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Tous les ans, un joyeux défilé carnavalesque a lieu à Cassel. De toutes les parties de la Flandre, on accourt sur les pentes fleuries de la colline pour saluer et fêter Reuze, le bon géant populaire, et sa famille. Deux habitants de Bergues, Madame et Monsieur Ruyssen, prennent part à cette journée de liesse.
Lille, Douai et beaucoup d'autres villes de la Flandre française et belge  ont également leurs géants.


 

 

 

Quand ils pénétrèrent en ville, la place ovale s'encombrait de têtes innombrables. S'aplatissant contre les façades, M. et Mme Ruyssen se glissèrent au bord d'une terrasse pavée qui dominait le sol oblique. En face, la foule se massait devant la conciergerie.
Un toit d'ardoise invraisemblablement large que perçaient trois rangées de fenêtres en quinconce et qui devait enclore un grenier aussi vaste qu'un vaisseau de cathédrale, écrasait la bâtisse; sous ce poids, les murs avaient dû peu à peu s'enfoncer dans le sol; un seul étage en restait qui ne dépassait plus les maisons voisines et paraissait même descendre encore: les fenêtres s'ouvraient si proches du trottoir que les gamins s'asseyaient sans peine sur l'entablement.
La vieille façade, dérangée de sa quiétude semblait devant cette foule, froncer les sourcils arqués de ses fenêtres.
Soudain, pulvérisant les autres rumeurs, une fanfare éclata. Des sociétés s'allongèrent sur deux rangs. Un flot de musiciens en costume Louis XIV que coiffaient des tricornes bordés de col de cygnes roula sous le cintre bas de la grand'porte.
- L'Reuze, criant-on. V'là Reuze.
Un géant apparut, formidable. Son casque à cimier se dressait à trois hauteurs d'hommes au-dessus des Flamands. Relevée, la visière laissait voir des yeux terribles et une bouche énorme dans les broussailles de barbe et de sourcils. Sur chaque épaule grimaçait une tête de lion, tandis que les bras tombaient roides contre les flancs et s'enfonçaient dans des gants blancs à crispin. Une cuirasse de carton doré luisait sur la poitrine, que barrait en sautoir un baudrier de pourpre. Dessous, dévalait une cotte de velours qui se prolongeait en jupes, jusqu’aux pavés... Le Reuze jetait au loin une sensation de force et de majesté bizarre.
.    .    .    .


Marie demanda :
- Le Reuze, c'est bien Robert le Frisson, n'est-ce pas ?
-Peut-être, dit M. Ruyssen, mais on ne sait au juste. D'ailleurs, il a perdu son nom : pour ces gens-là, c'est tout le passé puissant et empli de mystère qui se dresse  et se promène par les rues. Ecoute donc...
Il se mit à chanter avec la foule de vieux couplets dont la fanfare endiablée répétait la musique.
Le cortège approchait. Une lucarne ouverte entre les genoux du Reuze laissait entrevoir un visage d'homme; il surveillait la route et, se retournant criait des ordres aux porteurs, cachés dans le mannequin d'osier.
Derrière le Reuze avançait sa femme, hiératique et casquée, puis se dodelinant brusquement, deux gros bambins hilares.
Fous de joie des gosses bousculaient les musiciens, se glissaient près du géant et, vers sa barbe impassible, hurlaient :
- Vive Reuze papa !
D'autres se baissant, essayaient d'attraper sous la draperie les pieds des porteurs : ceux-ci qui marchaient à l'aveuglette trébuchaient en jurant; leur mannequin oscillait et quelques voix, dans la foule l'apostrophaient.

J.-H. Louwyck - La dame au beffroi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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