article publié en septembre 1989 :

L'écrivain belge Georges Simenon, père du commissaire Maigret et surnommé "le Balzac du XXe siècle", est mort lundi* à l'aube à son domicile lausannois, à l'âge de 86 ans. II a été incinéré hier matin dans la plus stricte intimité et sans cérémonie. Romancier le plus fécond depuis Balzac, Georges Simenon a écrit environ 500 ouvrages, 200 sous sa signature, 300 sous une vingtaine de pseudonymes, romans policiers et psychologiques surtout. Il reste l'auteur le plus lu, traduit en 70 langues, de l'afrikaans au yiddish. Créé en 1929, le commissaire Maigret reste son personnage le plus célèbre. Il apparaît dans près de 90 titres. Le premier Maigret, "Pietr-le-Letton", fut signé de son nom véritable.

Georges Simenon est né le 12 février 1903 à Liège (Belgique), où il a passé ses dix-neuf premières années. Cette enfance, auprès d'un père employé d'assurances et d'une mère vendeuse dans un grand magasin, lui inspirera "Je me souviens". Devenu journaliste à "La Gazette de Liège" de 1919 à 1922, il écrit son premier roman, "Le pont des Arches". Il gagne alors Paris, où il exerce divers métiers: garçon de courses, secrétaire chez un aristocrate. Il occupe ses loisirs à la plume. Plus d'un millier de contes sont publiés. Dès 1924, le roman populaire lui assurera la sécurité matérielle. De son vivant, on estime à près de 500 millions le nombre de ses lecteurs et à des centaines de millions auditeurs et spectateurs pour ses œuvres adaptées à la radio, à la télévision, au cinéma (environ 300 à ce jour,rien que pour le septième art).

Après avoir maintes fois défrayé la chronique par son existence luxueuse d'écrivain à succès et de séducteur, déménageant sans cesse, Simenon a passé la dernière partie de sa vie dans la région lausannoise, aux côtés de Teresa, sa dernière compagne , il s'était d'abord installé au château d'Echandens, dès 1957, puis, en 1962, dans une immense villa blanche de 48 pièces, sur le territoire de la commune d'Epalinges, où il avait logé des montagnes d'archives.

En 1972, il annonce qu'il arrêtera d'écrire des romans et vend sa maison à Epalinges pour acheter une vieille maison, beaucoup plus modeste, enfouie dans la verdure, non loin du Léman, à Lausanne. Il vivra dès lors très discrètement, fuyant médias et interviews. Comme son célèbre commissaire, Simenon a quitté la scène sur la pointe des pieds. Ses voisins de Vidy, le quartier lausannois où il se cachait, ont appris sa mort en allumant la radio, hier matin. Ses derniers jours heureux auront été pour son jardin: "J'y ai autant de plaisir que j'en aurais à m'asseoir à la terrasse du Fouquet's, comme je l'ai malheureusement fait tout un temps".

Pour respecter ses dernières volontés, une incinération a eu lieu hier matin au crématoire de Montoie, tout près du domicile de Simenon, dans la plus stricte intimité et sans cérémonie. Les cendres seront dispersées au pied du cèdre de sa propriété lausannoise, là où reposent déjà celles de sa fille Mary-Jo.

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* 4 septembre 1989