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Dunkerque, dimanche matin. La ville est au repos. Le port est inanimé. Des abat-sons du beffroi une ritournelle de carillon s'échappe. Il est dix heures.
Dunkerque tarde à s'éveiller, ce dimanche de carnaval. D'épais nuages gris courent bas dans le ciel. Il semble qu'ils vont s'accrocher au sabre que David d'Angers fait brandir à Jean Bart. Le corsaire-amiral braque son pistolet vers une grand-place vide.
Soudain un coup de vent qui fait trembler avec fracas la charpente de l'église Saint-Eloi en ruine, apporte un son de tambours et de fifres joyeusement rythmé. Les roulements, les fifres deviennent plus aigus. Voici venir, avec sa troupe, le fameux tambour-maître Cô-pinard (1), annonciateur du carnaval.
Cô-pinard s'avance majestueusement, coiffé d'un énorme bonnet à poil de hussard impérial, il brandit une grande canne à pommeau de cuivre enroulée de longs cordons, sa capote noire aux larges épaulettes grenat est chamarrée d'étranges décorations, ses jambes immenses dans un large pantalon rouge, martèlent solennellement le pavé. Derrière lui des tambours battent la caisse et des fifres s'époumonent suivis d'une troupe de gosses aux hardes multicolores.
Le carnaval est ouvert. Co-pinard a salué de sa canne la statue de Jean Bart. L'amiral et le tambour-maître seront, durant ces trois journées, les trois "joyeuses", les jours gras, les deux héros de la fête: l'hymne à Jean Bart retentira à huit heures dans les bals et les cafés et la population suivra partout le célèbre Cô Pinard.
Au bruit de cette musique carnavalesque, une foule de bonne humeur emplit la place, elle est heureuse, le carnaval est ouvert, elle ne va cesser de s'esbaudir tant qu'il durera.
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La fête est commencée, la gaîté est déclanchée, elle ne s'arrêtera qu'au Mercredi des Cendres au matin. Les cafés s'emplissent et retentissent d'airs usés que les orchestres et les accordéons n'ose sortir en ces jours de carnaval.
La bière coulera à flots, on dansera sans arrêt, on chantera sans répit, on ne "démasquera pas". Pendant trois jours, ce Flamand si froid et si calme, ce marchand placide s'agitera dans une folle joie.
L'après-midi vient. La "Visscherbende"(2), la bande des pêcheurs, circule sans répit dans les larges artères comme dans les sombres ruelles, semant partout le rire sur son passage. C'est une mascarade grotesque et réjouissante. En tête, marche un groupe de Peaux-Rouges gesticulant, leurs membres robustes tendent les caleçons bruns qui les emmaillotent; ils sont empanachés de plumes multicolores, embrassés d'accessoires bizarres et bruyants. Puis vient l'inévitable Cô-pinard, il dirige un orchestre de cuivre qui claironne sans se lasser des refrains populaires. Des masques le suivent aux oripeaux sordides, vieux châles d'indienne, mouchoirs rouges, larges jupons à volants, pantalons effilochés... Ils brandissent des vieux paniers, des ombrelles et des parapluies en lambeaux, des cannes excentriques. Ils soufflent dans des mirlitons de papiers nasillards.
Cette troupe burlesque entraîne derrière elle les enfants à la face noircie de suie, enroulés dans de vieux draps et de vieux rideaux.
A chaque carrefour, la bande s'arrête, l'orchestre joue une sorte de gigue: c'est le "quadrille dunkerquois", les masques forment des cercles et les mains s'appuyant sur les épaules du voisin, ils jettent les jambes en l'air sur la cadence de la musique. Puis les groupes s'entrechoquent et se bousculent; c'est la "chahut".
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Le soir, ces musiques infatigables se trouvent au bal. Tout a été converti en salle de danse: les restaurants, cafés, l'Hôtel des sapeurs-pompiers, les cinémas, le théâtre municipal.
La vie sérieuse est pour trois jours suspendue dans cette ville de labeur et de travail. Dunkerque se détend les nerfs. Dunkerque a retrouvé dans sa gaieté sa vielle âme flamande ! C’est vous, "carnavaleux", masques sortis des sabbats de Teniers (3) qui redonnez à cette vieille cité, capitale de la belle Flandre maritime, la liesse traditionnelle des kermesses de Rubens et de Joardaens (4).
O Flandre, dans ce carnaval, tu laisses tomber le froid linceul dans lequel les gens du Sud t'ont ensevelie, tu es toi-même, tu es belle.

 

J.E. VAN DEN DRIESSCHE

 

(1) - tambour major

(2) - la bande des pêcheurs

(3) - David Teniers, dit le Jeune. Peintre Flamand

(4) - célèbres peintres flamands.

 

 

DUNKERQUE - LES TROIS JOYEUSES (3 AU 5 MARS 1935)

 

Le premier jour du Carnaval de Dunkerque a été favorisé par une journée assez heureuse. Quelque gouttelettes de pluie s’étant seules montrées. Co-Pinard, à 11 heures a ouvert officiellement le carnaval avec sa clique qui a joué durant toute la journée les fameux airs des Trois Joyeuses.

 

La dernière journée des Trois Joyeuses s’est déroulée à Dunkerque par un très beau temps, et les promeneurs, à défaut des foules masquées d’antan, ont parcouru en masses les principales artères de la cité. Dans la soirée qui précéda, c’est-à-dire lundi, on eut à relever au palais Jean Bart, la cohue de toujours, ce qui souligna une fois de plus le succès de M. Henri Codron et des membres de son Comité. L’amusement fut très vif et Co-Pinard, à minuit trente, faisait une entrée solennelle au Palais Jean Bart. Pour ce qui est de la bande des Pécheurs, elle fut alimentée par quelques centaines de masques. Mais retrouvera-t-on jamais l’animation et l’importance qu’elle connut autrefois.

 

Vers 16 h 30, le beau temps incitant, on eut à suivre les allées et venues de couples masqués qui pratiquèrent l’intrigue assez tard dans la soirée. A l’issue du défilé de la bande, eut lieu la tombola gratuite réservée aux carnavaleux y ayant participé. Cinq cents francs de prix furent ainsi tirés au Music-Hall Palace. De 16 h à 18 h, il y eut promenade de groupes musicaux qui, rassemblés Place du théâtre, défilèrent ensuite en ville. Dans la soirée les bals furent extrêmement animés.

 

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Le carnaval de Dunkerque évolua et les masques furent bientôt remplacés par des déguisements accompagnés des parapluies ! Les "bandes" et Co-Pinard résistèrent à à ces changements.

 

 

 

Le carnaval de Dunkerque sous trois époques et en 1911

 

En haut : sous la Restauration (1814-1830), Groupe de pilotes, Bazennes et Coursiers – Le Géant Reuze et son escorte
En Bas : sous le second Empire (1852-1870), Bande de pêcheurs – En 1911, la bande de pêcheurs sillonne les rues de Dunkerque le dimanche gras 26 février.

 

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Le célèbre tambour-major Cô-Pinard

 

 

 

 

 

 

 

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