Le chansonnier Jean Amadou peut bien rencontrer les comédiens Hubert Noël et Claude Bertrand qui ont doublé respectivement la voix du Capitaine Troy et celle de l’Homme Invisible, il bombera le torse et leur jettera un regard condescendant. Devant la doublure de Steve Mac Queen, il s’est promis de hennir. Pourquoi ce complexe de supériorité ? C’est qu’Amadou ne se sent plus de joie. Moi, j’ai fait beaucoup mieux pour la télévision, oui parfaitement, j’ai doublé… un cheval ! Il ne galèje pas. Il a réellement prêté sa voix à un pur-sang de Californie qui parle américain aussi bien qu’un étudiant d’Harvard. Ce cheval extraordinaire s’appelle Mister Ed et vous le verrez prochainement chaque dimanche sur le petit écran dans un feuilleton dont il est la vedette hors-série.

Pour les voisins de Mr et Mrs Post, Mister Ed n'est qu'un cheval trop gâté qui refuse de se nourrir de picotin comme tout le monde. Mais pour son maître, c'est un animal stupéfiant: Mr Ed est doué de la parole. Il soutient de hautes conversations mais seulement devant son maître. Il se refuse à dévoiler son secret aux autres. Aussi tout l'entourage trouve-t-il de plus en plus bizarre et inquiétant le comportement du bon Mr Post à l'égard de son pur-sang. Mr Ed devient un pensionnaire difficile. Il téléphone aux commerçants pour leur passer des commandes au nom de son maître, il lance des invitations aux amis de la famille, ce qui met les Post dans des situations véritablement impossibles.

Vous aurez l'illusion que la voix sort de la bouche d cheval. Dans le studio de synchronisation, Jean Amadou a dû suivre les mouvements des mâchoires et naseaux. Comment le dresseur de Mr Ed est-il parvenu à faire ainsi remuer la bouche du pur-sang ? Quels sont ses secrets ? Un mors spécial qui l'oblige à montrer les dents, des fils de nylon invisibles sur la pellicule mais surtout un cheval exceptionnellement doué pour le travail. Mr Ed n’est pas un animal de cirque. Il a été remarqué par les producteurs dans des westerns et distingué entre tous les chevaux de tournage d’Hollywood par son intelligence et son aptitude à jouer comme les chiens dressés à porter à leurs maîtres certains objets.

Texte extrait du journal Pilote (1964)