ACCUEIL | TELEVISION | LA TELEVISION EN 1954

 

 

 

 

 

Actuellement se tient, à Paris, le Salon de la Radio et de la Télévision. Et cela pose avec plus d'acuité encore le problème de la télévision française. Le temps presse. Sur les 65000 récepteurs promis en 1953, par les constructeurs, 55000 seulement sont sortis des usines. Nous voilà donc, fin 1954, avec 60000 appareils pour 42 millions d'habitants. Cette année, la Grande-Bretagne en lançait allégrement un million. Elle arrive ainsi en tête des pays européens avec 2 500 000 récepteurs, pour 50 millions de citoyens.

 

UNE NEGLIGENCE COUPABLE

 

L'Allemagne et l'Italie ont également gagné du terrain, suivies de près par la Belgique, la Hollande est la Suisse. Aux Etats-Unis, on trouve 28 millions de postes... Les uns accusent l'équipement en stations et relais hertziens. D'autres critiquent le prix des récepteurs, d'autres enfin les programmes. Pourquoi les Français ne courent-ils pas à la télévision ? N'est-ce pas plutôt à la suite d'une carence des pouvoirs publics ? 42 millions de Français sont prêts à croire en elle. Comment les convaincre ?

 

COMMENT ELLE FONCTIONNE CHEZ NOS VOISINS

 

Etablissons des comparaisons. Comment fonctionnent les réseaux de télévision à l'étranger ? En Angleterre, il existe maintenant deux chaînes. L'une est confiée à la B.B.C., l'autre est privée, financée par la publicité, mais contrôlée par l'Etat. Cinq émetteurs étaient en service au début de cette année. Le nombre d'heures d'émission est semblable à celui de la télévision française. Son financement provient d'un prélèvement de 15 à 20 % sur les taxes radiophoniques. Un système mixte, semi-officiel, rattaché à l'administration des P.T.T., régit la télévision allemande. Fin 1954,celle-ci disposait de 12 postes émetteurs, couvrant la presque totalité de l'Allemagne occidentale. Une société privée remplace l'Etat, dans le domaine télévision en Italie. Elle a recours à la publicité et reste tributaire d'une convention établie avec le gouvernement qui la contrôle. Huit émetteurs sont en service, couvrant trente-cinq heures d'émissions par semaine. En Hollande, où l'on ne compte guère plus de 3 millions d'habitants, le nombre des récepteurs actuellement en service est estimé entre 7000 et 10000. Le chef de file est sans conteste les Etats-Unis. Le système d'émission est constitué par quatre chaînes privées, contrôlées par l'Etat. Le financement est assuré par la publicité. 128 émetteurs couvrant la quasi-totalité du territoire, pour un nombre d'émissions atteignant six cent cinquante heures. Depuis le début de cette année, un procédé de télévision en couleurs peut être capté par les postes récepteurs déjà en service.

 

ET CHEZ NOUS ?

 

Notre pays est donc très en retard. Non pas quant à la technique, qui a toujours été très avancée sur l'étranger, mais quant au nombre de récepteurs. La définition actuelle en 819 lignes est, en effet, la meilleure d'Europe. Deux seuls pays au monde possèdent la télévision en couleurs : l'Amérique et la France.


Le premier émetteur français a été mis en service il y a dix neuf ans. Bien peu de progrès ont été faits, en ce qui concerne noter équipement durant cette longue période. Où en sommes nous, en effet ? Le réseau actuel est constitué par quatre émetteurs : Paris, Lille, Strasbourg et Marseille. Paris a été équipé en 819 lignes dès 1950. Lille fonctionna la même année, d'abord comme centre régional, puis fut relié à la capitale. Strasbourg est entré en service en mars 1954. On nous annonce la naissance d'un centre à Bordeaux. Quant à l'émetteur de Lyon, il suivra, nous dit-on dans quelques semaines...

POUQUOI LE 819 LIGNES ?

 

Les raisons qui ont milité en faveur du 819 lignes sont de quatre ordres. D'abord une question d'esthétique pour soutenir la comparaison avec le cinéma, en contraste et qualité d'image. Ensuite prévoir l'avenir, c'est à dire donner au récepteur la possibilité de recevoir, après quelques modifications la télévision en couleurs. Le 819 lignes obtient là de meilleurs résultats et supportera le relief.
Les ingénieurs français ont pensé aussi, qu'étant donné le prix élevé des postes récepteurs, leur vente serait fatalement limitée. Pour atteindre le plus grand nombre, il fallait la retransmission possible sur grand écran, pour collectivité ouvrière ou paysanne. Avec une basse définition, cette réception eût été nettement moins bonne. A mon avis, sur ce point, nos ingénieurs se sont trompés. On trouve davantage de postes dans les classes moyennes que dans la classe aisée. Enfin, la dernière raison de ce choix, et non la moins déterminante, c'est qu'en choisissant le 819 lignes, les constructeurs français barraient la route à la concurrence étrangère. Cela ne milite guère en faveur d'un marché accessible au plus grand nombre. De la concurrence naissent les prix abordables et le brassage des affaires !

Le Français achètera un récepteur le jour où il entendra vanter autour de lui la qualité des émissions. Il est indécis à l'heure actuelle, parce qu'il sait ces dernières réduites à quelques heures par semaine. Et quel intérêt présentent-elles ?
L'affaire de l'Etat est donc de financer pour obtenir la qualité qui, elle, entraînera l'achat d'un poste. L'acheteur ne contribuera que plus tard à améliorer les émissions par sa redevance. Pour le moment, c'est l'usager du poste de T.S.F. qui fait les frais. Le malheur est que l'Etat ne croit pas en la télévision. Il réserve ses ressources pour des dépenses qu'il considère comme plus vitales. Et la publicité ? Non, disent les opposants, cela reviendrait à confier un précieux moyen de propagande aux trusts.
A l'heure actuelle, ce ne serait guère plus inquiétant que les informations dirigées par M. Mendés-France. Il n'y en a que pour lui et ses déplacements...


UNE PLACE QU'IL NOUS FAUT ACQUERIR

 

Alors comment trouver les 18 milliards de francs nécessaires au financement de la Télévision ? 1955 sera-il l'an de grâce de la Télévision française ? Le plan des travaux d'équipement est fort sage. Il s'agit de le poursuivre. Le "neuvième art" est plus qu'un divertissement, plus qu'un jeu d'images. C'est aujourd'hui la forme d'une expression de l'information. Si nous voulons céder notre place dans la communauté européenne de télévision, nous ne nous y prendrions pas autrement.

 

Marc Cluzeau - Le Pèlerin - 1954 -titre original de l'article : LA QUALITE NE SUFFIT PAS

 

 

photos :

- Jacqueline Caurat, Catherine Langeais, Jacqueline Joubert et Georges de Caunes le 31 décembre

- Le premier relais a été celui de Paris-Lille. Il est assuré, de la Tour Eiffeil à l' Hôtel de ville de Lille, grâce à deux stations situées à Villers-Cotterets et Saint-Saillisel.

- Le réseau français de télévision comptera six émetteurs fin 1954. Deux sont installés à Paris, l'un sur la définition de 819 lignes, l'autre sur 441. Deux autres fonctionnent à Lille
et à Srasbourg, deux autres enfin, d'ici la fin de l'année, ceux de Marseille et de Lyon. On apperçoit, au sommet de la Tour Eiffeil, l'antenne de l'émetteur de 819 ignes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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