'avait pu lui révéler cet unique voyage. Il lui suffit pour en entrevoir les souffrances et les laideurs.
Ses sœurs, murées dans le silence conventuel, ne parlent point. Mais j'ai pu causer avec sa cousine et compagne d'enfance, Jeanne Guérin.
"Elle jouait avec les autres enfants, me dit-elle, mais pas comme eux. Toujours avec une réserve pensive, et surtout une sensibilité à fleur de larmes. Citait son seul défaut. Un besoin éperdu d'aimer et d'être aimée. Nous sentions bien tous qu'elle n'était pas pareille à nous. Thérèse était de celles dont on dit : "Elle est trop, fine, elle ne vivra pas". Aussi, les rigueurs de la règle l'ont-elles usée en quelques années. Surtout le froid ! Le Carmel de Lisieux était très pauvre. On passait l'hiver sans feu, ou presque. Elle grelottait toute la nuit sans pouvoir dormir. La phtisie est venue et l'a emportée, mais après de longues, très longues souffrances. Quand on exposa son cadavre, derrière les grilles du chœur, je ne l'avais plus revue depuis son entrée au cloître. Son front m'apparut tout changé, crispé, douloureux."
Le fait d'entrer au Carmel à 15 ans, et d'y mourir à 24 n'expliquerait pourtant pas la gloire précoce qui vaut à la fillette d'hier d'être placée sur les autels, 25 ans à peine après sa mort, en dehors de tous les délais canoniques, avec des fondateurs d'ordres qui postulaient cette consécration depuis cent, deux cents ou trois cents ans. Mais il y a eu la guerre.
En Europe, en Afrique, en Amérique, des milliers de mères séparées de leur petit soldat ont lu l'Histoire d'une âme. Dans la chapelle du Carmel, les lettres d'or des ex-votos clament leur reconnaissance pour la Bienheureuse à qui elles ont recommandé leur fils lointain. Le pavé de la chapelle où la belle religieuse en marbre rose semble dormir dans sa chasse de cristal et d'or disparaît sous les fleurs et les billets de banque. Une affiche posée depuis peu prie les pèlerins de déposer ceux-ci dans un tronc spécial. Le bureau de poste de Lisieux, m'avoue qu'il manipule depuis deux ans, par millions, les mandats envoyés de tous les coins de l'univers. L'église neuve est déjà trop petite. On va élever une, basilique. Un grand hôtel "réservé aux prélats" se conshuit. Le conseil municipal de Lisieux est "cartelliste". Pour être élu, il a dû promettre de ne rien faire qui pût contrarier cette pluie d'or. Et de fastueuses processions sont prévues pour le mois de juillet.
Ainsi le rêve brûlant d'une enfant a triomphé des plates réalités terrestres. "Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre", répétait-elle dans son agonie. Que l'on croie ou ne croie pas, peut-on nier que ces ex-votos, ces dons, ces pèlerinages représentent, à défaut de miracles, des souffrances très authentiquement guéries ou consolées ? L'holocauste de la petite martyre n'a donc pas été illusoire. Et qui sait si le secret suprême de la paix du cœur, orgueilleusement cherché par les religions et les philosophies ne se trouve pas dans sa doctrine d'aimer Dieu et les hommes "comme les aimerait un petit enfant" ?. La France vient de donner au monde l'âme la plus pure qui ait vécu depuis François d'Assise.
MAURICE DE WALEFFE (juin 1925).
éditions de 1898 et de 1914
_____________________________________________
Natasha St-Pier - la star canadienne chante des poèmes de Thérèse de l'Enfant-Jésus dont l'exemple sert de guide à sa spiritualité.
album Thérèse - Vivre d'Amour sorti en 2013
de nouveaux poèmes en 2018
_____________________________________________
ACCUEIL | LA RELIGION | SAINTE THERESE DE LISIEUX |
bachybouzouk.free.fr