Extrait de l'Almanach 1881 du Petit Nord, prédictions météorologiques pour l'année, en patois.

 

LES PREDICTIONS

 

Un armera sans prédictions,
Chy’est un maavul’ (1) sans launettes ;
Ch’est un lapin cuit sans angnons,
Et des vieill’ gra’-mèr’s sans crochettes.
Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera.
Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera :

 

Au mos d’ Janvier i gèl’ra dru :
Chaq’ aura candéliette. (2)
On aim’ra mieu un air de fu
Que l’ pus biel air de clarinette.
Et v’là  ! et v’là
Les prédictions de m’n armera !

 

Féverier, qu’on appell’ court-mos,
Nous donn’ra queq’ jours de carême.
On verra dins gramint d’indrots
Mainger pus d’ lait battu que d’ crème…

Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera.

 

Mars aura des fameux fruos (3),
Aussi je crain point d’ vous prédire,
Qu’in veyant vos sorlet’ à tros (4),
Tous les cordonniers pouff’ront d’ rire…
Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera.

 

Au premier d’Avril, on verra
Des balous (5) courir à l’ moutarde,
Et ch’l amusmin’t réjouira,
Pindant tout l’ mos, pus d’eun’ bavarde.

Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera.

 

Avecque l’mos d’ Mai, arriveront
Biell’s fleurs, verte feulle’ et rosées.
Alors aussi, des fleurs pouss’ront,
Qui n’ont point b’soin d’ète arrousées.
Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera!

si l’pleuve arrive à l’Saint-Médard,
A lille, à Paris, comme à Vienne,
I pleuv’ra quarant’ jours pus tard,
A moins qu’avnat l’biau temps ne r’vienne.

Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera.

 

Du mos d’ Juillet, l’ forte caleur,
Fra boir’ tisainne et limonade.
Si l’un s’introuv’ bienn, par malheur,
Pus d’un aut’ s’in rindra malade.

Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera.

L’Août fournira grammint d’blé.
Aussi combien d’ gins nous répètent
Qu’on ming’ra du pain bon marqué…
Si les grands marchands d’ grains l’ permettent.

Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera.

Tout Septembre nous apport’ra
Bien d’ l’agrémint, vous povez m’croire,
Puisque dins ch’mos, chacun goût’ra
Les plaisirs qu’ peut donner la Foire (6),

 

In octobre arriv’ra, mes gins,
L’ fiêt saint-Crépin, l’ temps des marées ;
Les cordonniers maing’ront d’s hérings,
Avec des bonn’s gross’s couq’s chucrées… (7)

Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera.

 

Novembre est un mos bien fameux,
Mais qui, malheureus’mint, bous ruine.
Aussi vous verrez d’s amoureux
S’ brouiller pou l’ fêted’ Saint’ Cath’rine…

Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n armera.

In Décembre, l’ Petit-Jasus
A vos p’tits garchons, vos p’tit’s filles,
Si vous dépinsez queq’s écus,
Apport’ea grammint d’ gross’s coquilles.

Et v’là ! et v’là
Les prédictions de m’n ramera.

 

 

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(1) qui voit mal, myope
(2) stalactite de givre attachée à une nochère (gouttière)

(3) giboulées
(4)  souliers troués
(5) balourd

(6) on sait que la Foire de Lille, dont la durée ordinaire est de plus de quinze jours, commence le 26 août.
(7) vieille plaisanterie. Il est convenu, à Lille, que les cordonniers ne peuvent fêter convenablement la Saint-Crépin, qu’en mangeant des harengs avec des couques (gâteaux) sucrées.