DIALOGUE DE NOEL MODERNE

 

texte publié en décembre 1929 à l'ère de la T.S.F.

 

 

LA MERE

En ce temps-là, l’Empereur de Rome, César Auguste, voulant savoir le nombre de ses sujets de Palestine, leur ordonna d'aller faire inscrire leurs noms dans la mairie de la ville où ils étaient nés. C'est pourquoi Joseph le charpentier et Marie son épouse furent obligés de se rendre à Bethléem au lieu d’attendre tranquillement à Nazareth la naissance de leur enfant. Ils partirent sur leur âne gris (celui qui devait les emmener plus tard en Egypte) et, comme la route de Bethléem monte beaucoup, la Vierge Marie et l'âne furent bientôt très fatigués.

 

L’ENFANT

Combien de kilomètres y a-t-il de Nazareth à Bethléem ?

 

LA MERE

Je ne sais pas au juste... une centaine peut-être.

 

L’ENFANT

Pourquoi n’y allaient-ils pas en automobile ou en chemin de fer ?

 

LA MERE

Tu sais bien que les automobiles et les chemins de fer n’étaient pas encore inventés. Il n’y avait que des chars à bœufs comme ceux des rois fainéants. D'ailleurs. Saint Joseph eût été trop pauvre pour avoir une automobile et pour voyager autrement qu’à âne.

 

L’ENFANT

C'était donc un charpentier qui ne savait pas son métier ? Celui du village de grand-père a une superbe Peugeot dans laquelle il transporte ses enfants et ses meubles.

 

LA MERE

Saint Joseph était au contraire un ouvrier très habile mais, si les trônes étaient splendides, les meubles de village étaient alors fort simples et ns se vendaient pas aussi cher que ceux d'aujourd’hui. Il n’y avait que des tables et des lits en bois blanc, des escabeaux et des bancs de jardin comme en en voit dans l'histoire sainte et sur les images pieuses.

 

L’ENFANT

Est-ce qu’ils finirent par arriver à Eethléem ?

 

LA MERE Ils y arrivèrent, mais ne purent trouver à se loger. Le patron de l’hôtel qui est à côté de l'horloger ne voulut pas les recevoir et les traita presque de mendiants malgré le beau voile de ia Ssinte Vierge et l’air très respectable de Saint Joseph. Celui du "Cheval rouge" prétendit que sa maison était pleine. Un troisième leur cria de sa propre chambre qu’il ne voulait pas se réveiller davantage...

 

L’ENFANT Pourquoi n’avaient-ils pas retenu leur chambre par téléphone ?

 

LA MERE

Il n’y avait alors ni téléphone, ni télégraphe. ni bureaux de poste.

 

L’ENFANT

Est-ce qu’il y avait des facteurs ?

 

LA MERE

Il y en avait qui portaient les messages d’une ville à l'autre, à dos de chameau. On ne pouvait pas écrire très souvent, ni très loin.

 

L’ENFANT

Les petits garçons avaient peut-être ta chance de ne pas écrire des lettres de nouvel an ?

 

LA MERE

Les petits garçons n’avaient pas la chance de recevoir autant de colis que toi.

 

L’ENFANT

Et quand est-ce qu’ils y allèrent, dans leur étable, la Sainte Vierge et Saint Joseph ?

 

LA MERE

Du haut de la colline de Bethléem, ils aperçurent une ferme sur le toit de laquelle brillait une étoile miraculeuse.

 

L’ENFANT Tu es bien sûre que ce n’était pas une ampoule électrique ?

 

LA MERE

En ce temps-là il n’y avait que des étoiles et des torches. Les cierges même n’avaient pas encore été inventés. Le fermier et la fermière, qui couchaient avec tous leurs enfants et leurs domestiques dans une grande pièce, comme cela se fait encore de nos jours en Bretagne, installèrent Saint Joseph et la Sainte Vierge dans l’étable, pour qu’ils y soient chez eux, dans l’intimité, quand viendrait le petit Jésus.

 

L'ENFANT

Est-ce qu'il est venu en aéroplane ?

 

LA MERE

Il est descendu du ciel sur les ailes du premier voltigeur des anges tandis que les autres, allègrement, chantaient en chœur : "Gloria in exceisis Deo !'"

 

L'ENFANT

Ma pauvre maman ! Tu crois vraiment que c’étaient les anges qui chantaient "Gloria in exceisis Deo !" Mais voyons, réfléchis un peu. C’était la T.S.F. du fermier !

 

Germaine BLONDIN.