Raconter une histoire, à raison de douze minutes chaque jour et tenter d'être écouté : c'est un peu la première gageure qu'a tenue... et gagnée Dominique Saint-Alban durant deux ans et demi sur France-Inter. Deux millions et demi d'auditeurs fidèles qui demandèrent vite la suite.

La première partie des aventures de Noële avait débuté en septembre 1965 et s'était achevé en mai 1968. La seconde avait commencé en décembre 1968 et a fait rêver, rire, pleurer jusqu'en décembre 1969. En tout 918 épisodes, quatre ans d'existence radiophonique. Entre-temps, à la demande des Editions Robert Laffont, Dominique Saint-Alban avait fait un livre des aventures de Noële.

Nouveau succès ! Dominique Saint-Alban pensait que cette fois Noëlle ne ressurgirait plus dans sa vie. Une convocation d'André François, alors directeur général de l'O.R.T.F., le détrompa bien vite."Mes deux filles ont beaucoup aimé votre feuilleton à la radio. Si on en faisait une adaptation télévisée, seriez-vous d'accord ? Donner un visage à Noële... C'était à la fois un nouveau pari et une véritable tentation. Pygmalion n'eût pas souhaité mieux. Nombreuses furent celles qui, un jour pressenties, furent le lendemain rejetées.

"Il y a entre Colpi et moi une compréhension totale" dit Saint-Alban. Je voulais une jeune fille qui n'avait pas eu de vrai rôle avant... afin qu'elle puisse devenir un double de Noële, lui donner son être, son talent, vivre et comprendre totalement mon héroïne. Anne Jolivet m'a comblé. Elle a tout: finesse, la beauté, les dons.

Henri Colpi a su mener son scénario et ses acteurs. Sous sa direction, chacun semble né pour interpréter son rôle. C'en est presque gênant. Dans les premiers épisodes Rosy Varte m'inquiétait. Elle était tellement imprégnée de son personnage qu'elle écrasait Anne Jolivet. Et puis tout s'est décanté. Mais pour cela, j'ai dû modifier certains personnages. Ceux que j'avais décrits ne collaient plus. La tante grecque de Noële devait être Lila Kedrova. A cause de sa volubilité habituelle, j'avais écrit un texte riche en paroles. Au dernier moment, elle ne put se libérer, ce fut Katharina Renn, froide, lointaine, qui la remplaça. Je dus refaire entièrement les dialogues. Noële est un feuilleton à la mesure des comédiens.

La propriété des Quatres-Vents à Saint-Alban, village de mon enfance (à qui j'ai emprunté mon nom de plume) ne posait pas de problèmes de "cadre". Elle appartient à un vieux copain de jeunesse qui est heureux de revivre un peu de nos aventures d'adolescence. Quand nous étions gamins, une de nos tantes louait cette maison pendant les vacances et une ribambelle de cousins, cousines, amis y passaient leurs étés, vivant les petits romans de leur âge. Tout simplement, j'ai écrit quelques anecdotes vécues autrefois. Pour les épisodes grecs, j'ai laissé courir mon imagination. A ce propos, je tiens à préciser que le destin de Noële est un pur roman et que son père milliardaire grec est un personnage pour faire rêver. Si, pendant autant de temps, mes auditrices ont suivi les aventures de cette jeune fille, ce n'est pas tout de même qu'elles racontaient la vie quotidienne de vingt-cinq millions d'entre elles. J'espère qu'elles trouvaient, au contraire, une sorte de sortie sur ce sordide matérialisme qui domine le siècle. Bien sûr, je n'y fais pas exception, puisque enfin le succès de Noëlle va me permettre d'écrire un ouvrage sur Balzac.

En attendant, Colpi tourne une nouvelle série de 40 épisodes de Noële aux Quatre-Vents. Nos aventures nous promèneront cette fois à Venise et dans les Yvelines; le dernier coup de vent va être donné à la fin du mois à Hydra, une des plus belles îles grecques. Je n'ai pas pu assister aux prises de vue de la première série tournée en Grèce. Mais cette fois, je ne les manquerai pas. Si tout se passe bien, on reverra Noële en mai 1971. Entre-temps, je vais préparer l'adaptation radiophonique de mon livre Les Grandes Egéries qui sera programmé en octobre à raison d'une heure par semaine sur France-Inter. Et puis, Noële est une héroïne jeune, j'ai de la chance. Nous avons une vie pour nous la raconter".

source : UN JOUR - 1971 - Claudine Sandford