AIMONS L’INSTITUTEUR – SA MISSION EST GRANDE, NOBLE ET FECONDE

Cet article publié en 1930, montre l'importance qu'avait l'Instituteur pour les élèves et pour la collectivité.

 

A L’ECOLE
Il n’appartient pas seulement à l’instituteur de faire, des enfants qui lui sont confiés des hommes ; il faut qu’il s’intéresse à tout ce qui l’entoure. Générateur d’énergie, il dispense autour de lui le fruit de son labeur, l’expérience qu’il a acquise au cours d’une longue carrière ; il est l’auxiliaire et le suppléant du père de famille et, en noble éducateur, il se donne tout entier à ses petits élèves. Il se dépense sans compter pour eux, il n’est pas un distributeur automatique de connaissances et de recettes, il est un apôtre du travail, de la vérité, de la liberté et de la justice. Nous l’avons tous vu dans sa classe, souvent exigüe, où 60, 80, 100 enfants parfois, étaient là serrés les uns contre les autres, écoutant attentivement, les bras croisés, la si intéressante leçon de choses.
Soixante enfants, c’était soixante caractères, soixante tempéraments différents. Si certains  étaient enjoués,  caressants et désarmaient leur maitre par un sourire ou une plaisante répartie, d’autres, au contraire, étaient maussades, maladifs, turbulents, vicieux même, d’esprit lent ou de physique ingrat ; mais l’instituteur les aimait tous, ses enfants ; de tous il était aimé et de tous, grâce aux trésors de bonté, de patience et d’indulgence, dont il était empreint, il savait faire des hommes.

HORS DE L’ECOLE
L’instituteur doit encore s’intéresser à tout ce qui l’entoure. Très souvent, après ses six ou sept heures de classe, sa journée n’est pas terminée. Il a autour de lui des amis et des braves gens qui lui font confiance et avec qui il doit entretenir de bonnes relations. Il a des œuvres auxquelles il doit non seulement collaborer, mais apporter son cœur, son ingéniosité ; il a la tâche et l’honneur de coordonner et de stimuler les initiatives qui lui sont offertes, les concours qu’il a acquis, pour parfaire, chez ces anciens, l’éducation donnée à l’école. L’instituteur, toujours l’instituteur, l’âme des organisations, des œuvres sociales qu’il a créées bien souvent, en est également le surveillant, le secrétaire, l’animateur. Que ce soit à propos de mutualité, il montre à l’enfant ou à l’adulte que c’est là une forme de l’épargne, de la prévoyance ; que ce soit à propos des patronages laïques ou d’amicales d’anciens élèves, il montre par sa sympathie agissante, sa protection de tous les instants, combien grande et belle est la solidarité, l’union des cœurs. A l’œuvre de la Caisse des Ecoles, à celle des Colonies de Vacances, du Denier des Ecoles Laïques, des Cantines Scolaires, des Sections d’Education Physique ou Artistique, il collabore souvent et réserve ses loisirs. Si l’école est fréquemment le siège de ces institutions, l’instituteur en est toujours l’âme.

 

Il n’est donc par d’œuvre plus féconde, ni plus digne que celle de nos maitres laïques. Aimons-les et respectons-les, car ils le méritent.

 

Lorsque dans leur retraite, gagnée après une quarantaine d’années d’enseignement, ils rencontrent leurs anciens élèves, devenus des hommes faits et considérés, c’est alors que vous voyez luire en leurs yeux cette flamme de satisfaction heureuse éprouvée. L’ancien, de son côté, ému et timide… comme à dix ans, embrassera son vieux maitre en pensant : C’est vous qui m’avez fait ce que je suis ; je suis heureux et fier de sous serrer dans mes bras et de vous exprimer aujourd’hui ma profonde reconnaissance.

 

Aimons donc nos instituteurs ; restons fidèles au souvenir de ces braves gens à qui nous demeurons redevables de la formation première de notre esprit ; vénérons-les ; qu’une voix joyeuse et retentissante sorte de toutes les écoles en l’honneur de ces modestes et grands serviteurs du pays et de l’humanité.

 

R. Lussiez - quotidien régional (1930)

 

 

 

 

 

à lire :

l'instituteur (un peu d'histoire)

la Lettre aux instituteurs et institutrices de Jean Jaurès (1888)