Par une belle journée de 1954, une équipe de géomètres s'affairait à la frontière franco-luxembourgeoise pour relever l'altitude d'un plateau qui affichait sur la carte d'état-major 440 mètres. Mais ce relevé, fait à une époque où l'on n'utilisait encore que les baromètres à mercure était faux. En fait le plateau ne pouvait offrir qu'un cône naturel de 420 mètres. Non loin de là, le plateau de Ginsterberg avait attiré également l'attention des prospecteurs. Les vérifications entreprises confirmèrent l'altitude de la carte : 430 mètres. Dix mètres de plus pour installer un émetteur de télévision, cela valait la peine; c'est ainsi que naquit Télé-Luxembourg.

Il ne fallut que quelques mois aux ouvriers pour transformer le plateau, ouvrir une route de 5 kilomètres et lui confier les canalisations d'eau et d'électricité. Il fallut construire un bâtiment central à deux étages deux maisons d'habitation, installer l'antenne. Aujourd'hui Dudelange, petite cité industrielle de 14000 habitants peut s'enorgueillir d'être surplombée par l'un des émetteurs de télévision européens les mieux situés. C'est la réflexion que je me suis faite lorsque mes vacances, le mois dernier m'amenèrent dans la région.
Le bâtiment central, outre les pièces annexes et les bureaux, comprend un grand studio d'émission de 150 m², une salle de régie, une cabine de speaker, une salle de télécinéma,, un laboratoire, une filmothèque et une salle de vérification des films. Les dimensions relativement modestes du bâtiment s'expliquent par le fait que les studios de prises de vues ne sont pas sur place. Ils sont situés à Luxembourg, à la villa Louvigny, siège de la Compagnie qui gère le célèbre émetteur de Radio-Luxembourg.

C'est précisément à la suite de l'augmentation de puissance de cet émetteur que certains éléments de l'antenne sont devenus disponibles. L'un de ceux-ci a servi de pylône pour supporter l'antenne émettrice de télévision.

Que l'on s'imagine une tour métallique haute de 200 m, dont le sommet est prolongé par 16 m de radiateur d'ondes constitué par un ensemble de baies à effet omni-directionnel. C'est vraiment impressionnant et l'altitude totale atteignant 646 m, il se trouve que, dans un rayon de 100 km, aucun obstacle naturel n'intercepte les images. C'est ce qui explique les portées d'émissions qui sont remarquables.

La portée d'un émetteur, le saviez-vous, s'appelle son audience.
Les techniciens qui ont étudié l'émetteur de Dudelange n'en espéraient peut-être pas tant. En effet, depuis le 23 janvier, date de la mise en service expérimentale, des lettres sont venues confirmer la portée remarquable de l'émetteur.

Le cercle de 100 km de rayon tracé autour de Luxembourg était considéré au départ comme une zone de réception raisonnable. Or, il s'est révélé bien vite trop petit, et c'est à 150 km qu'il a fallut le reporter. Il s'agit là de réceptions dites commerciales, des réceptions sporadiques ont été enregistrées beaucoup plus loin, par exemple à Epernay, Reims, Rilly-la-Montagne pour la France et Jordaigne, Chapelle-lez-Herlaimont, Mons et La Pinte pour la Belgique.

Les téléviseurs permettant de capter Télé-Luxembourg ont des caractéristiques à peu de chose près semblables à ceux que nous avons pour la réception de la R.T.F. La différence réside dans les fréquences et l'écart entre les porteuses "son" et "vision", et dans la largeur de bande. Il existe actuellement dans le commerce des téléviseurs multicanaux 819 lignes pouvant recevoir une ou plusieurs stations françaises et Télé-Luxembourg. Ces récepteurs sont meilleur marché que ceux, à multicanaux, destinés aux réceptions d'images en 625 et 819 lignes.

Le Pèlerin - 1955