ACCUEIL | L'HISTOIRE | LE FILM DU DEMI-SIECLE (1900 -1949) |
Textes et dessins publiés en 1949 ( Les noms, rôles événements que l'on trouvera dans ce film ne sont pas absolument imaginaires. Toute ressemblance avec des personnes existant (ou ayant existé) est réellement voulue.)
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1er IANVIER 1900
Le XXe siècle, "siècle de paix dans le progrès et la lumière (la Fée Electricité !)" commence aujourd’hui, disent les uns. "Non. Le XX* siècle ne commencera réellement que le 1er janvier 1901", disent les gens qui savent compter. |
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4 JANVIER 1900
Paul Déroulède, le jour des obsèques du président de la République Félix Faure (mort dans les bras de la belle Mme Steinheil), avait incité (en vain) le général Roget à marcher sur l’Elysée avec ses troupes. Acquitté en juin 1899, il a été de nouveau arrêté et poursuivi. D’abord, sans r’tard aucun, Faut arrêter quelqu’un. Pour commencer, voyons, Voyons... arrêtez donc... Arrêtez... Déroulède, et nous verrons après. chante à Montmartre Vincent Hyspa. Pour complot contre la sûreté de l’Etat, le président de la Ligue des Patriotes est condamné par la Haute Cour à dix ans de bannissement. Il se retire à Bruxelles, puis à Saint- Sébastien. |
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5 MARS 1900
La Comédie-Française prend feu vers midi. On devait jouer en matinée "Bajazet", avec Mmes Dudlay, Henriot, Du Minil, MM. Silvain et Albert Lambert fils, et "Le Député de Bombignac", d’Alexandre Bisson, avec Mmes Du Minil, Muller, Fayolle, MM. Coquelin cadet, Maurice de Féraudy. Scène et salle brûlent en un instant. De courageux sauveteurs parviennent à mettre à l’abri une partie des archives. Des pillards se mêlent à eux. L'un d'eux emporte même la mâchoire de Molière. La jeune pensionnaire Jeanne Henriot meurt brûlée dans sa loge, avec son chien. |
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14 MARS 1900
Première de "L’Aiglon" au théâtre Sarah-Bernhardt. Pour cette soirée exceptionnelle, attendue dans la fièvre, le prix des fauteuils a été porté à 150 francs (or). Succès triomphal pour Sarah Bernhardt (le duc de Reichstadt) et pour Lucien Guitry (Flambeau). L’auteur, le poète Edmond Rostand, doit venir deux fois saluer le public délirant d'enthousiasme. [En 1949, il reste, des interprètres de la création : Renée Parny (rôle de Thérèse de Lorget), aujourd’hui Mme Jean Tharaud ; Pierre Magnier (le tailleur) ; Maurice Schutz (l’attaché français), qui joue encore souvent à l’écran ; l’auteur dramatique René Fauchois (capitaine Foresti), et Léon Barry (Pionnet), qui fut une des vedettes du cinéma muet à Hollywood.] |
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11 AVRIL 1900
L’Exposition Universelle est inaugurée par M. Emile Loubet, président de la République, accompagné du ministre du commerce Alexandre Millerand. Arrivé d'vant la Port’Binet II se mit à la débiner. — Mais, lui dit Millerand, la nuit Illuminée, c’est bien joli. — Bon, fit-il, arrangez-vous pour Qu'on l’illumine aussi le jour chante encore Hyspa. Le Trottoir roulant, la Grande Roue, la Lune à un mètre, le Vieux Paris, le Combat naval et autres "clous" attireront des foules immenses venues des quatre coins du monde. Entrée : 0 fr. 50. Les recettes totales seront de 144.456.200 francs. Il y aura quand même un déficit de 2 millions et demi. |
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19 MAI 1900
Mafeking est délivré. C'est un tournant décisif dans la guerre d'Afrique du Sud. A la suite d'incidents de mauvais voisinage (le plus grave avait été le raid, en territoire transvaalien, du dr Jameson, aventureier anglais, à la tête d'une bande armée), entre les Boers (colons d'origine hollandaise) de la République du Transvaal et l'Etat libre d'Orange, et les Anglais du Cap, de la Rhodésie et du Bechuanaland, la guerre a éclaté en octobre 1899. Elle a commencé par une série de désastres pour les Britanniques. Les Boers, commandé par le vieux Général Joubert, assiègent les garnisons anglaises de Mafeking, Kimberley et Ladysmith et écrasent le Général Buller à Colenso |
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19 MAI 1900 (SUITE)
Toutes les sympathies européennes sont pour les Boers. Le colonel français de Villebois-Mareuil s’engage dans leurs rangs ; il sera tué au feu pendant la campagne. Le "Rire" et l’ " Assiette au beurre" publient des caricatures insultantes pour la reine Victoria ; les badauds vont devant l’ambassade d’Angleterre conspuer la vieille "couine" ; au caf’ conc’, on chante "La polka des Engliches". C’est la "revanche" de Fachoda (poste du Soudan égyptien occupé le 10 juillet 1898 par la colonne du commandant Marchand et dont les Anglais, sous la menace d’une guerre, exigèrent l’évacuation). Mais les Britanniques envoient en Afrique, avec d’énormes renforts, trois grands chefs : Roberts, Kitchener, French. Et le vent tourne... |
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19 MAI 1900 (SUITE)
Kimberley est délivrée le 17 février; Ladysmith, le 1er mars ; le 27 février, le général boer Cronje et ses commandos sont faits prisonniers ; le 28, le général Joubert meurt ; et maintenant c’est la délivrance de Mafeking. Londres célèbre l’événement comme une fête nationale ; Londres pavoise ; Londres illumine ; une immense cavalcade improvisée parcourt les rues ; un char représente la dernière sauterelle grillée mangée par le défenseur de la ville, le colonel Baden-Powel (le futur fondateur du scoutisme et grand chef suprême des scouts du monde entier). |
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5 JUIN 1900
Lees troupes britanniques entrent dans la capitale du Transvaal, Préetoria (d’où s’était évadé depuis peu un jeune correspondant de guerre anglais, le lieutenant Winston Churchill, fait prisonnier par un commando boer). Le 1er septembre, le maréchal-lord Roberts annexe le Transvaal et l’Orange à la Couronne ; le président Kruger va chercher du secours en Europe et n’y trouve que des acclamations. Botha et "l’insaisissable" De Wet font aux Anglais une guerre de guérillas. Le paix ne sera signée que le 11 mai 1902. Les Boers retrouveront peu à peu une quasi-indépendance dans le cadre du Dominion de l'Afrique du Sud. |
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18 JUIN 1900
Guerre en Chine. Les insergés chinois, appelés Boxers, occupent les concessions de Tien-Tsin et, à Pékin, investissent les légations. Le ministre d’Allemagne Ketteler est tué. Le 13 août, les légations (et notre ministre Stéphen Pichon) sont délivrés . La vieille impératrice Tsen Shi et sa cour s’enfuient vers le Chan-Si. Une armée internationale, à la tête de laquelle le Kaiser Guillaume II, jetant feu et flamme contre le "péril jaune", impose le feldmarschall de Waldersee (les Français sous les ordres d’un Allemand !), achèvera la défaite des Boxers. |
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18 JUILLET 1900
Le Métropolitain (ligne n’ 1) a été inauguré aujourd’hui, à 1 heure de l’après-midi. A toutes les bouches, exemplaires parfaits du "style nouille", la foule s’engouffre. On y reconnaît des hommes politiques, des gens du monde, des élégantes, des comédiens. De 1 heure à 8 heures du soir, il sera délivré 30.000 tickets. Le tarif est de 25 centimes en première et de 15 centimes en seconde ; le matin, avant 9 heures, on pourra avoir des aller-retour à 0 fr. 20. Les voyageurs sont unanimement enthousiasmés : les rames vont de Vincennes à Maillot (ou vice versa) en trente-cinq minutes (arrêts non compris). |
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29 JUILLET 1900
Les anarchistes, terrés depuis l'exécution de Ravachol, de Vaillant, d’Emile Henry, de Caserio et les lois scélérates de 1894, reparaissent. L’un d’eux, Gaétan Bresci, assassine à Monza le roi d’Italie Humbert Ier (auquel succède, sous le nom de Victor-Emmanuel III, son fils ainé, le prince de Naples). Bresci, condamné à la prison perpétuelle "avec séquestration de jour et de nuit", se pendra dans sa cellule quelques semaines plus tard. Le 2 août, le shah de Perse Mouzaffer ed-Dine est attaqué, avenue Malakoff, par le pâtissier François Saison et, en novembre, l’anarchiste Spirido tire, à Bruxelles, sur le prince de Galles. Les bourgeois tremblent... |
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22 SEPTEMBRE 1900
Banquet des maires. Sous des galeries de toile, longues de trois kilomètres, installées aux Tuileries, le gouvernement offre un déjeuner aux maires de France. Ils sont venus 23.600, les uns en habit, d’autres en blouse. A la table d’honneur, le président de la République Emile Loubet est entouré d’Armand Fallières, président du Sénat ; Paul Deschanel, président de la Chambre ; Waldeck-Rousseau, président du Conseil. Menu pantagruélique. Il sera bu 23.300 bouteilles de vin. Puis, dans sa calèche à la Daumont, M. Loubet rentre à l’Elysée. Plus de 12.000 maires, encore bouillants de la chaleur communicative des banquets, l’y suivent à pied, se font ouvrir les grilles, envahissent le palais, acclament le Président et entonnent une "Marseillaise" monstre. |
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14 NOVEMBRE 1900
Pour la première fois de sa vie, M. Loubet est monté dans une voiture à pétrole (on disait aussi "un teuf-teuf"). Elle a atteint le vingt-quatre à l’heure. "J’ai vraiment éprouvé la sensation de la vitesse ; c’est magnifique !", a 'déclaré le Président. |
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DECEMBRE 1900
Paris, qui raffole du caf’conc’, fredonne "Frou-Frou", lancé par Méaly (retirée aujourd’hui à Monte-Carlo) ; "Bonsoir Madame la Lune", créée par Paula Brébion et Esther Lekain (toujours en vie) ; "La Cabane Bambou", un succès du jeune Mayol ; Dranem chante "Ah ! les petits pois !" ; Polin, en tringlot, un grand mouchoir a carreaux à la main : "L’anatomie du conscrit" ; le chanteur moustachu Mercadier roucoule "Quand les lilas refleuriront" et son rival (en voix et en moustaches) Dickson : "Quand l’amour meurt" ; Paulette Darty détaille "Amoureuse" et "Fascination". Tout est à la valse. Et les tziganes bruns en veste rouge à brandebourgs font valser les "fêtards" au Maxim’s et au Rat-Mort. |
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22 JANVIER 1901
La reine Victoria meurt, âgée de quatre-vingt-deux ans, après soixante-quatre ans de règne. Son fils, le "parisien", le "boulevardier" prince de Galles, lui succède, sous le nom d’Edouard VII. Comme roi de Grande-Bretagne et empereur des Indes. Il suivra à cheval le convoi funèbre de sa mère, botte à botte avec l’empereur d’Allemagne Guillaume II, petit-fils de Victoria. Le 6 septembre, le président (républicain) des Etats-Unis, Mac Kinley, sera assassiné, à Buffalo, par l’anarchiste polonais Czolgosz. Le vice-président Théodore Roosevelt (cousin de Franklin D. Roosevelt) lui succède. |
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27 MARS 1901
Mme Réjane, la grande comédienne, étoile du Vaudeville (aujourd’hui le cinéma Paramount), dont son mari, Porel, est le directeur, ne sort plus que dans un cab à la française, attelé de mules pomponnées, cadeau du roi du Portugal. Le 1 er avril, les Variétés donnent "La Veine", d’Alfred Capus. Le 1 er décembre, Lucien Guitry est directeur de la scène à la Comédie-Française. Sociétaires et pensionnaires, rebelles à la molle autorité de M. Jules Claretie, dit "Guimauve le Conquérant", vont trouver à qui parler... |
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29 JUIN 1901
Paris-Berlin, grande course internationale d'automobiles, est gagnée par le Français Henri Fournier, sur voiture française Mors. Il a accompli les 1.198 kilomètres du parcours en 17 heures 5’ 43”, soit une vitesse moyenne de 74 kilomètres à l’heure. Il est suivi par Girardot (Panhard-LevaSsor), 2 e ; Brasier (Mors), 3 e ; le chevalier René de Knyff, 4 e ; une femme, Mme du Gast, est 30 e. Le premier étranger classé est Werner, voiture allemande Mercédès, arrivé 15 e. Berlin, pavoisé aux couleurs françaises , fait une réception enthousiaste aux vainqueurs. L’industrie automobile française est, de loin, la première du monde. |
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12 JUILLET 1901
Santos - Dumont, riche sportsman franco-brésilien, a fait avec son dirigeable à moteur, semblable à un gros cigare, dix tours de l’hippodrome de Longchamp à quarante kilomètres à l’heure. Le lendemain, de Saint-Cloud, il ira jusqu'à la Tour Eiffel, qu’il contournera. Et le 14 juillet 1903, à la revue de Longchamp, il saluera du haut des airs le Président de la République. L’air est conquis. Non ? |
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18 SEPTEMBRE 1901
Le tsar Nicolas II vient pour la seconde fois en France. Nicolas II, aimable petit père. Sa divine moitié Et leurs petits salés Sont revenus pour nous serrer la cuillère. Ce serait charmant Si la cuillèr’ n’était pas en argent... chante Vincent Hyspa, à Montmartre. Edmond Rostand, poète national, compose une "Ode à la Tsarine" que Julia Bartet, de la Comédie-Française, lira, costumée en nymphe, au cours d’un gala donné au château de Compiègne, où logent les souverains. Un vers en est demeuré célèbre : "Oh ! oh ! C’est une impératrice..." Manœuvres de l’Est, revue des troupes à Bétheny. Le tsar, venu en bateau, repart en train, via l’Allemagne. |
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3 FEVRIER 1902
Sœurs siamoises », les petites Radica et Doodica font partie de l’extraordinaire galerie des phénomènes du grand cirque Barnum et Bailey, arrivé depuis peu d'Amérique, précédé d'une publicité tintamarresque, pour faire une tournée à travers l'Europe avec ses trois pistes aux spectacles simultanés et des attractions comme on n’en a encore jamais vu. Mais Doodica tombe malade. On transporte les deux sœurs à l’hôpital Trousseau. Si Doodica meurt, Radica périra aussi. Le Dr Doyen (le Barnum des chirurgiens) décide de "séparer les "siamoises", soudées à la hanche. Cette opération sans précédent réussit. Mais Doodica mourra le 16 février et Radica un an et demi plus tard. |
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8 FEVRIER 1902
Fin des "exploits" de la bande à Manda. Peigneur, dit Manda, dit "Le Roi des Apaches", a été arrêté aujourd’hui. A la tête d’une bande organisée, il avait longtemps terrorisé les boutiquiers de Belleville qui, sous peine d'être poignardés, devaient lui verser de 10 à 20 % de leur recette (le "racket", déjà !). Jusqu’au jour où était apparue la belle Casque d’Or ! Manda et son lieutenant Lecca, soutenus chacun par une partie de la bande, s'étaient disputé son cœur, les armes à la main. Manda sera envoyé au bagne à perpétuité. Casque d’Or jouera son propre personnage dans une pièce sur les "apaches", puis disparaîtra... |
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7 MAI 1902
La Montagne Pelée, volcan éteint depuis longtemps, fait soudain éruption à la Martinique. Une pluie de feu détruit la belle ville de Saint-Pierre et les navires ancrés dans sa rade. Il y aura près de quarante mille victimes. |
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9 MAI 1902
L’affaire Humbert éclate. Mme Humbert, née Thérèse Daurignac, femme de l’ancien député de Seine-et-Marne, dont le père fut garde des Sceaux, a organisé, avec ses frères et son mari, la plus formidable escroquerie connue jusqu’ici. Faisant croire qu'elle gardait, sous séquestre, dans son coffre-fort, une de 100 millions (or), à elle léguée par un prétendu Crawford, hypothétique multimillionnaire américain, elle avait réussi, depuis dix ans, à emprunter, sur ce gage, 78 millions. Les créanciers ont fini par déposer une plainte. Ils obtiennent l’ouverture du fameux coffre-fort. Il est vide. Tout 1902, le refrain à la mode sera "Ah ! les poires, les belles poires !". Les coupables, arrêtés en décembre, à Madrid, seront condamnés, Thérèse et Frédéric à cinq ans de réclusion, Romain Daurignac à trois ans de prison, Emile Daurignac à deux ans. |
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24 DECEMBRE 1902
Epouvantable scandale ! Louise de Toscane, princesse héritière de Saxe, fuit le palais conjugal, abandonne son mari, le futur roi Frédéric-Auguste, et s'enfuit en Suisse avec le précepteur de ses cinq enfants, le Belge André Giron. Séparée d’André Giron quelques années plus tard, la princesse épousera le compositeur italien Toselli, à qui elle inspirera la fameuse "Serenata" : " Viens, le soir descend..." Cette union ne durera pas. Et Louise mourra dans une quasi-misère, à Bruxelles, en 1947, sans avoir jamais pu revoir ses enfants. |
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20 MARS 1903
C’est un immense éclat de rire dans tout le pays quand on apprend que cette fameuse tiare d’or de Saïtapharnès, roi d'Asie (IIIe siècle avant J.-C.), authentifiée en 1896 par l’illustre archéologue-expert Salomon Reinach et joyau de la galerie des antiques du musée du Louvre, qui l’a payée 200.000 francs, a été, en réalité, fabriquée par les ciseleurs Elina et Rouchomovsky "pour se payer a tête des savants". On la retirera le 23 des collections. Dommage : elle commençait à faire recette. |
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29 MARS 1903
L’anticléricalisme est déchaîné. Le minis-tère Waldeck -Rousseau avait fait voter en 1901 une loi subordonnant l’existence des congrégations religieuses à l’octroi d’une autorisation. La gauche (radicaux et socialistes) a triomphé aux élections de 1902 et le cabinet Waldeck-Rousseau a été remplacé par le cabinet du "petit père" Emile Combes qui, soutenu par le"bloc des gauches", va, pendant trois ans, faire une politique vigoureusement laïque. On refuse toutes les autorisations ; on chasse les congrégations. Aujourd’hui, c’était le tour des moines de la Grande Chartreuse. Il a fallu envoyer la force armée pour arracher les Chartreux à leur couvent que des centaines de paysans munis de fourches défendaient. Ils iront fabriquer leur chartreuse à Tarragone (Espagne). |
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1ER MAI 1903
Le nouveau roi d'Angletere, Edouard VII, arrive à Paris en visite officielle. Le premier jour, accueil moqueur de la foule, qui crie : "Vivent les Boers !" Le lendemain, à la revue de Vincennes, aux courses de Longchamp et à l’Opéra, la bonne grâce du roi charme les Parisiens. Le troisième jour, la foule, sur le passage d'Edouard VII, crie : "Vive le roi !" Ce vieux "boulevardier" avait conquis Paris, anglophobe à outrance depuis Fachoda et la guerre du Transvaal. Et,dans ses conversations avec M. Loubet et le ministre des Affaires étrangères Delcassé, il avait posé les premières bases de l’Entente cordiale. |
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10 JUIN 1903
Massacre au palais royal de Belgrade. Pendant la nuit, des officiers commandés par le colonel Mischitch sont entrés dans les appartements privés du roi et de la reine de Serbie. Le souverain, Alexandre Ier, a été tué à coups de revolver ; son épouse, la reine Draga, et les frères de celle-ci, à coups de hache. Les conjurés ont déclaré la dynastie des Obrenovitch déchue et ont proclamé roi, sous le nom de Pierre Ier, le prince Pierre Karageorgevitch, qui vivait en exil. |
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1ER JUILLET 1903
Grande date dans l'histoire du sport : à Villeneuve-Saint-Georges, soixante - quatre coureurs cyclistes ont pris le départ du premier 3Tour de France3, organisé par Henri Desgrange, directeur du quotidien "L’Auto" (nouveau titre de "L’Auto-Vélo"). Six étapes ; on passe par Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et Nantes (2.428 kilomètres) ; pas de suiveurs et on roule souvent la nuit. Maurice Garin se classe premier, Pothier, de Sens 2ème . Leur principal concurrent, Aucouturier, vainqueur de trois étapes, a été victime d’un début d’empoisonnement. Dix-huit coureurs seulement terminent. |
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16 JUILLET 1903
M. Jacques Lebaudy (des sucres), déjà multimillionnaire, a voulu par surcroît être empereur. A la tête de quelques hommes armés, il a débarqué de son yacht "Frasquita" sur la côte du Rio del Oro, a déclaré solennellement qu’il prenait possession du désert, s’est proclamé empereur du Sahara, sous le nom de Jacques Ier et commence à décerner des titres et des décorations, au grand amusement du monde entier. Jacques 1er, fatigué de régner sur des sables, se rembarquera au bout de quelques mois. |
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SEPTEMBRE 1903
L’Europe s’engoue d’une danse nouvelle importée des Etats-Unis par des artistes noirs : le cake-walk, aïeul du charleston et bisaïeul du jitterbug. Premier contact du Vieux-Monde avec la musique nègre d’Amérique. Mais l’air que la France entière fredonne, en 1903, c’est cette chansonnette si typiquement française : "Viens poupoule" (dont la musique est berlinoise, mais qui le sait ?) qui fait de son créateur Félix Mayol — toupet blond, muguet à la boutonnière de l’habit — la plus grande vedette que le café-concert ait jamais eue (cachet : 1.200 francs-or par soir). |
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15 DECEMBRE 1903
Le radium ! Dans "Le Matin", le professeur d’Arsonval révèle aux foules les magiques pouvoirs de ce corps récemment découvert par Pierre et Marie Curie. "L’Assiette au beurre" ironise : Il faudrait que d’autres savants Trouvent le radifemme à présent Pour qu’il puisse se reproduire... Et chacun de rire. On aurait moins ri si l’on avait pu penser que sa progéniture comprendrait la bombe atomique.
L’année précédente Georges Claude (aujourd’hui au bagne à perpétuité) a donné au monde l’air liquide et l’électricien italien Marconi a communiqué d’un bord à l’autre de la Manche par T.S.F. |
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8 FEVRIER 1904
La guerre russo-japonaise éclate. La flotte de l’amiral nippon Togo, sans ultimatum, a attaqué et détruit en partie l'escadre russe à Port-Arthur. Maîtres de la mer les Japonais, sous le commandement suprême du maréchal Oyama, débarquent ; le général Nogi vient assiéger Port-Arthur, dont le défenseur, le général Stoessel ne capitulera qu’en janvier 1905 ; le général Oku (providence des chansonniers) et le général Kuroki iront écraser à Moukden l'armée du généralissime russe Kouropatkine. |
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24 AVRIL 1904
M. Emile Loubet va rendre au roi Victor-Emmanuel la visite que celui-ci lui avait faite en octobre 1903 : le Président de la République française est acclamé à Rome et à Naples. On saura bien plus tard que des accords secrets ont été passés entre la France et l’Italie au sujet du Maroc et de la Tripolitaine. Dès le 8 avril, l’Angleterre avait signé une convention (que l’Espagne approuvera en octobre) donnant à la France, moyennant son désistement en Egypte, les mains libres au Maroc. |
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17 JUIN 1904
La Coupe Gordon-Bennett des automobilistes s’est courue aujourd’hui sur le circuit du Taunus, en présence du Kaiser. Le Français Théry, sur voiture Richard-Brazier (le "trèfle à quatre feuilles") est vainqueur à 96 kilomètres de moyenne, battant l’Allemand Jenatzy sur Mercédès. Guillaume II envoie un télégramme de félicitations à M. Emile Loubet pour cette nouvelle et éclatante victoire de l’industrie automobile française. Le 12 juin, M. Edmond Blanc gagnera le Grand Prix (hippique) de Paris avec "Ajax" (monté par G. Stern), le premier produit de l’étalon "Flying Fox", payé par lui, deux ans plus tôt, la somme fabuleuse d’un million-or (plus de 200 millions d’aujourd’hui). |
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25 AOUT 1904
Une révolution dans Les moeurs de la capitale. Les fiacres parisiens, qu’on pouvait prendre jusqu’ici, à la course (1 fr. 50 pour n’importe quel parcours sans arrêt dans Paris) ou à l’heure (2 fr. les 60 minutes) seront désormais payés selon la distance parcourue. Ils ont été munis, à cet effet, de compteurs appelés taxamètres (le nom se transformera peu à peu en taximètre, et finira par désigner non plus le compteur, mais le véhicule sous le nom de "taxi". |
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OCTOBRE 1904
L'escadre russe de la Baltique commandée par l’amiral Rojestvensky part de Libau. Le passage par Suez lui étant refusé, elle devra contourner le cap de Bonne-Espérance. Cette "armada" de trente bâtiments arrivera le 27 mai 1905 à Tsushima, pour se faire anéantir par Togo. La paix sera signée le 5 septembre 1905, à Portsmouth. |
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28 OCTOBRE 1904
Le scandale des "fiches !" Le député de droite Guyot de Villeneuve révèle à la Chambre que le gouvernement Combes a laissé se créer une vaste organisation de délation dans l’armée. Les officiers cléricaux et réactionnaires sont "fichés". Débat tumultueux. Débat encore plus orageux le 4 novembre. En pleine séance, le député nationaliste Gabriel Syveton gifle le général André, ministre de la Guerre. Hourvari indescriptible. Deux voix de majorité seulement pour le gouvernement. Le 8 décembre, Syveton, qui s’apprêtait à répondre de son geste en cour d’assises, sera trouvé, chez lui, asphyxié par une cheminée à gaz. "Assassinat !", hurle la droite. L’enquête prouvera que c’est un suicide (pour raisons intimes et sentimentales). |
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6 DECEMBRE 1904
Le leader nationaliste Paul Deroulède, exilé en Espagne, et le grand tribun socialiste Jean Jaurès se battent en duel, au pistolet, au bord de la Bidassoa. Les extrêmes se touchent ? Non, ils se ratent. Deux balles sans résultat. |
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22 JANVIER 1905
Le peuple russe s'agite. Deux cents mille ouvriers, venus manifester devant le Palais d’Hiver, à Saint-Pétersbourg (aujourd’hui Léningrad), sont chargés par la cavalerie. Il y a deux mille morts. Le 17 février, le grand duc Serge, oncle du tsar, est tué par une bombe (sa veuve, pour démontrer ses sentiments altruistes, nourrira à ses frais pendant quarante jours les quarante-cinq mille pauvres de Moscou) ; révolte des paysans, près de Vitebsk ; émeutes sanglantes à Odessa, puis à Sébastopol. En Crimée, les paysans commencent à se partager les terres. Grève générale. Arrestation des chefs syndicalistes. Les municipalités de l’Empire conjurent le tsar d’accorder au peuple le droit de vote. Le tsar créera une Chambre des députés : la Douma. |
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31 MARS 1905
Le coup de Tanger : coup de tonnerre sur l’Europe. L’empereur Guillaume II débarque à Tanger, suivi d’un état-major chamarré, va, à cheval, rendre visite au sultan du Maroc et prononce un discours qui sent la poudre. Le 6 juin, dramatique conseil des ministres à l’Elysée. Un cabinet Maurice Rouvier a remplacé en janvier le cabinet Emile Combes. Delcassé a conservé les Affaires étrangères et sa politique touche au triomphe : le Maroc va nous échoir et l’Angleterre nous offre son alliance. Mais Rouvier a reçu d’Allemagne d’alarmantes nouvelles. Le Kaiser, très monté par nos succès diplomatiques et, d’autre part, encouragé par la défaite de nos alliés russes en Extrême-Orient, parle de nous attaquer. Rouvier ne veut pas risquer d’avoir la guerre. Il arrache à Delcassé sa démission immédiate. Cette satisfaction donnée au Kaiser, Rouvier, prudent, affectera hors budget 250 millions (or) au renforcement de nos armements. Désormais, la menace de guerre plane Sur nous, visible... |
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1ER JUIN 1905
Une bombe est jetée sur la calèchedans laquelle le jeune roi d’Espagne Alphonse XIII (dix-neuf ans) et M. Emile Loubet, revenant de l’Opéra, passaient rue de Rohan. Les deux chefs d’Etat sont indemnes. Il y a vingt-quatre blessés. |
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3 JUILLET 1905
Séparation d es Eglises et de l’Etat. Rapportée avec éloquence par le député socialiste Aristide Briand, la loi est votée par 108 voix de majorité à la Chambre. Le Sénat la votera le 6 décembre. Les relations diplomatiques avec le Saint-Siège sont rompues depuis plusieurs mois déjà. |
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14 JUILLET 1905
L’affranchissement des lettres ordinaires ne coûte plus que deux sous au lieu de trois. Le timbre à dix centimes (orné d’una semeuse, par le graveur Roty) aura un grand succès. Et les recettes postales, à la fin de l’année, seront en très forte augmentation (à méditer par les gouvernements — nous en connaissons — qui croient ne pouvoir accroître les rentrées qu'en haussant les tarifs). |
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2 FEVRIER 1906
Les inventaires ! L'aricle 3 de la loi de séparation des Églises et de l’Etat (que le pape Pie X condamne par l’encyclique "Vehementer nos") prévoit l’inventaire des biens ecclésiastiques. Quand les agents de l’administration des Domaines essaient d'y procéder, les catholiques pratiquants les empêchent de pénétrer dans les églises. La force armée doit intervenir. Des officiers catholiques donnent leur démission. A Saint-Pierre du Gros-Caillou, bagarre sanglante. De violents incidents éclatent un peu partout en province, en particulier dans les Flandres, en Bretagne, en Auvergne, en Savoie. Il y a des morts. La querelle des inventaires provoquera, le 7 mars, la chute du ministère Rouvier. |
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11 MARS 1906
Catastrophe aux mines de Courrières, près de Lens. Un coup de grisou tue 1.192 mineurs. Tout le "pays noir", exaspéré par les souffrances, se met en grève. Le nouveau ministre de l'Intérieur va, sans escorte, visiter les grévistes, très montés contre leurs patrons et contre le gouvernement. Il les harangue et ramène le calme. Ce nouveau ministre, c'est Georges Clemenceau. A soixante-cinq ans, le "tombeur de ministères" accède au pouvoir pour la première fois, dans ce ministère de concentration républicaine que le nouveau président de la République, Armand Fallières (élu le 17 janvier contre Paul Doumer), a demandé à Jean Sarrien de former, et dans lequel obtient aussi son premier portefeuille (l’Instruction publique) l’ancien socialiste révolutionnaire Aristide Briand. |
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18 AVRIL 1906
San Francisco est presque entièrement détruit par un formidable tremblement de terre; il y a plusieurs milliers de victimes. Deux cent mille personnes se trouvent sans abri. |
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21 MAI 1906
André Antoine est nommé directeur du théâtre national de l’Odéon. L’ancien employé du Gaz, le fondateur du Théâtre libre, le rénovateur — parfois révolutionnaire — de la scène française, devient un personnage officiel. Il est remplacé à la direction du théâtre qui porte son nom par le grand acteur Firmin Gémier. Le 20 juillet, le Conseil de l’Ordre de la Légion d’honnour refusera la croix à Sarah-Bernhardt, parce que "l'on ne décore pas les acteurs, à moins qu’ils ne soient professeurs ". |
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19 JUIN 1906
Notre protégé Sisowath 1er, roi du Cambodge, vient accompagné des danseuses de son corps de ballet personnel. |
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12 JUILLET 1906
La Cour de cassation, toutes Chambres réunies, annule, sans renvoi, la condamnation du capitaine Alfred Dreyfus. Le 21, Dreyfus, nommé commandant, reçoit la croix de la Légion d’honneur devant les troupes, dans cette même cour de l’Ecole militaire où il avait été dégradé. L’affaire Dreyfus est terminée |
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L’AFFAIRE DREYFUS
Elle avait commencé en seprembre 1894. Le commandant Henry, sous-chef du Bureau des renseigne ments avait trouvé, dans des papiers volés à l’ambassade d’Allemagne par un de nos agents (Bruckner ou la femme de ménage Bastian) une lettre sur papier pelure, non signée, non datée, annonçant la livraison à l’attaché militaire Schwarzkoppen de secrets militaires fran ais. L’écriture de cette lettre (qu’on appellera "le bordereau") ressemble à celle d'un officier d’artillerie, stagiaire à l’Etat-Major, le capitaine alsacien et israélite Alfred Dreyfus, marié, père de famille, riche, respecté. Arrêté, il est condamné, après des débats à huis clos, par le conseil de guerre de Paris, à la détention perpétuelle. Le 5 janvier 1895, tandis qu’on le dégrade, il crie san arrêt : « Je suis innocent !... |
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Il est envoyé à l'Île du Diable. En mars 1896, le commandant Picquart, nouveau chef du Bureau des renseignements, reçoit (par la Bastian) un "petit bleu" adressé par Schwarzkoppen à un officier français, le chef de bataillon (d’origine hongroise) Esterhazy, notoirement perdu de dettes et de vices. Picquart examine l’écriture d'Esterhazy. C’est celle même du "bordereau". D'aut part, il sait que Dreyfus a été condamné sur le vu d'un dossier secret non communiqué à la défense et il a constaté que les pièces de ce dossier ne peuvent, en réalité, concerner Dreyfus. La famille Dreyfus demande alors la révision du procès. La France se divise en deux camps farouchement ennemis : dreyfusards et antidreyfusards ; polémiques furibondes ; innombrables duels; les ministères tombent comme des châteaux de cartes. Le haut Etat-Major casse Picquart, brandit contre Dreyfus un document-massue: un billet de l’attaché italien Panizzardi à Schwarzkoppen. Soudain, on découvre que c’est un faux fabriqué par Henry. Arrêté, celui-ci se coupe la gorge. La révision s’impose. |
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Retentissant article d'Emile Eola "J'accuse" dans "L'Aurore", en faveur de Dreyfus. Zola est Condamné. Esterhazy, acquitté par un conseil de guerre, s’enfuit à Londres, où il avouera avoir écrit le bordereau. Dreyfus, jugé à Rennes le 9 septembre 1899 par un nouveau comseil de guerre, est derechef condamné (dix ans de prison). Il sera gracié le 19 septembre et devra attendre sept ans sa réhabilitation. |
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23 OCTOBRE 1906
M. Santos-Dumont, sur un aéroplane de sa fabrication, la "Demoiselle" réussit, sur la pelouse de Bagatelle, à parcourir cinquante mètres dans les airs, à un mètre ou deux de hauteur. L'aviation est née ! (En fait, Ader avait réussi a quitter quelques instants le sol, en 1897, sur son "Avion", et les frères Wright, secrètement, volent déjà aux Etats-Unis.) |
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