Le petit citadin n'a jamais vu d'âne au champ. Ce qu'il en sait, c'est que l'animal a de longues oreilles, qu'il est entêté et braillard. Aussi, qu'il fait un compagnon fidèle et qu'il peut porter lourd fardeau.
Qu'il garde donc sa foi à l'âne grand saint ! Pour suivre celui-ci dans le voyage imaginaire, il ne pourra jamais trouver plus gentille monture. Tant que pour lui l'image de l'âne, qu'au champ il n'a point vu, sera le pur produit de son imagination, tout restera dans l'ordre des choses du merveilleux.
Et tant mieux q'il lui prêt des oreilles démesurées, un poil d'argent, des sabots d'or, un hi-han de trompette céleste ! Plus la bête sera fantastique, plus le saint qu'elle accompagne y gagnera en prestige.
Qu'on ne lui parle pas de nos hélicoptères ! Tout le monde saint bien que pour louvoyer entre les étoiles, sans les écorner au passage, rien ne vaut un bon petit âne, allant au pas, attentif et prudent.
Et qu'on laisse prier l'enfant pour qu'au cours du voyage, l'animal chimérique et doux n'égare pas dans les nuages un de ses petits fers cloutés d'or.

Marie-Paule THIERRY - Femmes d'aujourd'hui - décembre 1955