Un conte pour Noël par Jean Bonnot publié en décembre 1923.

Elle naquit, la veille de Noël, d'une suédoise et d'un trottoir. Délicate et chétive, frêle comme une allumette, sa mère ne la nourrit que quelques secondes à peine. Mais, l'emportant sur un bout de papier, la vieille dame de céans prit soin de la petite flamme, assura sa subsistance et lui procura un gîte.

Ce'gîte n'était point folâtre. C'était un foyer, néanmoins. La vieille dame, pour-la sustenter, offrit à la petite flamme deux ou trois canards en boulettes. Mais, cette proie dévorée, la pauvrette se rendit compte que, pour faire feu qui durât, il lui faudrait se faire entretenir par un ami sérieux, ou trouver un épouseur.

Un soliveau, dans ce sombre foyer, reposait, abruti, comme une vieille souche. La petite tlâmme jeta son dévolu sur lui. Vive, joyeuse, pétillante, elle réchauffa l'indolent, le frôla, le caressa, l'embrassa tout doucettement. Notre soliveau rougit et, bien que de bois, s'alluma.

La bonne grand'mère, ravie, assista aux accordailles : assise dans un grand fauteuil, longtemps elle regarda la brillante fiancée qui dansait et chantait, joyeuse, rayonnante.

Le soliveau, plus pondéré, se contentait de fumer... et de cracher derrière les chenets.

Un moment, l'ardeur des mariés semblant se refroidi, la vieille tenta de l'attiser. Ce fut eri vain. Alors, pensant qu'elle les gênait, elle baissa le rideau de tôle, ce qui les isola.

Trois minutes après, ils ronflaient. Hélas ! ils ne devaient, ni l'un ni l'autre, se relever de leurs brûlants transports !

Quand la vieille dame revint de la messe de minuit, ratatiné, tout noirci, bon à prendre avec des pincettes, le soliveau était méconnaissable et la pauvre petite flamme était pâle et vacillante.

Dans la nuit, tous les deux s'éteignirent doucement. La vieille, le matin, ne trouva que des cendres. Pourtant le bon soliveau et la gentille petite flamme n'avaient pas oublié leur chère bienfaitrice : ils lui avaient, en mourant, laissé un petit peu de braise, de quoi garnir sa chaufferette.