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article publié en 1939
Somme toute, il n’y a qu'une chose au monde, écrivait déjà lord Byron, à laquelle le prestige même le mieux établi ne résiste point : c’est le ridicule. Mais au fait, le grand poète anglais ne faisait ainsi que paraphraser un vieux dicton français : "En France, le ridicule tue." En France, et ailleurs, il n’y a de gloire qui puisse se moquer d’un caricaturiste. Le sens de l’humour ou de l’esprit qui égratigne ou qui persifle est commun à presque tous les hommes. La preuve ? Le succès universel de la comédie. Et le triomphe, peut-être plus universel encore, des farces et des imitations burlesques. Et, à notre humble avis, voilà pourquoi la propagande antihitlérienne semble parfois jusqu’aujourd’hui, avoir fait long feu : elle usait de méthodes qui ne faisaient pas appel au sens critique de l’homme ; elle oubliait que l’homme est avant tout un animal qui sait rire.
On a beau répéter :
— Voici les faits dont le nazisme fait aujourd’hui état. Ils sont faux. Ecoutez bien : nous allons vous le prouver... Mais on n’écoute guère : la plus brillante, la plus pertinente, la plus irréfutable des démonstrations ne sert rigoureusement à rien. Est-elle longue et substantielle ? Elle ne pourra que lasser. Est-elle courte et succincte ? Il ne manquera pas de mauvais esprits pour la prétendre incomplète. Reconnaissons là-dessus que l'une et l’autre de ces méthodes sont d’une bien douteuse efficacité.
LE RIDICULE TUE : C’EST PROUVE PAR L’HISTOIRE
Mais reconnaissons aussi qu'aucun Allemand d’aujourd'hui ne se prête mieux à la caricature que le chancelier. Adolf fut un de ces malheureux qui a dû être ridicule dès le berceau. Et le grand malheur de l’Allemagne — et de l’Europe — c’est qu’il ne se soit trouvé personne doué d’un sens comique assez aigu pour en faire, dès ses premières manifestations publiques, ce qu'il est réellement : un fantoche ; qu'il n'y ait pas eu un artiste d’assez de talent pour utiliser à plein rendement les incomparables ressources comiques qu’il nous offre.
Voici quatre ou cinq ans, l’Allemagne ne trouva pas un maître du crayon doué d’assez de finesse d’esprit pour crever, comme d’une pointe d’épingle, malgré la surveillance de la police, le fantoche en baudruche qui se levait à son horizon. Il n’a pas manqué pourtant dans l’Histoire, d’exemples de possibles "führers" qui disparurent à tout jamais, ou que la foule rangea dans le rayon des clowns. Une chanson peut "lancer" un homme d’Etat : les Français se souviennent du général Boulanger. Une chanson peut aussi bien l’escamoter. Souvenez-vous de Parnett qui allait devenir premier ministre lorsqu’un de ses amis politiques le fit surprendre en trop galante compagnie. Quelques couplets là-dessus ; et c’en fut fait !
Et cependant, y a-t-il au monde une silhouette plus facile à caricaturer que celle du maître de l’Allemagne ? Ne me dites pas sans doute, mais en Allemagne, la caricature est interdite, donc impossible. Impossible doit être rayé du vocabulaire de la guerre. Et quelque difficulté qu’on lui oppose, rien nest plus facile que de lancer une idée, lorsqu’elle est bonne et quelle sonne bien aux oreilles : un bon slogan est tout-puissant. Bref, plutôt que des milliers de lignes de prose indigeste, de preuves plus ou moins contradictoires, combien seraient bien efficaces quelques bonnes caricatures soulignant le grotesque du responsable de la guerre.
"ADOLF ? NOUS ALLONS EN FAIRE LE SUJET D’UN DESSIN ANIME"
Et voilà pourquoi Hitler sera le sujet, "tout en or", de notre prochaine série de "cartoons" comiques. Je reconnais volontiers que cette série, nous l'avions préparée depuis longtemps ; nous n’avions même pas prévu la guerre pour commencer à montrer tel qu’il est — c’est-à-dire grotesque — Adolf Hitler avec sa mèche romantique, sa moustache en brosse à dents, son sourire en piège à loup et sa démarche voûtée de vieille gouape, il nous a donné le meilleur prétexte de "hobby » " que nous ayons trouvé depuis longtemps.
La plaisanterie, en ces heures difficiles, parfois tragiques, demande infiniment de tact, sans doute, mais je crois que celles que nous allons bientôt vous faire voir sont d’un goût assez sûr pour quelles vous fassent rire.
Que les Allemands rient aussi. Ils en ont perdu l’habitude ? Qu’ils la reprennent ! Que les Allemands rient donc, et c’en sera bientôt fait du pitre sinistre qui, chez eux, s’était arrogé le titre de vedette.
Walt Disney
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Ce n’est pas un nouveau petit cochon que Walt Disney va faire sortir de sa boîte à miracles, mais Hitler et sa croix gammée, et son pas de l’oie... Quel beau sujet !
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The Thrifty Pig est sorti le 19 novembre 1941
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