ACCUEIL | L'HISTOIRE | JEANNE D'ARC (1412-1431)

 

 

 

 

 

 

Souvenez-vous toujours, Français, que la Patrie, chez nous, est née du coeur d'une femme, de sa tendresse et de ses larmes, du sang qu'elle a donné pour nous. (MICHELET)


L'histoire est telle. Une enfant de douze ans, une toute jeune fille, confondant la voix de son coeur avec la voix du ciel, conçoit l'idée étrange, absurde, si l'on veut, d'exécuter la chose que les hommes ne peuvent plus faire, de sauver son pays. Elle couve cette idée pendant six ans sans la confier à personne; elle n'en dit rien à sa mère, rien à nul confesseur. Sans nul appui de prêtres ou de parents, elle marche tout ce temps avec Dieu dans la solitude de son grand dessein. Elle attend qu'elle ait dix-huit ans, et alors, immuable, elle l'exécute malgré les siens et malgré tout le monde. Elle traverse la France ravagée et déserte, les routes infestées de brigands; elle s'impose à la cour de Charles VII, se jette dans la guerre; et dans les camps qu'elle n'a jamais vus, dans les combats, rien ne l'étonne : elle plonge intrépide au milieu des épées. Blessée toujours, découragée jamais, elle rassure les vieux soldats, entraîne tout le peuple qui devient soldat avec elle, et personne n'ose plus avoir peur de rien. Tout est sauvé ! La pauvre fille, de sa chair pure et sainte, de ce corps délicat et tendre, a émoussé l'épée, couvert de son sein le sein de la France....

(Deux ans plus tard, Jeanne abandonnée, accusée, sera interrogée, jugée...)

Quand on lui demanda, à cette fille jeune et simple qui n'avait fait que coudre et filer pour sa mère, comment elle avait fait l'effort (elle si timide et rougissante) de s'en aller parler aux soldats, de les mener, les commander, les réprimander, les forcer de combattre, elle ne dit qu'un mot. "La pitié qu'il y avait au royaume de France".
La pitié fut si grande en elle qu'elle n'eut plus pitié d'elle même, qu'elle fit ce souverain effort de s'arracher à sa nature; elle souffrit tant des maux des autres, et fut si tendre, qu'elle en fut l'intrépide et brava tous les maux...
... Tous le fond de son coeur est dans ces mots naïfs, d'accent profond : "La pitié qu'il y avait au royaume de France !"...
... Ce mot qui va droit au coeur, c'est la première fois qu'on le dit.
Pour la première fois, on le sent, la France est aimée comme personne. Et elle devient telle jour qu'elle est aimée.
C'était jusque-là une réunion de provinces, un vaste chaos de fiefs, grand pays, d’idée vague. Mais, de ce jour, par la force du coeur, elle est une patrie.

J. Michelet - Histoire de France. Jeanne d'Arc.

 

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c'est à Vaucouleurs qu'a commencé la merveilleuse épopée de Jeanne d'Arc

 

 

 

 

 

 

29 avril 1429: Jeanne d'Arc entre dans Orléans

 

Depuis la mort de Charles VI en 1422, deux rois se disputaient la couronne: Charles VII au sud de la Loire, Henri VI de Lancastre au nord. Maîtres de Paris, les Anglais s'apprêtaient à conquérir le reste du territoire lorsque l'apparition de Jeanne d'Arc changea le destin du pays. Née en 1412, fille de paysans de Domremy, Jeanne 17 ans quand "ses voix" l'envoient "bouter les Anglais hors de France". La foi, la finesse, le bon sens caractérisent la jeune Lorraine. C'est dans un grand élan de confiance qu'elle décide de partir: elle remporte un premier succès en obtenant de Robert de Baudricourt, capitaine royal de Vaucouleurs, un cheval, une épée, une petite escorte et une lettre pour Charles VII,qu' elle réussit à voir à Chinon, le 25 février 1429. Elle redonne confiance au roi, qui lui procure une armée pour délivrer Orléans. Jeanne parvient à y entrer le 29 avril et emporte en quatre jours les principales bastilles, dont celle des Tourelles, où elle est blessée. Le 8 mai, le siège est levé et les Anglais ordonnent la retraite. Celle qu' on appelle "la Pucelle" peut alors ouvrir à Charles VII le chemin de Reims et du sacre. Le 17 juillet, le jeune roi est solennellement couronné dans la cathédrale, ce qui consacre sa légitimité aux yeux de tous. Cependant, tandis que les villes d'Ile-de-France passent une à une au roi, _ Jeanne échoue devant Paris. En mai 1430, elle est à Compiègne. Prise, par les Bourguignons, elle est vendue aux Anglais, qui la brûleront un an plus tard sur la place du Vieux-Marché de Rouen, sans que Charles VII, qu'elle avait fait roi, lui vienne jamais en aide...

 

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Si une femme est la gloire de son sexe, si une femme a bien mérité de sa patrie, si une femme a mis en pratique le vrai, l’excellent féminisme, fait de piété, de dévouement, d’abnégation, c’est la bonne Lorraine! Et l’honneur que lui fait l’Eglise, en la plaçant sur ses autels, répare envers elle les torts et les iniquités de tous, glorifie la France démembrée et en grande pitié encore, donne aux Françaises une patronne d’élite, qui saura les conduire à la victoire si elles savent s’unir pour livrer le bon combat, avec les armes de notre époque. Elles sont nombreuses et efficaces, ces armes, il suffit de savoir et de vouloir s’en servir.

Pour saluer Jeanne d’Arc, la libératrice de la France, la plus pure incarnation du patriotisme, tous les partis déposent les armes; depuis Gambetta : "Soyons dévots à Jeanne d’Arc !"; Joseph Favre, demandant au Sénat de fixer la fête nationale au 8 mai, jour de la fête de la libératrice, afin de faire cesser nos discordes, et M. Carnot s’honorant en présidant officiellement, comme chef de l’Etat, les fêtes annuelles d’Orléans, sans en exclure les pompes religieuses. D’ailleurs, dans le passé et dans le présent, les insulteurs de Jeanne d’Arc se comptent; ils sont si peu nombreux! Tristes patriotes, à commencer par Voltaire, le plat courtisan du Grand Frédéric de Prusse et de la Grande Catherine de Russie, auprès desquels il vilipendait et bafouait la France.

Jeanne est à la France, à la France entière, et la Bienheureuse appartient aux catholiques de l’univers. Les Françaises seront nombreuses à Rome, aux fêtes de sa béatification. Celles qui ne pourront y aller, ni se rendre le 8 mai à Orléans, l’acclameront avec nous, et la prieront de veiller sur la France et de toujours "en bouter dehors" tous les ennemis.

Au XIVe siècle, le roi d’Angleterre ne possédait pas seulement un château à Biarritz, la moitié de la France lui appartenait. Les armes des Plantagenets, gravées sur les piliers de Notre-Dame et qu’on a oublié d’en effacer, affirmaient que Henri VI pouvait justifier l’audace de s’appeler roi d’Angleterre et de France.

De vieilles prophéties, pieusement conservées, annonçaient qu’une pastourelle sauverait le pays. Cependant, la France s’amoindrissait chaque jour, son roi n’était plus que le roi de Bourges, et le peuple trouvait que la bergère promise se faisait bien attendre.

Elle arrivait pourtant. Les saints protecteurs de la France attendaient que l’heure de la prédestinée sonnât à l’horloge du temps. Elle naquit le 6 janvier 1412, au village de Domrémy, d’une famille de laboureurs, d’onneste vie et bonne renommée.

Jeanne ne savait ni lire ni écrire ; elle était d’une taille élevée, d’une figure pleine d’aménité et de douceur, mais exprimant l’énergie et le courage. Elle aimait à garder ses moutons, en filant sa quenouille, dans le Bois chenu, assise sous l’arbre des fées, près d’une petite fontaine, et méditant sur les malheurs de sa patrie, elle priait pour la France.

Ce fut pendant ces prières que ses voix l’appelèrent à plusieurs reprises : Jeanne, Jeanne, va sauver le beau pays de France, c'est le ciel qui nous envoie vers toi; tu as été choisie pour combattre l'oppresseur et replacer la couronne sur la tête de ton roi. 

Et ces voix se nommèrent : saint Michel, sainte Catherine, sainte Marguerite. Et ces bienheureux se faisaient plus pressants, et la jeune fille était de plus en plus troublée. Elle eût pu l’être â moins. Elle, pauvre et faible fille des champs, adjurée par les saints, au nom de Dieu, d’aller combattre l’Anglais, de "le bouter dehors", de tout remettre en ordre dans le royaume. Quelle mission! Jamais femme n’en reçut une pareille. Notre Jeanne est unique dans l’histoire de l’humanité. La France, seule, a l’honneur d’avoir dans ses fastes une si étrange et si sublime héroïine. La jeune fille se décida à obéir, elle parla. Bientôt dans la contrée, il ne fut plus question que des étonnantes visions de la bergère de Domrémy, car elle n’entendait pas seulement ses saints : Je les ai vus, déclare-t-elle plus tard à ses juges iniques, des yeux de mon corps, aussi bien que je vous vois, et lorsqu’ils s’en allaient loin de moi, je pleurais, et j'aurais bien voulu qu’ils m’eussent emportée. Ils me disaient qu’il faudrait aller au secours du roi de France, que le royaume faisait pitié à voir.

Un savant et un indigne docteur lui demanda, pour l’embarrasser, dans quel idiome lui parlaient ses saints. En meilleur français que vous, riposta Jeanne. Ce serait une grande erreur de croire que les capitaines et le clergé accueillirent l’inspirée avec un béat enthousiasme. Nos ancêtres étaient plus croyants que nous, mais ils n’étaient pas plus crédules. On traita Jeanne de folle, et ses visions d’impostures. On examina doctement si elle n’était pas possédée du diable. Ni les railleries des gens de guerre ni les subtilités des théologiens n’intimidèrent la bergère. Les voix commandaient, elles devenaient impérieuses. Jeanne ne pouvait leur résister. Elle déclara qu’il fallait qu’elle allât trouver le Dauphin. Que dût-elle aller à pied et user ses jambes jusqu'aux genoux, elle irait le rejoindre.

Sa fermeté triompha de tous les obstacles et, à Chinon, le Dauphin qu’elle n’avait jamais vu, s’étant, pour l’éprouver, tenu modestement au milieu des gentilshommes, Jeanne, sans se troubler, fendit la foule des seigneurs, alla vers le roi et lui dit ; Gentil Dauphin, je suis Jeanne; je suis envoyée près de vous pour délivrer Orléans et vous conduire à Reims où vous serez sacré. Par ainsi, vous recouvrerez votre droit et le royaume de France', car c’est vous, mon roi, qui l’êtes et non un autre.

Jeanne refusa l’épée que le Dauphin lui offrit, disant que l’épée avec laquelle elle devait combattre se trouvait dans la chapelle de Fierbois, derrière l’autel.

Et alors commence la merveilleuse épopée, à nulle autre semblable. La bergère de Domrémy, au milieu des vaillants capitaines, Xaintrailles, La Hire, Dunois, acclamée par le peuple, marche de victoires en victoires. Elle dicte cette lettre à Suffolk, et l’hilarité et le dédain avec lesquels les Anglais accueillirent la nouvelle surprenante qu’une jeune fille venait les combattre se changèrent bientôt en appréhension et en crainte :

"Apprenez les nouvelles de la pucelle. A toi, duc de Bedford, te disant régent du royaume de France, pour le roi d’Angleterre. Ton orgueil et celui de ton maître te font mentir. Le roi d'Angleterre n’est roi de France ni de fait ni de droit, et tu ne saurais être son régent. Sous tes yeux, Orléans sera ravitaillé, secouru et délivré, et tu ne sauras l’empêcher. Je te somme d’abandonner le siège, sinon la pucelle frappera tes soldats, les dispersera et tu seras honteusement chassé du royaume de France."

Elle délivre Orléans, conduit Charles VII à Reims et le fait sacrer roi de France. Debout, près de l’autel, rayonnante de bonheur, elle tenait son étendard de la main gauche. Il avait été à la peine, dit-elle, il devait être à l’honneur. Sa mission était terminée, "ses voix" se taisaient ; elle voulut retourner à sa chaumière, à ses troupeaux, mais les supplications du roi furent si instantes que Jeanne, dans sa bonté, craignit de commettre une mauvaise action en abandonnant son roi et, se faisant violence à elle-même, elle finit, pour son plus grand malheur, par consentir au désir du prince.

Dans cette seconde partie de son existence guerrière, il semble que le ciel ait voulu démentir les incrédules qui, à travers les siècles, affirment doctement, parce que leur intelligence ne peut comprendre le surnaturel, que Jeanne est une hallucinée, commandant à des hallucinés, en obtenant des prodiges de valeur, par l’ascendant de la superstition sur des superstitieux.

Faire sacrer le roi à Reims, après lui avoir rendu par les armes ou par l'exemple ses principales villes, tel était l’ordre divin. Pour l’accomplir, Jeanne eut le ciel avec elle. Le roi sacré, c’était à lui à faire le reste; il le pouvait humainement. Le prestige de Jeanne était immense; grandie par le succès, on ne la discutait plus.

Mais ses voix se taisaient; elle combattit avec les seuls moyens humains, elle fut blessée, faite prisonnière, la victoire l’avait abandonnée; Dieu ne guidait plus son épée. Nulle démonstration de la mission divine de la pucelle n’est plus éclatante.

Jeanne fut accusée par les Anglais "d’être un disciple et un suppôt du démon, usant d’enchantement et de sorcellerie, d’avoir causé de grands dommages, d’avoir commis d’horribles homicides, d’affreuses cruautés et maux innombrables, et porté les plus grands préjudices à S. M. Henri VI, roi d’Angleterre et de France, et à son peuple loyal et obéissant.

La Sorbonne la déclara hérétique et, déjà ! la livra à ses ennemis. Ils décidèrent que le procès aurait lieu à Rouen, où se trouvait alors le roi d’Angleterre. On renferma Jeanne dans le vieux château de Philippe-Auguste, où elle attendit son jugement, les chaînes aux bras et aux pieds. Sous la présidence du cardinal de Winchester et de Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, — Judas est toujours à la trahison, — soixante juges formaient l’unique tribunal qui tressa pour l’héroïne la couronne du martyre. Chargée de chaînes, accablée d’interrogations insidieuses ou malveillantes, cette enfant de vingt ans fut aussi grande devant ses juges qu’elle avait été magnifique sur les champs de bataille, où elle avait sauvé son roi et la France qui, vilainement, l’oubliaient. Après l’avoir conduite à l’honneur, "ses voix" ne la délaissaient pas dans la douleur. Elles les avait retrouvées dans les fers.

Jeanne affirma à ses impitoyables juges qu’elle n’avait été que l’instrument des inspirations célestes, et qu’avant sept ans les Anglais perdraient une grande bataille et seraient chassés de France. Je vous le dis, afin que lorsque cela sera arrivé, on conserve mémoire de ce que je vous annonce.

Elle ne savait ni lire ni écrire, aussi pouvait-on lui faire mettre sa croix sur les pièces qu’on voulait, en lui disant le contraire de ce qu’elles contenaient. C’est ainsi qu’elle signa ce codicille, qui a si longtemps retardé sa béatification, qu’elle ignorait, et par lequel elle se reconnaissait coupable de tous les crimes qui lui étaient imputés. Non contents de lui ôter la vie, ses bourreaux essayèrent ainsi de lui ravir l’honneur. L’acte d’accusation déclare Jeanne sorcière, fausse prophétesse, idolâtre, invocatrice et conjuratrice des esprits infernaux, magicienne, blasphématrice, hérétique, sacrilège, troublant la paix, excitant à la guerre, impudique, etc.

Apprenant sa condamnation, l’innocente jeune fille tomba à genoux : Qu’ai-je donc fait pour que mon corps pur et jeune soit aujourd’hui consumé et réduit en cendre! Qu'on me décapite sept fois plutôt que de me brûler... Les barbares, dans ma prison, m’ont accablée d'affreux traitements ; ils ont voulu user de violence et attenter à ma pudeur, mais je suis restée pure et je paraîtrai, au moment de mon supplice, avec ma robe d’innocence. Hélas ! pauvre Jeanne, comme le Christ, elle demanda qu’on éloignât d’elle le calice d’amertume; comme Lui encore, elle pouvait dire : "Tous m’ont abandonnée !"

Le 30 mai 1431, elle fut attachée au poteau qui dominait le bûcher, coiffée de la mitre de l’inquisition sur laquelle étaient inscrits les mots : hérétique, relapse, apostat, idolâtre; sur l’autre côté de cette coiffure humiliante étaient représentés des diables entourés de flammes. Elle couvrit de baisers et de larmes la croix d’église que lui présentait son confesseur. Le bourreau mit ensuite le feu au bûcher qui s’enflamma rapidement; on entendit la douce voix de la victime s’écrier : Oui, je suis venue par ordre de mes voix, tout ce que j’ai fait, ce sont elles qui m'ont ordonné de le faire, Jésus, Maria! 

La grande injustice était consommée, imprimant une tache indélébile aux contemporains de la martyre. Le cardinal Winchester fit ensuite jeter ses cendres et ses restes calcinés dans la Seine. Sans doute, les Anglais eussent dû être moins cruels envers une prisonnière; mais ils ont l’excuse d’être ses ennemis; elle les a boutés hors de France. Les Anglais ont commis un crime de lèse-humanité, les Français d’ingratitude qui les couvre d'un opprobre éternel.

Où est le "gentil Dauphin" dont elle fit Charles le Victorieux, où sont les capitaines à qui elle donna la victoire, où les peuples qu’elle délivra, où les foules qui l’acclamaient et qui ne surent pas la sauver?

Dès qu’il eut connaissance du forfait, le pape Calixte III ordonna la révision du procès infâme et lava la honte qu’avaient fait subir à l’Eglise les juges iniques de la pucelle; il prescrivit des processions expiatoires à Rouen. Depuis, la France a su venger sa libératrice de l’indifférence de ses contemporains, et Pie X vient enfin de combler ses vœux, cinq fois séculaires, en élevant sur les autels notre Jeanne, la plus pure étoile du ciel de France, l’héroïne sublime entre toutes, le diamant le plus beau de la couronne de notre patrie, qu’elle aima, qu’elle servit sans autre ambition que de la sauver, sans en solliciter ni récompense ni renommée. Ses voix lui avaient promis le paradis. Elle ne leur demanda rien en ce monde ; son patriotisme et sa piété furent vierges de tout alliage.

 

Camille d’Arvor - article publié en 1909

 

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Jeanne d'Arc fut béatifiée en 1909 puis canonisée en 1920.

 

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Jeanne d'Arc était fêtée, comme ici le 19 mai 1912

 

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timbre de Jeanne d'Arc et couverture de l'hebdomadaire Le Pélerin en 1929  

 

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Jeanne d'Arc en couverture du journal Tintin et extraits de la bande dessinée (1954)

 

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JEHANNE DEVANT SES BOURREAUX

 

20 Décembre 1430

 

Jeanne est enfermée au château du Bouvreuil à Rouen. Des chaînes aux mains, aux pieds, au cou. Cinq brutes dégoûtantes — des houspailleurs, comme on les appelle — ne quittent pas le cachot. Assise dans le coin le plus obscur, elle doit, tout le jour, subir le supplice des visites. Princes et petites gens. Jean de Luxembourg, le borgne, et son frère, l’affreux évêque de Therouanne, se présentent.

— Je suis venu, dit Luxembourg à Jeanne, pour vous mettre à rançon si toutefois vous voulez promettre que vous ne vous armerez plus contre nous.

— En nom Dieu, réplique Jeanne, je sais bien que vous vous moquez de moi. Je sais bien que ces Anglais me feront mourir, croyant, après ma mort, gagner le Royaume de France. Mais iis pourraient bien être 100.000 goddons de plus, ils n’auront pas le Royaume.

 

Mercredi 21 Février 1431

 

Première séance publique du procès. Jeanne, habillée en homme, fixe de ses yeux noirs, aggrandis par la fièvre, le jeûne, l’insomnie, Cauchon et l’aéropage bariolé des docteurs, des maîtres en théologie. L’évêque requiert Jeanne de dire la vérité sur les questions qui lui seront posées. Elle refuse net.

— Je ne sais sur quoi vous voulez m’interroger. Par aventure, vous pourriez me demander telle chose que je ne vous dirais pas...

Un peu plus tard, elle consent à dire la vérité : "Sur toutes choses concernant la matière de foi."

L’interrogatoire commence :

— Votre nom et votre surnom?

— En mon pays, Jeannette. Après que je vins en France, Jeanne. De mon surnom, je ne sais rien.

— Votre patrie ?

— Domrémy qui fait un avec Greux où est l’église principale.

— Le nom de vos père et mère ? — Jacques d’Arc et Isabelle.

— Où fûtes-vous baptisée ?

— A l’église de Domrémy.

— Vos parrains et marraines ?

— Agnès, Jeanne, Sibille ; Jean Lingué, Jean Barrey et plusieurs autres.

— Quel âge avez-vous ?

— Dix-neuf ans à ce qu’il me semble.

— Qui vous a appris votre croyance ?

— Ma mère m’apprit Pater Noster, Ave Maria, Credo. Nulle autre personne ne m’a appris ma croyance.

— Récitez Pater Noster ?

— Si vous m’entendez en confession, volontiers.

— Non, ici même.

— Jamais.

Cauchon continue :

— Par plusieurs fois, vous vous êtes efforcée de vous évader. C’est pourquoi j’ai ordonné de vous entraver de chaînes.

— C’est vrai, dit Jeanne, j’ai voulu, je le veux encore, ainsi qu’il est licite à tout détenu ou prisonnier de s’évader.

 

Jeudi 22 Février

 

— A quel âge quittâtes-vous la maison paternelle ?

— |e ne sais.

— Avez-vous dans votre enfance appris quelque métier ?

— Oui, coudre toile de lin et filer. Je ne crains point femme de Rouen pour filer et coudre. Dans la maison de mon père, je vaquais aux travaux familiers. Je n’allais pas aux champs avec les brebis et autres bêtes.

 

Samedi 24 Février

 

Un des juges, Beaupère :

— Votre voix vous a-t-elle révélé que vous échapperiez de prison ?

— Cela vous regarde ? fait Jeanne.

Tempête de protestations parmi les clercs : c’est trop d insolence. Beaupère poursuit :

— Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu ?

Silence. On l’attend là. Mais elle, fermement, tranquillement, échappe au piège :

— Si ie n’y suis. Dieu m’y mette. Et si j’y suis, Dieu m’y garde. Je serais la plus malheureuse du monde si je savais ne pas être en la grâce de Dieu. Si j’étais en pêché, je sais que la voix ne viendrait pas à moi.

Ils en sont pour leurs frais. Leur mine s’allonge. Elle les considère amusée...

— Et je souhaite, Révérends Pères, que tout le monde puisse dire aussi bien que moi.

On passe à Domrémy.

— Etaient-ils bourguignons, les gens de Domrémy ?

— Je n’en connaissais qu’un, et j'aurais bien voulu qu’on lui coupât la tête, voire, s'il eût plu à Dieu.

— Voulez-vous un vêtement de femme ?

— Donnez m’en un, dit Jeanne, je le prendrai et je m’en irai. Autrement, merci I Je suis contente de celui que je porte.

 

Jeudi I er Mars.

 

Elle déclare : "Avant sept ans, les Anglais perdront plus grands gages qu'ils ne firent devant Orléans. Ils perdront tout en France. Ils auront plus grande défaite qu’ils n’en ont jamais eue. Et ce sera par grande victoire que Dieu enverra aux Français.

Les théologiens en viennent aux voix. Chapelet de questions saugrenues :

— Ont-elles toujours le même habit ?

— Oui, leurs têtes sont richement couronnées.

— Et comment savez-vous si ce sont des hommes ou femmes ?

— Je n’en sais rien, répond Jeanne, agacée.

— Comment parlent-elles ?

— Leur voix est belle, douce et humble, et elles parlent français.

— Ainsi, Sainte Marguerite ne parle-t- elle pas anglais ?

— Pourquoi parlerait-elle anglais, dit Jeanne, en riant, puisqu'elle n’est pas du parti des Anglais ?

— Saint Michel était-il nu ?

— Pensez-vous que notre Sire n’ait pas de quoi le vêtir ?

— Avait-il des cheveux, insiste un inquisiteur au crâne chauve ?

— Pourquoi les lui aurait-on coupés, fait malicieusement la Pùcelle ?

Un gros rire secoue toutes les doctes bedaines.

 

Samedi 3 Mars.

 

Jacques de Touraine, franciscain, interroge. Voix confite, yeux au ciel.

— Ne vous est-il pas arrivé, Jeanne, de vous trouver en des endroits où des Anglais avaient été tués ?

— En nom Dieu, si fait, répond Jeanne rudement. Comme vous parlez doucement. Que ne partaienf-ils de France et n’allaient-ils en leur pays !

Le pauvre moine pâlit d'horreur. Un seigneur anglais s’écrie, en se frappant sur la cuisse :

— Par Dieu, c’est une noble femme. Que n’est-elle anglaise.

 

Samedi 17 Mars.

 

On revient aux saintes.

— Haïssent-elles les Anglais ?

— Elles aiment ce que Dieu aime et haïssent ce que Dieu hait.

— Dieu hait-il les Anglais ?

— De la haine ou de l’amour que Dieu a pour les Anglais, ou de ce que Dieu fera de leurs âmes, je ne sais rien. Mais je sais bien qu’ils seront boutés hors de France excepté ceux qui y mourront. Et que Dieu enverra victoire aux Français contre les Anglais.

— Dieu était donc pour les Anglais quand ils étaient en prospérité en France ?

— Je ne sais pas si Dieu haïssait les Français. Je crois qu'il voulait permettre, de les laisser battre pour leurs pêchés, s'ils y étaient.

 

Mercredi 9 Mai.

 

On la menace de torture. Les instruments sont là.

— Vraiment, répond-elle, fermement, si vous deviez me faire écarteler les membres et partir l’âme du corps, oui, je ne vous dirais pas autre chose... Et si je vous en disais quelque chose après, je dirais toujours que vous me l’auriez fait dire de force.

 

Mercredi 30 Mai.

 

Le greffier vient lire la sentence dans la prison. Cauchon est présent.

— Evêque, je meurs par vous ! J’en appelle de vous devant Dieu !

Le bûcher. Le bourreau. Elle, secouée de sanglots :

—Ah ! quel horrible et cruel supplice ! Ce corps que j’ai gardé de tout pêché, entièrement net, faut-il qu’il soit ce matin brûlé et mis en cendres ! Ah ! J’aimerais mieux sept fois être décapitée que d’être ainsi brûlée.

Le glas retentit. Ah ! Rouen, mourrai-je ici ? Rouen. Rouen, seras-tu ma dernière demeure ?

La pauvre enfant frissonne d’horreur. Elle dit une suprême prière. Les flammes l’entourent.

— Jhésus, Jhésus ! Un dernier cri :

— Mes voix étaient bien de par Dieu ! La tendre chair flambe. Une colombe s’envole. La tête s’incline sur l'épaule embrasée.

 

publié en 1941

 

 

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EPIPHANIE 1412

 

Dans ce petit village des confins de Lorraine, en ce matin glacé d’hiver, l’aube du. 6 janvier s’est à peine levée que tout le pays est en émoi.

Jamais un tel vacarme ne s’est fait entendre et pendant une heure tous les coqs à la fois ont battu des ailes.

Les paysans, tout heureux, s’accostent les uns les autres :

— Entendez-vous ? On dirait que les coqs "extra- vaguent". C’est, pour sûr, une grande joie qui s’annonce ! Une merveille inouïe !

Une femme bien simple et bien courageuse n’oubliera jamais ce phénomène, au village de Domrémy. Elle se nomme Isabelle Romée. Car durant cette aube des rois 1412, son cinquième enfant vient de naître : la petite Jeannette qui deviendra JEANNE D’ARC.

 

publié en 1947

 

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Sur la colline de Bon-Secours qui domine Rouen, la ville de son martyre, la "Jeanne d'Arc prisonnière", de Barrias, se dresse, jeune, résolue et pensive.

Tout éclairée d'une lumière intérieure, elle a les traits d'une vraie jeune fille, mais, déjà, on la sent partie au delà de la vie.

 

 

JEANNE D'ARC HEROÏNE DU FRANCE...

par Henry Bordeaux de l'Académie Française (publié en 1938)

 

La vie merveilleuse de cette enfant prédestinée, de cette jeune fille immaculée qui s'en alla à dix-sept ans de son village de Lorraine pour reconnaître le roi de France et délivrer son royaume et qui fut martyrisée et brûlée vive à Rouen deux ans plus tard, pourrait porter deux fois ce titre : De la solitude au monde.

Car deux fois elle est partie de la solitude pour conquérir tous les cœurs. Elle n'est qu'une petite bergère qui paît ses moutons, toute seule, dans la prairie qui borde le Bois-Chenu. C'est là qu'elle entend les voix qui lui ordonnent de tout quitter pour accomplir une extraordinaire mission : désigner le vrai roi et le faire sacrer à Reims. Comment les croirait-elle et surtout comment fera-t-elle accepter sa foi par son entourage ? Elle y parvient pourtant. Elle commence par le don de soi à cette oeuvre qui la dépasse. Sa pieuse mère qui a fait le pèlerinage du Puy et peut-être celui de Rome est prédisposée à la comprendre. Mais son père et ses frères qui ne sont que de braves paysans penchés sur la terre ? Ils s'inclinent devant elle. Les premiers ils lui témoignent du respect et cessent de la considérer comme une simple pastoure.

Ainsi a-t-elle conquis les siens. Puis elle persuade ses compagnes, et le sire de Baudricourt, à Vaucouleurs. Elle part, elle est conduite au roi qui tient sa cour à Chinon. Comme il s'est déguisé parmi ses courtisans, afin de l'égarer, elle va droit à lui qu'elle ne connaît pas. Tout cède devant la volonté de cette enfant qui est auréolée de mystère, de pureté, de foi. Elle devient l'idole des soldats et, chose plus difficile, des chefs qui s'inclinent à leur tour devant elle, comme son père et ses frères, et qui acceptent de servir sous ses ordres. La petite bergère solitaire de Domrémy conduit maintenant une armée, conquiert des villes, est aimée de tout un peuple.

Et pourtant il suffit de quelques mois pour qu'elle soit plus délaissée que dans la prairie avec ses moutons. Faite prisonnière devant Compiègne, vendue aux Anglais, condamnée comme sorcière, à Rouen, par un tribunal de clercs en Sorbonne et d'ecclésiastiques, elle est exécutée sur la place du Vieux-Marché, et quel épouvantable supplice ! Le pilori et le feu.

Qui proteste ? Personne. Qui l'a défendue ? Personne. Qui a pitié d'elle ? Personne. Tout le monde est complice de cette iniquité qui est l'un des plus grands témoignages de l'injustice et de la lâcheté humaines. Elle n'avait pas vingt ans, elle avait incarné la jeunesse, la beauté, la victoire. Elle avait délivré des villes, désigné et couronné un roi, donné l'unité au pays, commencé la libération. Elle aurait dû être entourée de bonheur et d'amour, et personne ne lui était demeuré fidèle. Pas un n'a tenté de la sauver. Pas un n'a risqué sa vie pour la sauver.

Mais du bûcher elle est repartie pour une conquête beaucoup plus grande, celle du monde entier. Vingt-cinq ans après l'horrible attentat de Rouen, commence le procès de sa réhabilitation à Notre-Dame de Paris. Il ne suffit pas qu'elle soit réhabilitée : elle reçoit la couronne des saintes et des martyres. De nationale qu'elle était, elle devient universelle. Aucun pays ne résiste à sa grâce. La France qu'elle a sauvée a consacré sa fête annuelle. Mais l'Angleterre qu'elle a combattue se joint à nous. A Domrémy, un professeur à l'Université de Londres a déclaré qu'elle était un lien de plus entre nos deux peuples : "Rentrez chez vous, a-t-elle dit aux Anglais, et que Dieu vous bénisse !" Elle a rendu à l'Angleterre le sens de ses destinées.

Les historiens, les poètes, les auteurs dramatiques sont sans nombre qui ont été conquis par Jeanne, non seulement les nôtres, Michelet, Péguy, Barrès, Hanotaux, mais Schiller, en Allemagne, Bernard Shaw, en Grande-Bretagne, et combien d'autres ? Elle rayonne et commande. Aucune histoire n'est plus belle que la sienne. Après avoir fait la guerre, elle fait maintenant la paix dans les cœurs et dans les peuples. C'est un grand honneur pour notre pays que d'être le pays de cette Jeanne qui fut Jeanne de Domrémy et qui est maintenant sainte Jeanne pour tout l'Univers.

 

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de nombreuses actrices interprétèrent Jeanne d'Arc (document de 1938)

 

 

Jeanne d'Arc, film de Victor Fleming avec Ingrid Bergman (1948)

 

 

 

 

Ingrid Bergman est accueillie officiellement par M. Pinget, le maire de Domrémy-la-Pucelle, qui lui remettera le diplôme de Citoyenne d'Honneur de la ville.

"Le Conseil Municipal, considèrant que par son activité artistique, Mme Ingrid Bergman a puissamment contribué à servir la grande et noble cause de Jeanne d'Arc, confère à Madame ngrid Bergman le titre de Citoyenne d’Honneur de Donrémy-la-Pucelle".

Le 10 septembre 1948.

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Domrémy la Pucelle est le village natal de Jeanne d'Arc dans les Vosges.

 

en bas à droite : Ingrid Bergman se recueille à l'emplacement du bucher (septembre 1948)

 

 

"Jeanne : Jeanne d'Arc face à son destin", un des trois sketches du film "Destinées" avec Michèle Morgan (1952)

 

 

Ingrid Bergman dans le film de Roberto Rossellini "Jeanne au bûcher" (1955) & Florence Delay dans le film de Robert Bresson "Procès de Jeanne d'Arc" (1962)

 

 

Sandrine Bonnaire dans le film de Jacques Rivette "Jeanne la Pucelle" (1994) & Milla Jovovich dans le film de Luc Besson "Jeanne d'Arc" (1999)

 

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