ACCUEIL | LE NORD ET UN PEU DE BELGIQUE | UN CORTEGE DE KERMESSE FLAMANDE A PARCOURU LES RUES DE PARIS (1925)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

UN CORTEGE DE KERMESSE FLAMANDE A PARCOURU LES RUES DE PARIS

 

Pittoresque, humoristique, romantique, semblant échappé d'un conte de fées ou d'une chanson de troubadour, le cortège des sociétés belges déliait hier à travers Paris. A cette brûlante journée de juin, qui plongeait la capitale dans une sorte de langueur, il donna un petit air de Mi-Carême, ou plutôt de kermesse flamande. Et tous les promeneurs s'interrogoaient, un peu surpris que tant de joie, tant de flamme, tant de spirituelle folie pussent émaner de Bruges-la-Morte (1) ou des calmes campagnes wallonnes.

Partie de l'Opéra dès 11 heures, cette étrange procession s'achemina vers la Madeleine. Serpent multicolore, elle s'engagea dans la rue Royale, contourna l'obélisque et remonta l'avenue des Champs-Elysées, pareille à quelque régiment vainqueur. La dislocation eut lieu à l'Exposition des arts décoratifs, cependant que Marseillaises et Brabançonnes se mariaient dans le ciel éclatant.

Les Parisiens se souviendront longtemps des fameux "Gilles" de Chapelle-Binche", polichinelles tintinnabulant (2) de toutes leurs clochettes et dansant un petit pas vieillot des Gilles qui portent sur leur tête tout le plumage d'une autruche de première grandeur. Ils se souviendront des cent dix mineurs du Hainaut et de l'harmonie royale Broerderband d'Anvers, qui, dans la joyeuse procession, firent apparaître deux émouvantes images : celle du travail acharné, celle de l'armée triomphante.

Ils reverront par la mémoire le groupe des "Denrées", les gamins en haut de forme, les filles toutes roses sous leurs ombrelles vertes, les petits Poulbots da l'Escaut... Ils se rappelleront les Pierrots de Wavre, blancs comme des fantômes, et les rudes matelots d'Ostende, encore plus blancs que leurs frères les pierrots.

Car c'était toute la Belgique qui défilait sur notre boulevard avec !es Gilles, les Pierrots et les matelots — aveo les "R'Jetons des combattants de 1830": grognards dignes d'une épopée, vivants bonnets à poil intimidant la foule — avec les Botteresses couronnées de fleura — avec les "Gais lurons" de Bruxelles, bateleurs moyenâgeux qui joueraient un rôle au pied levé dans un fabliau, avec les Zigomars d'Ostende, vêtus de drap rouge et coiffés d'un grand feutre noir. plus rieurs que des écoliers et importants comme des mousquetaires !

A 15 heures, un grand festival de musique belge eut lieu sur l'escalier du Grand-Palais. Puis les convois de la gare du Nord remportèrent vers leur foyer les Pierrots qui ne sont plus aujourd'hui — lendemain de rêve — que de vaillants ouvriers comme il en existe un peu partout dans le monde.

 

 

publié en 1925

 

________________

1. Bruges-la-Morte est un roman, publié en 1892, de l'écrivain belge de langue française Georges Rodenbach (1855-1898)

2. tintinnabuler : se dit d'une clochette, d'un grelot qui sonne (le costume des Gilles est garni de nombreux grelots)

 

 

 

les Gilles de Binche défilent à Paris

 

 

 

 

 

les Pierrots de Wavre - Paris 1925

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  ACCUEIL | LE NORD ET UN PEU DE BELGIQUE | UN CORTEGE DE KERMESSE FLAMANDE A PARCOURU LES RUES DE PARIS (1925)

 

 

bachybouzouk.free.fr