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Voila ce qu'on peut écrire sur ces objets familiers.

 

Les casseroles de cuivre

 

Elles sont cinq filles, de taille décroissante, accrochées à la queue leu leu. Leur mère les frotte avec orgueil toutes les semaines, puis enveloppe d'une gaze verte le trésor de leur virginité. Les cinq filles à marier s'ennuient dans la cuisine, à ne rien faire. Elles voudraient célébrer leurs noces avec le feu, leur époux. Mais le contact n'est pas permis. Seules les casseroles émaillées ont permission de faire risette et licence de se chauffer. Justement, les entendez-vous chanter de plaisir sur la flamme ? Des bouillons d'allégresse frémissent dans leur sein. Cela navre les casseroles au derrière d'or dont la jalousie brunit la surface et qui sentent monter en elles l'oxyde du célibat.

Etonnez-vous, après cela, qu'elles soient des empoisonneuses !

 

La bassinoire

 

Ronde et tout en or, elle est haute, comme un homme. Le jour, elle dort, pendue à un clou. Lorsqu'arrive le soir, sa fringale la réveille. Gueule ouverte, elle s'emplit le ventre d'une soupe de cendres chaudes et de tisons. Puis la bassinoire étrenne le lit.

 

L'entonnoir

 

A-t-il bu, celui-là, dans sa vie ? Pardi ! il a bu comme un trou.

La gueule ouverte à perpétuité, l'haleine vineuse et le palais en pente, il attend qu'on lui verse un coup. Il boit n'importe comment, mais surtout à la régalade. A lui la torsade glougloutante, le filet d'or ou de rubis ! Et, le soir, renversé sur la bonde, on le trouve ivre-mort.

 

La cuisinière

 

Je l'entends qui ronfle dès le matin, cette grosse réjouie. Elle m'accueille, quelque temps qu'il fasse, avec une face rouge de bonheur. Tout le jour, elle ne cesse de chanter, chaudière fumante, sous les solives.

Elle ne réplique jamais, ne fait point sauter l'anse du panier. Je ne vois autour d'elle ni soldat ni pompier. Il ne reste qu'à nourrir cette vieille servante fidèle qui vit et crève dans la maison de son maitre sans avoir jamais demandé d'augmentation.

 

Le balai

 

En robe de jonc, en jupon de bruyère, il barbotte bravement dans la vase du ruisseau.

Il n'a pas peur de se mouiller, ce courageux prolétaire. Ce n'est pas comme son collègue de l'intérieur, le balai de crin.

Poilu, mais soigné, celui-ci fait des manières. On dirait la barbe d'un diplomate qui se promène sur le plancher.

 

publié en 1935

 

 

 

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