Volendam, le typique changé en toc. Comment un port de pêche des Pays-Bas devient un village touristique.

Il y a cent ans, le petit village de Volendam, situé à une vingtaine de kilomètres au nord d'Amsterdam, était un port de pêche comme des dizaines d'autres sur le Zuiderzee. En 1932, lorsque la Grande digue eut changé la mer en lac, l'industrie de la pêche...tomba à l'eau, et des milliers de pêcheurs durent se reconvertir. Seul Volendam a su perpétuer la tradition du costume national et de l'activité portuaire, même s'il n'y a plus que des anguilles à prendre dans les filets. Et des touristes: ils se laissent facilement attraper par le charme toc de la mise en scène. Le vrai passé, lui, ressuscite sur les murs d'un musée complètement désert.

Des centaines de touristes sont déversés par les portes des cars sur la rue principale de Volendam, où boutiques de souvenirs et bistrots sont bien alignés, au garde à vous, prêts à subir les assauts de cette masse multicolore. Ici, on vend des poteries typiques. Ici, des poupées aux vêtements typiques. Là, les maquettes typiques des anciens bateaux qui partaient pêcher sur la mer, devenue lac en 1932 après la construction de la Digue de fermeture. A Volendam, disait le guide, on peut encore voir des habitants porter le costume national. Bien mieux: on peut se faire photographier vêtue de la robe et du chapeau à cornettes.

Inversons donc le problème: ce n'est pas parce qu'on y porte le costume que les touristes viennent à Volendam; c'est parce qu'il faut attirer les touristes qu'on demande aux habitants de bien vouloir sacrifier à la tradition. De même, les bateaux amarrés au port ne partent plus pêcher, mais vendent des sorties sur le lac aux sportifs du dimanche dûment corsetés. Bref, Volendam a réussi sa reconversion. A l'avantage de ses finances, mais au détriment de son histoire... Cent mètres au sud de la fourmilière du port, c'est le désert. Des panneaux balisent pourtant, pour le touriste, le chemin du musée de Volendam. Mais la petite maison plate, mémoire du village, reste silencieuse. N'y a-t-il jamais davantage de monde?

- Des groupes viennent de temps entemps, des Japonais, des familles avecleurs enfants, répond le conservateur du musée. Mais c'est surtout parce que l'office du tourisme se trouve dans le même bâtiment. Ils ne visitent le musée que rarement. Coup d'œil dans le livre d'or: il est deux heures de l'après-midi, trois visiteurs ont signé aujourd'hui ...

Volendam s'est fait connaître aux voyageurs durant le XIXe siècle. L'agence anglaise de voyages Cook, des peintres et des photographes découvraient ce village perdu, peu accessible autrement que par la mer car entouré de marais. On raconte que des peintres offraient des tableaux à leurs logeurs pour payer leur séjour. Ces peintures sont exposées aujourd'hui à l'hôtel Spaander - typique, lui aussi.

Pour perdre totalement la notion du temps — la collection de costumes et les scènes de genre exposées dans le musée désert contribuent déjà à cette ambiance intemporelle - une salle de cinéma diffuse en permanence des films de la vie de Volendam au début du siècle. Des images en noir et blanc passées en accéléré montrent des jeunes femmes qui saluent le départ d'un bateau, des enfants qui jouent sur le port ou des pêcheurs aux filets rebondis. Le voilà, le vrai passé, qu'aucune autre mise en scène ne saura jamais faire renaître!

texte extrait d'un quotidien suisse (1992)

En complément :  

Depuis 1932, date de l'inauguration de l'imposante Digue de fermeture qui boucle le nord des Pays-Bas, les Hollandais ont grignoté sur la mer quelque 20% de leur territoire. Par assèchements successifs, la création des fameux polders a ainsi permis d'accroître la surface de terres cultivables tout en évitant les indondations et autres raz-de-marée. Le génial architecte Cornelis Lely a réussi à vaincre la mer. Aujourd'hui, sur la grande digue, il scrute l'horizon. Statufié !.