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texte d'Henriette Colombet publié en décembre 1918

 

Cette année, dans tous les clochers de France, les voix de bronze chanteront joyeusement le "Gloria Pax", vieux de vingt siècles.

Courbée sous le joug de la domination païenne, l’humanité attendait l’ère nouvelle promise à sa foi. Le bonheur fut grand en cette nuit sainte où naquit l’Enfant-Dieu, le monde sentit tomber ses chaînes devant l’aube de fraternité qui éclairait l’horizon des âges, et la terre et le ciel s’unirent dans un même cantique d’allégresse. Il semble que cette immense joie de l’univers délivré se renouvelle aujourd’hui pour nous avec toute la fraîcheur du premier Noël qui fit tressaillir la terre... N’étions-nous pas menacés de la pire des oppressions ? Nos armées, nos contrées envahies, nos malheureux prisonniers peuvent témoigner que jamais servitude n’eût été plus lourde, que jamais esclavage n’eût été plus dur.

Aussi, tous les carillons de la délivrance, leurs sons graves ou argentins, ont un écho fond de nos cœurs... Les fronts s’éclairent, se relèvent... les cheveux blancs n’auréolent que jeunes visages; on s’aborde en souriant... le nombre de nos amis s’accroît, tant nous sommes disposés à répandre notre bonheur. Les choses mêmes se métamorphosent sous la poussée des événements heureux qui se succèdent : on croit voir des fleurs sur les buissons d’épines.

Cette fête délicieuse n’était plus pour nous qu’un souvenir très doux, rappelant une semblable et lointaine espérance. Depuis quatre ans, la France n’avait eu de Noël'que le nom. Victime de la cruauté allemande, qui s’exerçait sur les êtres et les choses, ses provinces du Nord étaient dans le deuil... les cloches des cathédrales, comme celles des églises, s’étaient tues depuis le douloureux tocsin annonçant l’invasion. Oh! que de voix perdues pour jamais ! Que de villes, que de bourgades, chercheront parmi les décombres les pierres finement ciselées de leur clocher! Comme un vil métal, les cloches saintes ont été brutalement enlevées, fondues, transformées au gré des Barbares, en engins de destruction et de mort...

Mais pour tous les beffrois muets, pour toutes les flèches délicates et hardies qui s’élevaient vers le ciel comme de constantes prières, il y a eu, et il y aura encore dans les régions épargnées de la France, non seulement les envolées de joie et de gloire, mais les mystérieuses vibrations d’une douleur que nous ne saurions oublier. Tous les espoirs nous sont permis, aucun n’est téméraire. Nous assistons à l’écroulement des monstrueuses ambitions qui avaient résolu de nous anéantir. L’Allemagne — ainsi qu’en témoignaient ses grossières images — devait conquérir la France rien qu’en soufflant dessus. Serait-ce le vent d’automne qui a dispersé les alliés de notre ennemie et dissipé ses rêves comme les feuilles mortes;? Quelle humiliante ironie pour une nation de surhommes qui devait nous réduire à lui servir de marchepied !...

Ce n’est pas une vengeance que nous voulons assouvir : les Français en sont incapables. Ils n’ont pas de fiel dans le-cœur, la haine qu’ils nourriraient leur serait un supplice... mais nous voulons jouir de notre revanche dans toute sa plénitude, nous voulons exalter ce que les Allemands espéraient étouffer par la force : le droit et la justice, ces deux grands principes qui ont triomphé par nous.

Nos ennemis, outrés d’orgueil et d’arrogance, sont si peu accessibles aux nobles sentiments qu’ils ne comprendront jamais notre clémence. Ils la considéreront comme une sottise... Eux vainqueurs, eux maîtres de la belle et douce France, que leur conduite eût été différente! Ils n’auraient jamais eu assez de bottes pour nous écraser de leur dédain et de leur supériorité. N’oublions pas ce qu’ils ont fait, ni ce qu’ils voulaient faire et nous nous tiendrons en garde contre leur obséquieux maintien et leur hypocrite soumission. La défaite n’a changé en rien les instincts brutaux et autoritaires de nos agresseurs vaincus. Le fauve rentre ses griffes, il ne les arrache pas.

Paix, les canons... laissons les cloches bénies chanter Victoire au monde délivré des hordes sanguinaires, empoisonneuses, incendiaires et dévastatrices. Que des milliers d’enfants, en réintégrant leur foyer, goûtent le sommeil tranquille qui avait fui leurs berceaux. Le règne de la frayeur et de la crainte est fini... le ciel est clair, d’ineffables harmonies ont remplacé le bruit sinistre des moteurs et la chute des bombes meurtrières.

En son calme retrouvé, le firmament nous apparaît comme une page splendide où sont écrits, en caractères étoilés, les noms de ceux qui ont combattu pour la liberté du monde. Ce n’est pas une vision imaginaire puisqu’elle existe en fait... Qu’il nous soit permis de l’évoquer aux heures consolatrices qui rachètent nos sacrifices douloureux. Dans le recueillement de la nuit sereine, les hymmes de gloire alternent avec les pieux cantiques... Noël ! Noël! Noël! La Paix est promise à notre bonne volonté.

 

 

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