ACCUEIL | LES CELEBRITES | L'ABBE PIERRE

 

 

 

 

L' Abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès (1912 - 2007), est le fondateur du mouvement Emmaüs, organisation laïque de lutte contre l'exclusion.

 

 

La mort, c’est la sortie de l’ombre. J’en ai envie. Toute ma vie, j’ai souhaité mourir

 

 

L' Abbé Pierre fut pendant un demi-siècle l’infatigable pèlerin des démunis. Ce sacerdoce lui valut l’admiration constante des Français. Le curé des pauvres restera dans le souvenir de ses contemporains cette frêle silhouette drapée dans sa soutane ou son long manteau noir, portant béret, canne et godillots. Le visage émacié à la barbe grise, il frappait par son regard brûlant, son espièglerie et sa véhémence convaincante. Mystique, il choisit dès l’enfance son destin et son combat: la lutte contre la pauvreté. A 18 ans, il distribue son patrimoine hérité d’un père "soyeux" lyonnais à des œuvres charitables et rejoint les capucins, le plus pauvre des ordres mendiants.

 

Résistant sous l’Occupation, où il adopte son pseudonyme, il choisit la politique à la Libération et est élu député chrétien-démocrate de Meurthe-et- Moselle, jusqu’à sa démission en 1951. En 1949, l’abbé Pierre crée la communauté Emmaüs, fondée sur le principe qui consiste à demander aux exclus de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins en récoltant les surplus des nantis, rompant ainsi avec la charité traditionnelle. Emmaüs lutte aujourd’hui contre l’exclusion dans une quarantaine de pays.

 

Hiver 1954: une femme meurt de froid dans la rue. L’abbé lance un appel pathétique en faveur des sans-abri sur Radio Luxembourg, appel qui suscite un gigantesque élan de solidarité. Le religieux comprend alors le poids des médias. "Les médias existent, il serait idiot de ne pas les utiliser", avait-il déclaré. Il aurait pu tenir le même raisonnement à propos des politiciens, qu’il bousculait, refusant toute récupération.

 

Revenu sur le devant de la scène dans les années 1980, il soutient Coluche et les "Restaurants du cœur", que l’humoriste vient de créer pour nourrir les pauvres, martelant qu’ "avoir faim à Paris est intolérable". Promu grand officier de la Légion d’honneur en 1992, il repousse cette distinction avec fracas – il ne l’acceptera qu’en 2001 – pour protester contre le refus du gouvernement d’attribuer des logements vides aux sans-logis, coup d’éclat qui contribue à faire appliquer la loi de réquisition. Sa personnalité était cependant plus complexe qu’il n’y paraît. En 1996, il commet ainsi l’un de ses rares impairs en apportant son soutien au philosophe Roger Garaudy, auteur d’un livre niant l’existence de l’Holocauste. Cible de vives critiques, l’abbé Pierre retirera ses propos, mais ne perdra rien de sa popularité.

 

Dans un ouvrage publié en 2005, "Mon Dieu... pourquoi?", il aborde en toute liberté des sujets polémiques. Il dit ainsi connaître des prêtres qui vivent en concubinage avec une femme, se prononce pour l’ordination des femmes et confesse avoir brisé son vœu de chasteté "de manière passagère". Au soir de sa vie, le prêtre chiffonnier évoquait la mort comme "une impatience": "La mort, c’est la sortie de l’ombre. J’en ai envie. Toute ma vie, j’ai souhaité mourir".

 

_____________________________________

 

 

ABBE PIERRE

 

 

FEVRIER 1954


11 heures ! La nuit est glaciale dans les rues étroites de la Montagne Sainte-Geneviève. Le givre fait partout ses dentelles et le thermomètre marque -13 degrés. Paris semble engourdi par le gel. Pourtant, alentour du Panthéon, des dizaines de voitures particulières et de camions sont en stationnement, des centaines de gens attendent. Ils attendent parce que, à l'angle de la rue Laplace, sur un terrain vague, une tente a été dressée. Ils attendent parce que la croisade des sans-logis et la promesse des cités d'urgence ne suffit plus. Ils attendent qu'après l'enterrement du petit Marc, de la Cité des Coquelicots, huit bébés sont encore morts de froids dans des cabanes à lapin. Ils attendent enfin parce que, durant ces nuits cruelles, des centaines et des centaines d'hommes qui se couchent sur les pavés de Paris risquent d'y trouver un linceul.

Dans l'après-midi, l'abbé Pierre a lancé un nouvel et émouvant appel.

- Une femme vient de mourir gelée cette nuit, à 3 heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel avant-hier, on l'avait expulsée... Je vous en supplie, aimons-nous assez tout de suite pour finir cela... Vous pouvez tous aider les sans-logis. Multipliez dans chaque quartier, dans chaque ville, les initiatives pour ouvrir, pendant les grands froids, des centres provisoires de dépannage...

 

Sous la tente chauffée au butagaz, trois compagnons d'Emmaüs délient de nouvelles bottes de paille. Mais l'abri s'avère trop petit et la place manque.
Le voilà ! Les joues encore plus pâles et creuses, l'abbé Pierre est arrivé. Devant la tente, symbole de la charité, le nouveau Monsieur Vincent donne les dernières nouvelles. Elles sont bonnes. Les initiatives se multiplient. Communes, pouvoirs publics, entreprises privées s'efforcent dès ce soir, de procurer un abri à tous les couche-dehors de la région parisienne. Une quinzaine de centres ont été ouverts dans l'après-midi. A l'hôtel Rochester, 92, rue de la Boétie, un bureau a été mis à la disposition d'Emmaüs, et la maison vient d'offrir 10 chambres pour dix familles avec leurs gosses. Des camions particuliers, des voitures municipales vont faire un va-et-vient nocturne de sauvetage des miséreux. Le droit d'asile a été accordé par le préfet de police dans tous les centres fraternels de dépannage. Cinq stations de métro seront ouvertes toute la nuit. Des ordres ont été donnés afin que les postes de police reçoivent les sans-abri sans demander leur identité. Evidemment, ce bel élan ne constitue qu'une solution provisoire. Outre une extension de la politique générale du logement et la multiplication des cités d'urgence, il faudra songer à établir, d'ici l'automne, des refuges...

 

extraits de l'article publié dans Le Pèlerin du 14 février 1954

 

 

MARS 1954 - LES CITES D'URGENCE ET L'ABBE PIERRE

Dès la fin du mois de mars, les 51 maisons de Plessis-Trévise seront terminées. C'est la générosité des Français qui a permis à l'abbé Pierre de lancer, dès la première semaine de février, cette tranche de construction. Déjà 600 autres maisons sont en chantier sur divers terrains. Des Comités se créent un peu partout en province pour multiplier ce genre de construction. La photo montre un autre îlot, celui de Pontault-Combault, dont la construction par les Bâtisseurs d'Emmaüs, se poursuit activement.
Un emprunt du Crédit Foncier doit permettre la construction de 12000 logements cités d'urgence avant la fin de l'année. Le ministre de la Reconstruction et l'abbé Pierre ont lancé un message à la radio pour inviter les Français à souscrire à cet emprunt.

 

article publié dans Le Pèlerin - mars 1954

 

La photo en haut à droite représente l'abbé Pierre à l'Exposition des Compagnons d'Emmaüs qui s'est tenue dans les grands magasins du Printemps. Pendant quinze jours, 50 000 visiteurs environ ont épinglé, sur une maquette grandeur nature, des centaines de billets de toute valeur. Au total, on enregistrait 1 500 000 francs pour les sans-logis.

 

 

abbe pierre 1954

L'Abbé Pierre en couverture de l'édition belge du journal Tintin (1954)

 

 

 

 

Hiver 54, l'abbé Pierre, film réalisé par Denis Amar avec Lambert Wilson, Claudia Cardinale, Robert Hirsch (1989).

 

_____________________________________

 

 

Dans le très bel album de photographies "Abbé Pierre – Images d’une vie" (Ed. Hoëbeke, 2006), préparé par son secrétaire Laurent Desmard, le fondateur d’Emmaüs se souvient des étapes de sa vie. Extraits:

 

L’enfance: "Un soir, je prends mon père à part et je lui dis: "Je veux être le plus pauvre parmi les pauvres! Et j’ajoute: "Ma place n’est pas parmi vous, mais au fond d’un cloître."

 

Le résistant engagé: "La chance que j’ai eue durant la guerre, c’est de n’avoir jamais eu à tuer, de ne m’être jamais trouvé dans la situation de dire: "C’est lui ou moi." Je ne m’en glorifie pas."

 

Hiver 1954: "Un jour, mes amis voient un gros paquet de chiffons. Ils descendent le ramasser: c’est une vieille femme qui agonise. Ils l’emmènent au commissariat pour trouver un peu de chaleur. Trop tard, elle est morte. Dans ses mains un avis d’expulsion, elle n’avait pas payé son loyer. Ce n’était plus possible. Un ami journaliste lance alors cette idée d’un appel à la radio."

 

_____________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  ACCUEIL | LES CELEBRITES | L'ABBE PIERRE

 

 

bachybouzouk.free.fr