ACCUEIL | L'HISTOIRE | BOUVINES - 28 JUIN 1914 - VIIe CENTENAIRE DE LA BATAILLE

 

 

 

 

 

En vue de la célébration des 700 ans de la Bataille de Bouvines, un concours d’affiche fut organisé par le Comité des Fêtes Commémoratives de la Victoire de 1214. Voici un projet, disons-le, un peu humoristique publié dans un journal régional le 1er novembre 1913. Vous trouverez en bas de page deux projets "plus sérieux".

 

 

 

Le pont de Bouvines, sur la rivière La Marque, est de construction récente. Il a remplacé le vieux pont de pierres situé en aval du pont sur lequel passa l’armée de Philippe-Auguste – La Chapelle aux arbres. Placé au milieu de la plaine se déroulant de Bouvines à Camphin, ce groupe d’arbres entourant un calvaire marque l’endroit où était le centre de l’armée française avec Philippe-Auguste, face à l’Empereur d’Allemagne – Erigé en 1863 à l’entrée du village de Bouvines, ce modeste monument rappelle la grande date du 27 juillet 1214. C’est à peu de distance de cette pierre que s’élèvera un nouveau monument, plus important cette fois.
P.S. : de nos jours, les deux monuments subsistent.

 

 

 

Les fêtes commémoratives préparées de longue date pour le septième centenaire ont été célébrées le dimanche 28 juin avec un éclat imposant. Annoncées à Lille, dès le 26 au soir par les sons éclatants des fanfares militaires qui précédaient une brillante retraite aux flambeaux, puis le samedi à Cysoing, elles se sont terminées le dimanche sur les lieux mêmes de la bataille par une apothéose.

 

Sur les photos : Sur l’estrade officielle pendant les discours – Au théâtre de verdure (dans la propriété de M. Félix Dehau, maire de Bouvines, la représentation par les artistes de l’Odéon, de La Fille de Roland, d’Henri de Bornier.

 

 

BOUVINES 1214-1914

 

II


Anglais, Teutons, se ruaient au carnage,
Sûrs, croyaient-ils, du succès des combats,
Cherchant en vain à briser le courage
De nos aïeux qui ne faiblissaient pas,
Frappant sans cesse et d’estoc et de taille.
Nos fiers guerriers aux prix de mille efforts,
Sur l’agresseur gagnèrent la bataille.
Le sol poudreux était jonché de morts.


REFRAIN

III


Nous n’oublierons jamais cette victoire.
Bien que depuis, sept siècles aient passé ;
L’enfant lira cette page d’histoire
Avec orgueil, sans en être lassé.
Dès ce beau jour, notre France était née,
Et c’est parmi tous ces rivaux jaloux
Que commença sa haute destinée
Peuples et Rois, près d’Elle, inclinez-vous !


REFRAIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aux vainqueurs de Bouvines, la cantate  (paroles de Emile Legrand, musique de Oscar Petit) qui fut chantée à Lille, le vendredi 26 juin 1914, pendant la retraite aux flambeaux.

 

 

 

Le samedi 27 juin eut lieu à Lille, une Soirée de gala au Théâtre Municipal de Lille*, au profit de l’érection du monument commémoratif, avec une représentation de Comme les Feuilles (Come le foglie), comédie en 4 actes de Giuseppe  Giacosa traduite par Mle Darsenne.

 

* de nos jours, l'Opéra de Lille.

 

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Un journal régional avait organisé en octobre 1913, un concours pour la composition d’une affiche à propos du VIIe centenaire. Le sujet imposé était un épisode de la bataille. Deux projets ont été présentés au jury, qui a décidé de partager le prix affecté à ce concours entre M. Guillaume, artiste peintre à Malo-les-Bains (affiche de gauche), et M. Franquet, dessinateur à Lille (affiche de droite). Ces projets ne sont pas définitifs.

 

 

 

 

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Il y aura tantôt 700 ans que Philippe-Auguste livrait bataille à l’empereur Othon IV dans la plaine de Bouvines. Le hasard d’une excursion nous a fait passer par là ces temps derniers, et nous nous sommes arrêtés dans le silence de ces champs historiques. La terre y est paisible, le vent qui chante son refrain triste dans les hauts peupliers nous dit les plaintes des blessés après le choc formidable des armées d’airain; beaucoup de ces guerriers bardés de fer s’endormirent en la glèbe rousse, et l’on retrouva dans les siècles suivants, leurs armures, boucliers et épées, reliques historiques que les antiquaires se disputent encore à l’heure présente.

 

Bouvines conserve le culte de cette page d’histoire ; son église est là qui le prouve. Située sur une hauteur, la sainte demeure actuelle fut, en effet, construite sur l’emplacement de la chapelle en laquelle Philippe-Auguste pria et déposa son diadème avant la bataille (27 juillet 1214). Ses troupes prièrent, elles aussi, devant la croix de pierre qui s’érigeait alors derrière la chapelle, et c’est encore en cet endroit que furent enterrés les vaillants chevaliers et archers du roi, le soir du combat, qui fut, selon les écrivains du temps, d’une fureur extrême.

 

L’église de Bouvines est bien le monument élevé à la gloire des guerriers français morts en ce coin de terre pour notre belle patrie. C’est un remarquable édifice que nous devons à l’art et à la science de l’éminent architecte lillois M. Normant-Dufresne. Notre concitoyen y a mis tout son cœur ; il en a fait un sanctuaire, véritable œuvre d’art, qui est une belle reconstitution historique, et dont Mme Normant-Dufresne, sa veuve, en est restée la gardienne et la bienfaitrice.

 

article publié en 1912

 

 

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Passant, arrêtestoi: cette plaine est Bouvine.

Ici l'envahisseur germain fut rejeté,

Afin que se fondât la durable unité

D'une France obstinée à demeurer latine.

 

Ces champs dont la moisson à tous les vents s'incline,

Le sang ici versé fit leur fertilité.

Cet horizon de calme et de sérénité

Fut fatal à l'orgueil de la race voisine.

 

Ici l'on vit combattre et vaincre, un contre trois,

Les Français; et flotter l'oriflamme des rois

Au=dessus d'une enseigne en nos mains prisonnière.

 

Passant, au monde entier, dis que comme autrefois

La nation demeure héroïque et guerrière

Où le vieux sang romain se mêle au sang gaulois.

 

André M. de PONCHEVILLE.

 

 

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L'église de Bouvines en 1914 - en médaillon : l'architecte lillois Auguste Normant-Dufresne

 

 

Les Chefs du Nord à Bouvines

 

Barrès conduit son fils unique sur les pentes escarpées de Sion-Baudémont et cherche à éveiller chez lui, devant le château des ducs de Lorraine, la conscience de sa race. Mistral se promène tout seul, ou avec des amis, sur les Alpilles et aux Saintes Maries. Les chefs du Nord viennent à Bouvines avec leurs cinq, six enfants, filles enjouées, garçons robustes, pétulants, pleins de vie. Hommes d'action voués aux tâches rudes, cerveaux toujours en gestation d'usines et de machines, ils trouvent, non loin de leurs villes trépidantes, à Tournai, à Bruges, à Bouvines, d'admirables reposoirs, des refuges.

Lorsque l'été dore les moissons de la Pévèle et du Mélan- thois, leurs prestes et modernes autos, traversant Cysoing, Sainghin, les amènent, en famille, jusqu'à cette plaine où se jouèrent les destinées de la Flandre et de la France.

Ce 12 juillet 1914, il y a foule dans l'unique rue qui va montant à l'église de Bouvines patrons et ouvriers, citadins et paysans, pensionnats et orphéons juchés sur l'impériale de grands breaks, bicyclistes et piétons, car on célèbre par des fêtes historiques et patriotiques le septième centenaire de la bataille.

Le soleil est brûlant. Dans l'allégresse de cette matinée dominicale, déjà les verres se remplissent. La porte des cabarets est ouverte, une odeur de bière et de tabac s'en exhale. De gais appels, des chants se font entendre. Et la foule, de plus en plus dense, monte toujours vers l'église et le champ de bataille.

C'est là que les Allemands d'Othon, les Flamands du Comte Ferrand, les Anglais de Jean-sans-Terre rencontrèrent l'armée de Philippe-Auguste. Les Français engagent le combat dans un enthousiasme sacré. Le roi s'agenouille à l'église. Il bénit ses soldats. Il s'avance au chant des psaumes "Benedictus qui docet", " Exsurgat Deus", "Domine loetabitur rex in virtute tua". Une légende, rapportée par Chateaubriand, veut que Saint Martin ait été à Bouvines avec d'autres saints et saintes. Les évêques combattent à côté des nobles et des communiers. Les chevaliers se livrent, comme dans l'Iliade, des combats singuliers auxquels le Ciel s'intéresse. Pendant la bataille, le soleil lance ses flèches d'or dans les yeux des Barbares et la mer engloutit le fuyard anglais avec le trésor de son maître. Enfin, les Français, bien que surpris en retraite et luttant un contre deux, sont vainqueurs.

Tout se teinte de merveilleux, tout baigne dans le surnaturel. Bouvines, c'est l'intervention du divin dans nos affaires comme à Tolbiac, comme plus tard sur la Marne. On croit entendre ici des voix dans la brise comme à Domrémy. Tout est réuni pour satisfaire notre amour du légendaire et du prodigieux.

Mais le plus merveilleux de cette histoire, c'est que des Flamands de la Flandre française dont les pères combattaient, ce jour-là, sous le signe du Lion, les notables de Lille qui fut pillée et saccagée par Philippe-Auguste, aient pu se réunir en 1914 pour commémorer joyeusement la défaite de leur prince et la perte de leur indépendance. C'est une sorte de miracle que la complète fusion de ce morceau de Flandre dans le creuset français.

Les fêtes organisées à Bouvines par les notables lillois, le 12 juillet 1914, montrent à quel point l'unité nationale était réalisée quelques jours avant la grande guerre. (En Lorraine, Barrès, parlant aux gens de sa province, pouvait dire "La France, c'est nous.")

Les pèlerins de ce dimanche d'été 1924, debout sur le plateau de Bouvines, contemplent un paysage qui n'a pas changé depuis la journée fameuse. C'est la même plaine, très égale, très unie (1), fertile et chargée de blés, que Guillaume le Breton a décrite. La Marque coule toujours entre ses mêmes bords marécageux. Ce sont les mêmes villages et de même importance Cysoing, Bourghelles, Wannehaili, Camphin, Gruson, Sainghin. L'industrie a respecté cette terre illustre. Seule, l'abbaye de Cysoing a disparu. Un calvaire, entouré de tilleuls, indique encore la chapelle aux arbres où le roi se tenait au début de la bataille.

Mais un gai tumulte de trompettes rappelle dans Bouvines les promeneurs. Sur la place de l'Eglise débouche le cortège. D'abord les braves sergents vêtus de la cotte de mailles et de la jaque de cuir pour rappeler ceux-là qui eurent l'honneur d'engager le combat, puis les miliciens des Communes portant l'arbalète ou la pique, les ribauds et les cotériaux habiles à se couler, leur petit glaive à la main, parmi la cavalerie, puis des écuyers arborant sur leur casaque des armoiries brodées. Un géant magnifique à la barbe blonde s'avance, élevant vers le ciel l'oriflamme de Saint Denis. Puis des petits pages, adolescents, jolis, pimpants. Enfin les chevaliers, les Princes et le Roi Philippe, chevauchant le heaume en tête, portant le haubert, les brassards, les cuissards d'acier, montant de lourds chevaux couverts de soies multicolores, chatoyant sous le soleil de feu.

Vision resplendissante. L'histoire de France en marche. !

La grille d'un vaste parc s'ouvre et le cortège pénètre sous les grands arbres, se déploie autour des pelouses et vient se ranger autour d'un autel, près duquel prennent place les évêques de Cambrai, de Lille, de Limoges, de Beauvais, d'Orléans.

La chaleur est accablante. Soudain, bien qu'on soit au cœur de la journée, le soleil semble s'éteindre. Il disparaît derrière d'épais nuages noirs.

L'évêque d'Orléans, Mgr Touchet, se détache du groupe des prélats, monte dans une tribune et commence d'une voix forte "S'il suffisait, pour canoniser une terre qu'elle eût bu, à longs traits, le sang des héros, la plaine étendue des collines de la Belgique à celles de l'Artois, entre les bras de la Lys et de l'Escaut, pourrait, à juste titre, être proclamée l'une des plus saintes de la Patrie."

Au loin, on entend le tonnerre gronder. Un tourbillon de vent courbe les branches, arrache les feuilles, éteint et renverse les flambeaux de l'autel. La voix de l'évêque lutte avec celle de l'orage. On perçoit des lambeaux de phrases :

"Denain, Fontenoy, Fleurus. des bataillons fouettés par un vent d'enthousiasme divin à moins qu'il ne fût fou." Et le lyrisme va crescendo, comme l'ouragan, et les périodes lancées par cette voix de cuivre volent, rebondissent, échevelées :

"Quel rendez-vous de guerre que ce coin de pays ! Français qui visitons ces lieux de tragédie, éblouissons-nous des vols de souvenirs qui se lèvent de chaque motte des champs noirâtres, pesons de quel prix fut payée la conservation de la France et disons anathème à quiconque, héritier d'un tel passé, se déclarerait incapable d'en porter le saint honneur !"

Le vent tombe, la lumière renaît, le tonnerre s'éloigne. Et, pareil au héros des "Trophées", enflammé d'un haut pressentiment, l'évêque s'écrie "Les Allemands ont cela dans le sang depuis Tolbiac : nous envahir afin de se refaire ! Dieu fasse que l'ère de ces mortelles luttes soit close ! Cependant, si l'arène devait se rouvrir, daigne le même Dieu se souvenir que c'est, à notre tour, d'être battants au lieu d'être battus, et puisse le drapeau tricolore, reprenant le vent qui souleva l'oriflamme à Bouvines, faire reculer l'aigle noire jusque delà notre chère Alsace-Lorraine rendue, enfin, suivant ses vœux, à sa mère la France et à son droit !"

Paroles prophétiques et doublement émouvantes à cette heure, en ce lieu !

Maintenant, une chorale, venue de Tourcoing, chante, avec un art incomparable, le "Magnificat", l'hymne de la joie parfaite :

" Le Puissant a fait en moi de grandes choses...

Et mon esprit a exulté !...

En proie à une émotion profonde, les Chefs du Nord, entourés de leurs robustes garçons, de leurs belles jeunes filles, ont le sentiment qu'ils vivent une heure solennelle. Un frisson passe sur la foule inclinée devant l'ostensoir d'or.

La cérémonie prend fin. Lentement, dans l'odeur de l'herbe piétinêe, le peuple se disperse. On redescend la rue de Bouvines. On reprend la route de sa ville ou de son village, de par la plaine couverte de blés altiers. Des mains se serrent. Parmi ces jeunes hommes venus à Bouvines prendre une leçon d'enthousiasme, beaucoup, marqués pour le sacrifice, ne se reverront plus et se disent là un éternel adieu.

Maintenant, rien ne peut plus arrêter les événements. La guerre est en marche. Elle approche. Elle est aux portes. Quelques jours encore, et les descendants d'Othon, les vaincus de Bouvines, seront ici !

 

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(1) « Grataque planities cereali gramine vernans ». (Guillaume Le Breton).

 

Charles Droulers

 

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