Tourcoing fut jadis en butte aux railleries du chanteur lillois Brûle-Maison qui dépensait sa verve au détriment des habitants de ce joli bourg de la Châtellenie de Lille dont la simplicité et I’ honnêteté étaient proverbiales. Parmi ses enfants célèbres qui ont voulu démentir l’ assertion du caustique Brûle-Maison en faisant honneur à leur ville natale, Guéthem, appelé improprement Guiétem sur la plaque d’une petite rue tourquennoise située vers la place Sébastopol, est à coup sûr le plus typique.

Guéthem
L'acte de baptême de Guéthem qui repose aux archives de Tourcoing, indique qu'il naquit dans cette ville le 4 décembre 1659. "Fut baptisé Pierre Guéthem, fils de Jacques et de Catherine Tiberghien l’ont tenu sur les fonts Natalis Tyberghien et Marie Courteauls". En ce temps sévissaient les guerres de Louis XIV et Tourcoing était en butte aux rapines de la soldatesque. La famille Guéthem se réfugia en Hollande. Pierre y remplit les fonctions de valet de pied chez le Prince de Bourbon, puis il devint musicien, et à 24 ans embrassa le métier des armes et de partisan.
Partisan
Guéthem se battit à Vienne contre les Turcs, avec Maximilien de Bavière. C'est à ce siège qu’il enleva aux Turcs un magnifique étendard de soie brodée, encore existant au Musée de Tourcoing. Notre Tourquennois nasse ensuite au service du Prince Eugène de Savoie et se bat contre Louis XIV en Italie. On le trouve à Carpi et à Chiari (1701). En 1703, le Prince Eugène assiège Crémone, où se trouvent les Français commandes par le Maréchal de Villeroi. Guethem a l'imagination fertile. Il a remarqué qu'un aqueduc accède hors des remparts de la ville. Il forme l'astucieux projet d'introduire l'armée de son maître dans Crémone, par ce passage hasardeux. Pour ce faire, il se ménage des intelligences à l'intérieur de la Cité. L'affaire réussit à merveille et le Maréchal de Villeroi a le triste privilège d'être fait prisonnier par un simple soldat. Cet hardi et heureux coup de main valut à Guéthem les galons de colonel.

Marlborough s'en va-t’en guerre...
Le colonel Guéthem passe alors au service de Milord Marlborough, célèbre générai de fortune et de non moins célèbre mémoire, héros d'une vieille chanson française qui fait partie aujourd'hui du répertoire des nourrices. Guéthem, dont la hardiesse de l'imagination n’avait d'égale que l'Intrépidité dans l'action, berne le Maréchal de Villeroi. A l'aide d'une ruse savante, il fait croire au maréchal à une fausse attaque de l'Abbaye de Saint-Amand. Ce piège, dans lequel tombe Villeroi, vaut à l'armée française la défaite de Ramillies, restée célèbre dans l'histoire. Le Tourquennois fut ensuite devant Menin. Il protégea, à l'aide d'une lettre de sauvegarde, sa ville natale contre le pillage des troupes.

Témérité...
Guéthem, qui aime à se singulariser et dont la fortune militaire va s'accroissant, projette une entreprise d'une folle témérité. Il parle de se rendre à Paris et d'y enlever un grand personnage de la Cour du Roi Soleil . Il traverse la Hollande muni de faux passeports, arrive sans encombre à Condé, traverse l'Escaut à la nage, se rend â Cambrai et gagne Chantilly en mars 1707. Avec 30 compagnons aguerris, il se porte au cabaret Point du Jour où doit passer un cortège princier se rendant à la chasse à Marly. Guéthem et la troupe, embusqués se dressent tout à coup au passage d'un magnifique carrosse qu'ils arrêtent. "Au nom du Roi !" Dans le carrosse, un important personnage, M. de Bléringhem, Grand Ecuyer du Roi, qui ne peut en croire ses oreilles puisqu'il vient de quitter Sa Majesté. Cependant, devant la force il obtempère et suit Guéthem et sa troupe. L'affaire fit grand bruit à la Cour de France. Le Roi s'émut. Tous les mémoires du temps font la relation de cet enlèvement sensationnel qui donna la fièvre è Madame de Maintenon. L'équipée de Guéthem se termina rapidement. Tout le monde avait été alerté. Il fut bientôt rencontré per les hommes du Gouverneur de Ham, qui le capturèrent et délivrèrent son illustre prisonnier. A Versailles, le Grand Ecuyer, libéré fut fêté cependant que Guéthem. Prisonnier à son tour, était traité honorablement et présenté à Louis XIV qui daigna lui adresser la parole. M. de Bléringhem était un homme d'esprit ; il choya Guéthem qui devint un moment célèbre à Paris où il fut chansonné.

Le Temps...
Puis Paris oublia. Le colonel, prisonnier à Reims, fut bientôt libéré. La carrière de notre Tourquennois devait cependant se clore rapidement avec la mort qui le surprit vers 1709. Il était âgé de 50 ans. M. Vanden Driessche, historien tourquennois, nous apprend qu’il fut emporté par un cancer à la bouche. Le temps et l'oubli font neiger sur toutes choses leurs mousselines d'ombre. Seule, une humble plaque dans une petite rue de Tourcoing indique encore le nom déformé de Guiétem qui fut illustre en son temps où il défraya la chronique européenne.

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cet article de presse régionale (Nord de la France) date de 1937