ACCUEIL | LE BROL | LE COCHON |
récolte de la truffe
LE COCHON
Grognon, mais familier comme si nous t'avions gardé ensemble, tu fourres le nez partout et tu marches autant avec lui qu'avec les pattes. Tu caches sous des oreilles en feuilles de betterave tes petits yeux cassis. Tu es ventru comme une groseille à maquereau. Tu as de longs poils comme elle, comme elle la peau claire et une courte queue bouclée. Et les méchants t'appellent : "Sale cochon !" Ils disent que si rien ne te dégoûte, tu dégoûtes tout le monde et que tu n'aimes que l'eau de vaisselle grasse. Mais ils te calomnient. Qu'ils te débarbouillent, et tu auras bonne mine. Tu te négliges par leur faute. Comme on fait ton lit, tu te couches, et la malpropreté n'est que ta seconde nature.
Jules Renard - Histoires naturelles.
... Le petit cochon était charmant, tout rose, le groin lavé par les eaux grasses, avec le cercle de crasse que son continuel barbotement dans l'auge lui laissait près des yeux. Il trottait, bousculant les poules, accourant pour leur manger ce qu'on leur jetait, emplissant l'étroite cour de ses détours brusques. Ses oreilles battaient sur ses yeux, son groin ronflait à terre, il ressemblait avec ses pattes minces à une bête à roulettes. Et par-derrière, sa queue avait l'air d'une ficelle qui servait à l'accrocher.
Émile Zola - La Terre
VIE ET MORT DU COCHON
L'élevage.
Dans les sociétés primitives, le porc vit en semi-liberté, aux abords des habitations. En Extrême-Orient, il est encore agent de la voierie. Longtemps, il a été conduit aux champs, en troupeaux. Aussi le voyons-nous, dans les peintures d'autrefois, haut sur pattes et d'une grosseur modérée. Devant lui-même pourvoir à sa nourriture, il ne manquait pas d'exercice. Sa garde était confiée au porcher, dont l'importance, après Eumée, décrut dans la mesure où l'on se mit à engraisser le cochon à domicile.
Le tuage.
Pour honorer son hôte — le divin Ulysse — le porcher Eumée ordonne à ses bergers d'aller chercher le plus beau des porcs. "Les autres amenaient un porc de belle graisse, un cochon de cinq ans, que l'on mit aussitôt debout sur le foyer, et le porcher n'oublia pas les Immortels : c'était un bon esprit ! Du porc aux blanches dents, quand il eut prélevé quelques poils de hure qu'il jeta dans la flamme en invoquant les dieux, il assomma la bête d'une bûche de chêne qu'il n'avait pas fendue, et l'âme s'envola. Saigné, flambé, le porc fut vite dépecé... (Odyssée, chant XIV)
L'EXISTENCE DU COCHON
Chaque maison nourrissait au moins un cochon. Les petits gorets s'achetaient à certaines foires ; pour épargner cent sous, on allait les y chercher, à pied, et on les rapportait dans un sac. Cela faisait deux fois vingt kilomètres. Manquait-on la foire, on guettait la carriole du marchand. La bâche verte ondulait sur les dos pressés ; ici et là, un museau rose, un anneau de queue soyeuse qui passait entre les barreaux. Que d'hésitations devant la taille, l'allure, l'oreille, les promesses d'un avenir incertain. Il fallait pourtant se décider, tirer quatre ou cinq écus, et emporter l'élu dans ses bras comme un enfant grognon.
Alors commençait une vie de parfait cénobite. N'en connaissant point d'autre, il ne regrettait rien. Il ne sortait de sa cellule qu'à l'heure des grands nettoyages. Étourdi par l'air et la lumière, il flairait les alentours, secouait les oreilles, poussait de brefs grognements interrogateurs, esquissait de brusques galops, humait des senteurs inconnues; sans doute se réveillait en lui la lointaine souvenance d'ancêtres hirsutes et noirs, fouillant la terre molle sous les chênes. Séparé du monde, il ne connaissait pas la promenade quotidienne de ses frères lorrains.
Il ne connaissait que le sommeil et le repos. D'abord, un régime prudent de poupon délicat, à peine sevré : des bouillies claires, de lait, de farine d'orge. Peu à peu, les pâtées se faisaient plus épaisses, nourries de pommes de terre et de son. L'écuelle des premiers jours devenait un, puis deux seaux. L'été apportait des salades rafraîchissantes, l'automne des pommes aigrelettes. Le magnifique appétit du prisonnier faisait de tout chair et graisse, même du babeurre et de l'eau de vaisselle.
Il ne confiait à personne le secret de ses méditations solitaires, mais c'eût été cruelle injustice que de le croire insensible, bête ou malpropre. Les dix pieds carrés de sa cellule offraient au visiteur l'ordre parfait du dortoir, du promenoir et du reste. Il connaissait l'heure du dîner et ne se fût pas permis d'élever la voix trop tôt : il connaissait le pas et la voix de sa providence et les saluait d'un grognement amical. Qu'il criât comme cinq cents cochons quand le seau d'onctueuse pâtée s'inclinait vers son auge, c'était sa façon à lui de remercier l'hôtesse.
Chaque jour, cependant, l'acheminait vers son destin. Il avait insensiblement tenu les promesses de son enfance. Quand il sortait de sa loge, ses flancs frôlaient les bords de sa soue ; l'œil n'en finissait pas de suivre la vague argentée de son échine. Avait-il encore des pieds ? Seule sa queue bouclée n'avait pas changé, tel le nez dans la figure des gens trop gras.
Joseph Cressot - Le pain au lièvre.
Le Fils prodigue parmi les pourceaux - gravure d'Albrecht Dürer
Une comptine :
Un petit cochon
Pendu au plafond.
Tirez-lui la queue,
Il pondra des œufs.
Tirez-lui plus fort,
Il pondra de l'or.
L'or ou l'argent, qu'est-ce que tu aimes le mieux ?
— L'argent,
— Va-t'en dedans.
— L'or,
— Va-t'en dehors.
______________________________________
UN POURCEAU PENDU HAUT ET COURT.
Les procès d'animaux durent jusqu'au XVIIIe siècle. La majorité des affaires concernent les porcs.
En 1498, Johan Delalande, vigneron à Lonsaulx (près Chartres), et sa femme prennent en nourice, une petite fille de dix-huit mois, Gilon. Le berceau est posé par terre dans la salle principale de l'habitation. La nourrice s'absente et laisse la porte ouverte. Quand elle revient, elle découvre l'horrible spectacle du bébé à moitié dévoré, tandis que "le cochon estait encore dans la cour tout sanglant par le nazeau".
La fillette succombera le lendemain et les parents portent plainte. Les huissiers viennent appréhender le pourceau, ainsi que ses maîtres. le pricès a lieu en avril 1949. L'animal est dispensé de paraître. Le couple inculpé de négligence, est condamné à une forte amende. Mais le cochon, lui, est pendu haut et court.
Une autre exécution d'un pourceau - Sentence du Juge de Falaise qui condamne une truie à être mutilée à la jambe et à la tête, et successivement pendue, pour avoir déchiré au visage et au bras et tué un enfant. La truie fut exécutée sur la place de la ville en habit d’homme.
(gravure du XIXe siècle)
______________________________________
ACCUEIL | LE BROL | LE COCHON |
bachybouzouk.free.fr