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Le métro de Paris (article publié en 1963)
C'est le jour où il est devenu tout simplement le "métro" que le chemin de fer métropolitain achevait la conquête des Parisiens. Et pourtant rarement chose fut aussi critiquée ! C'est la course dans d'interminables couloirs, les escaliers à monter, puis à redescendre, le portillon automatique qui se ferme à votre nez, la foule, l'énorme cohue dans laquelle vous êtes absorbé, englouti, bousculé, compressé...
Les premiers projets.
En un siècle, de 1800 à 1900, la population des grandes villes françaises avait quadruplé, et Paris fut évidemment à l'avant-garde de ce phénomène. Pour mener une telle masse humaine vers les lieux de travail et pour la ramener chaque soir, il était devenu indispensable de créer des transports en commun ; ce furent tout d'abord les voitures à chevaux rehaussées de leurs célèbres "impériales", puis les omnibus, enfin les tramways électriques. Mais, très vite, ces moyens se révélèrent insuffisants : les quartiers les plus "ouvriers", et qu'il aurait donc fallu sillonner encore plus que les autres, étaient aussi les plus encombrés, possédaient les rues les plus étroites et les plus enchevêtrées. Il devenait indispensable d'en venir à la construction d'un "MÉTRO", tout comme devaient le faire les Anglais en 1863, avec le "Met" (métro à vapeur) de Londres et, en 1897, avec celui de Glasgow, les Américains en 1878 avec "l'Elevated" de New York, et en 1892, avec celui de Chicago, les Allemands, en 1882, avec le "Stadtbahn" de Berlin, les Hongrois, enfin, en 1896, avec celui de Budapest.
Deux solutions étaient possibles : la ligne aérienne et la ligne souterraine, deux solutions qui avaient autant de partisans que de farouches opposants. Le tracé aérien était le plus économique : pas de chantiers encombrants, pas de percements de tunnels, franchissement facile de la Seine; mais il présentait deux inconvénients sérieux : c'était, d'une part, le côté inesthétique d'une multitude de viaducs sillonnant les artères parisiennes (on tenta tout de même l'expérience pour un certain nombre de lignes aériennes) et, d'autre part, l'impossibilité d'une telle installation dans la plupart des rues trop étroites. Les Américains, du reste, démolirent une partie de leurs lignes aériennes pour les faire passer sous terre.
Le tracé souterrain semblait donc rallier les suffrages. Parmi les arguments à lui opposer, il y avait pour la traction à vapeur l'inconvénient des fumées et des gaz, mais surtout la crainte du souterrain froid et humide : on redoutait de voyager comme des taupes. Le premier projet fut déposé dès 1855 ; c'était celui d'un chemin de fer souterrain destiné à relier les Halles Centrales à la ligne de Petite Ceinture alors en construction, qui entourait Paris. Patronnées par le baron Haussmann, les études s'éternisèrent du fait de l'énorme prix de revient. Abandonnées pendans la guerre de 1870, elles furent reprises en 1871, en 1875, en 1880, mais sans résultat. En 1883, un conflit éclata entre la Ville de Paris et l'État à propos d'une demande de déclaration d'utilité publique : la Municipalité voulait l'autonomie en matière de transports. Ce n'est qu'en 1895 que la Ville l'emporta : Paris serait doté d'un chemin de fer métropolitain ; l'approche de l'Exposition de 1900 et l'exemple des villes étrangères avaient contribué à hâter la décision.
Paris, un immense chantier.
Sous la direction de l'ingénieur général des Ponts et Chaussées Bienvenue (le "Père du métro"), les travaux commencèrent le 4 octobre 1898 sur un programme de six lignes formant un réseau de 65 km. Le 19 juillet 1900, la ligne Porte de Vincennes-Porte Maillot (13 km de long) était inaugurée. L'écartement des voies prévu pour 1 m et le gabarit des voitures pour 1,90 m furent portés successivement à 1,44 m (écartement normal des voies) et à 2,40 m (le gabarit des trains est de 3,20 m). Contrairement à ce qui avait été fait à Londres, le souterrain fut construit au maximum à fleur du sol, offrant ainsi une construction plus économique, une plus grande facilité d'accès, tout en évitant l'affaissement des immeubles riverains. Le seul inconvénient était l'obligation de suivre le tracé accidenté et sinueux des rues et des avenues parisiennes.
Le succès de cette première ligne fut considérable : on enregistra 17 700 000 voyageurs pour les cinq mois de l'année 1900. Les Parisiens avaient pu apprécier la rapidité du métro et son prix réduit. Les premiers trains furent tout d'abord formés de trois voitures de 8 m de longueur, dont une automotrice équipée de deux moteurs électriques de 125 CV. La signalisation à bloc automatique adoptée permit la circulation des trains à trois minutes d'intervalle aux heures d'affluence. La vitesse commerciale, c'est-à-dire arrêts compris, était de 20 km à l'heure.
En 1903, une nouvelle compagnie d'exploitation fut créée, celle du NORD-SUD DE PARIS qui devait joindre Montmartre à Montparnasse et dont le matériel roulant fut différent de celui du reste du réseau (on peut encore aujourd'hui constater cette différence). Et, rapidement, le nombre des voyageurs transportés annuellement augmente dans d'énormes proportions; dès 1901, il atteint 56 millions; en 1920, il passe à 688 millions; il dépasse actuellement le milliard. En 1914, les six lignes prévues sont achevées, trois autres sont partiellement en exploitation. La guerre de 1914-1918 ralentit les travaux. De 1930 à 1934, 21 km de lignes nouvelles sont mis en service; enfin, en 1934, le métro franchit les limites de Paris pour venir déverser sa cargaison humaine au cœur même de certaines communes de banlieue.
Le 21 mars 1948, une loi confiait l'exploitation du métro à la RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (R. A. T. P.), qui devait entrer en fonctions le Ier janvier 1949.
Méthodes de tracé et difficultés.
Pour la construction du métro on fit appel, selon la nature du sol, le relief ou le tracé des rues, à différents procédés. En certains endroits, on se contenta d'ouvrir la rue, de poser la ligne, d'installer les stations, puis on a rebouché (voir notre photo construction de la station Gare de Lyon). Il fallut souvent dévier les égouts, les canalisations d'eau, de gaz et d'électricité. Dans la plupart des cas, on adopta la méthode des galeries boisées en usage dans les mines ; on creusait de place en place des puits par lesquels on évacuait les débris et que l'on réunissait par une galerie.
Mais le sous-sol de Paris, creusé depuis l'époque gallo-romaine pour la recherche de la fameuse pierre de taille (les catacombes actuelles) réservait bien des surprises aux ingénieurs. Les difficultés furent nombreuses et de toutes sortes : terrains imprégnés d'eau, carrières mal comblées, présence de la Seine, nécessité de prévoir de véritables nœuds de croisement...
L'un des chantiers les plus délicats fut celui de la PLACE DE L'OPÉRA ; le sous-sol y est de mauvaise qualité, car il est traversé par un ancien ruisseau qui allait se jeter dans la Seine : c'est la Grange-Batelière que l'on peut voir actuellement dans les caves de l'Opéra. Il fallut constituer un formidable bloc de maçonnerie que traversent trois lignes superposées et qui comprend en outre des galeries, des escaliers, des cages d'ascenseurs et tous les appareils de sécurité : c'est donc un véritable quartier souterrain enfermé dans un bloc de béton!
L'enchevêtrement des lignes en un même point a posé aussi des problèmes : c'est le cas de la PLACE DE LA RÉPUBLIQUE; cinq lignes s'y entrecroisent, s'y faufilent au milieu des couloirs de communication, des escaliers, des égouts, des conduites de toutes sortes. Ce gigantesque travail a été mené à bien en 1937, sans que soit arrêtée la circulation automobile!
Le relief parisien a été aussi une autre source de difficultés : certains points comme la Butte Montmartre, les hauteurs de Belleville et de Ménilmontant, les Buttes Chaumont sont à plus de cent mètres au-dessus du niveau de la Seine. Pour éviter les trop fortes pentes, difficiles à gravir, on a enterré le métro à de grandes profondeurs : le point du réseau le plus profond est à 63 m sur la ligne n° 12, entre "Abbesses" et "Lamarck",
Paris est bâti en grande partie sur une immense nappe d'eau souterraine, et les infiltrations qui se produisent continuellement atteignent 7 millions de mètres cubes par an. Pour épuiser cette eau et la refouler dans les égouts, il a fallu prévoir un système de drainage et installer 211 postes de pompage. Lors des terribles inondations de 1910, un certain nombre de lignes de métro furent totalement inondées.
Enfin, l'une des plus grosses difficultés est venue de la Seine, qui traverse Paris d'Est en Ouest. Le métro franchit huit fois le fleuve : trois fois sur un viaduc, les cinq autres à l'intérieur d'un tunnel. Du fait de la nature spongieuse du lit de la Seine, il fut impossible de creuser des galeries : on fabriqua donc un tunnel métallique qu'on immergea dans le fleuve, tronçon par tronçon. Chacun d'entre eux, d'une longueur de 40 m, était hermétiquement fermé à ses deux extrémités et muni d'un tube vertical qui dépassait le niveau de l'eau et servait de voie d'accès aux ouvriers. Une fois le tronçon posé au fond de la Seine, on creusait le lit du fleuve : les hommes travaillaient dans des chambres étanches, dans une atmosphère d'air comprimé (pour lutter contre les infiltrations d'eau) ; il leur fallait donc, à l'entrée et à la sortie, séjourner un moment dans une salle de compression ou de décompression progressives. Quand on avait enfoncé le caisson à un mètre au-dessous du lit de la Seine, on le reliait aux caissons précédents, puis l'ensemble était recouvert de terre. Ce travail fut particulièrement difficile et dangereux; on dut souvent faire appel à des scaphandriers.
Les stations proches du bord de la Seine ont la forme de caissons cylindriques dans lesquels viennent se brancher les deux extrémités du tunnel. C'est le cas de celle de la place Saint-Michel, que l'on voit en cours d'installation sur notre photo. L'énorme caisson métallique fut assemblé à la surface du sol (il avait 23 m de haut et atteignait la hauteur du troisième étage des maisons voisines), puis enfoncé peu à peu dans le sol à l'aide d'air comprimé. Le terrain était si gorgé d'eau qu'il fallut le congeler avant de pouvoir le travailler; deux usines frigorifiques furent donc utilisées.
Lignes et trafic.
Le métro actuel s'étend sur une longueur de 189 km de voies doubles, dont 20 km sont réservées à la ligne de Sceaux. On compte 37 km de voies aériennes. La ligne la plus longue est celle qui relie le PONT DE SÈVRES à la MAIRIE DE MONTREUIL (19,560 km) et la plus courte : PORTE DE VANVES-INVALIDES (4,610 km). La distance moyenne entre deux stations est de 521 m ; la plus longue interstation (Jussieu-Austerlitz) a 1 026 m, la plus courte (Gambetta-Martin Nadaud) a 226 m.
Le métro parisien transporte annuellement 1 milliard 200 millions de voyageurs, soit plus de 3 millions chaque jour (ce chiffre atteint près de 4 millions un jour ouvrable d'hiver). La ligne la plus fréquentée est la ligne n° 1 : VINCENNES-NEUILLY, avec 125 244 019 voyageurs entrants en 1961. La station qui connaît le plus gros trafic est Saint-Lazare, qui a reçu près de 32 millions de voyageurs en 1961. Il est désormais bien difficile d'augmenter encore ce rendement : en effet on ne peut plus jouer sur la largeur des voitures. Cependant on vient d'achever sur la ligne n° 1 les travaux d'allongement des quais (de 75 à 90 m), qui permettront de porter à six le nombre des voitures par train. On entreprend actuellement les mêmes travaux sur la ligne PORTE DE CLIGNANCOURT — PORTE D'ORLÉANS. Pour faciliter et hâter les montées et les descentes, les voitures du métro sur pneumatiques ont été équipées de portes plus larges. Notre métro est l'un des plus sûrs du monde, grâce à un système de signalisation automatique : les trains se succèdent à intervalles réguliers qui peuvent descendre à 1 mn 45 s aux heures de pointe, au lieu de 3 mn avant la première guerre.
La fourniture du courant.
La plus grande partie de l'énergie électrique nécessaire au fonctionnement du métro est fournie, sous forme de courant alternatif haute tension, par trois usines et deux postes de l'Electricité de France situés à SAINT-DENIS, IVRY, VITRY, BILLANCOURT et ARCUEIL. En 1961, il a été consommé 310 millions de kilowatt-heures. Le courant alternatif livré à 10 000 V est actuellement transformé en courant continu (600 V pour le réseau métropolitain ; 1 500 V pour la ligne de Sceaux) dans 32 sous-stations et 7 postes monogroupes.
L'alimentation en courant de traction se fait par troisième rail pour le réseau ferré métropolitain, par ligne aérienne caténaire pour la ligne de Sceaux, par barres de guidage latérales pour le réseau sur pneumatiques.
Les progrès réalisés dans le domaine de la commande à distance et dans la technique des moyens de transformation du courant alternatif en courant continu ont permis d'envisager un mode de distribution de l'énergie dont les caractéristiques essentielles sont exposées ci-après.
Le réseau du métropolitain sera alimenté par quatre postes de 60 000 V installés dans Paris : LAMARCK (en cours d'installation), PÈRE LACHAISE, DENFERT-ROCHEREAU, MONTTESSUY (installé), reliés chacun à la ceinture 60 000 V de la région parisienne par deux câbles branchés sur deux tronçons distincts de cette ceinture, et pouvant mutuellement se porter secours.
Les postes auront pour objet d'assurer :
— la transformation du courant de 60 000 V en courant de 15 000 V destiné :
a. aux 96 sous-stations qui alimentent uniquement la traction ;
b. aux transformateurs locaux qui pourvoient aux besoins secondaires (éclairage, signalisation, pompage...);
— la sécurité et la continuité de l'alimentation grâce à un jeu de connections de secours et à un groupe électrogène Diesel dont le démarrage est automatique.
Les projets.
Le 8 novembre 1956, la R. A. T. P. mettait en service sur la ligne n° 11 "Châtelet-Mairie des Lilas" un nouveau métro : le métro sur pneumatiques, plus rapide et plus silencieux. Elle procède actuellement à l'équipement, dans les mêmes conditions, de la ligne n° 1 VINCENNES-NEUILLY, la plus chargée. La transformation totale du réseau demandera beaucoup de temps, car les travaux de reconversion ne peuvent avoir lieu que pendant la nuit (de 1 h à 5 h du matin), pour ne pas gêner le trafic. Il est prévu que la ligne PORTE D'ORLÉANS-PORTE DE CLIGNANCOURT sera aménagée sur pneumatiques après la ligne n° 1.
L'effort de modernisation se porte donc vers des solutions hardies et nouvelles. Le 6 juillet 1961, on célébrait l'ouverture du premier chantier de la nouvelle ligne transversale Est-Ouest. Cette ligne, qui traversera Paris à 30 m de profondeur, permettra de joindre SAINT-GERMAIN-EN-LAYE à BOISSY-SAINT-LÉGER.
La création de ce "réseau express régional" répond à deux nécessités : d'une part décongestionner les lignes les plus chargées, d'autre part améliorer les liaisons du métropolitain avec le réseau périphérique d'autobus et les lignes de banlieue S. N. C. F., les gares Saint-Lazare et de Lyon frôlant la saturation. Par ailleurs, l'adoption récente du plan d'aménagement de la région parisienne, qui prévoit la création de grands centres périphériques de 100 000 habitants, ne permet plus de reculer.
La création du réseau Est-Ouest demandera dix ans de travaux pour 61 km de voies nouvelles et coûtera 2 milliards de francs. Le tracé sera en surface aux deux extrémités (lignes S. N. C. F.), souterrain sur le reste du parcours. Cinq correspondances avec l'actuel réseau sont prévues dans Paris; ce sont : ÉTOILE, AUBER, CHATELET, GARE DE LYON et NATION. Grâce à l'espacement des stations, la vitesse maximale des trains pourra atteindre 100 km à l'heure.
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métro sur pneumatiques
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Station République
1950 : LE METRO PARISIEN A 50 ANS
Le 19juillet 1900 était inauguré e la première ligne de métro, la ligne n°1 (Vincennes-Maillot). Depuis lors, le chemin de fer souterrain, dont l'ingénieur Bienvenüe fut le grand artisan, n'a cessé de développer son réseau : le cinq lignes envisagées à l'origine sont devenues 14, le kilométrage passé de 65 à 186.
Si son prix est monté de 0,15 à 20 francs (en seconde classe), le nombre des voyageurs transporté n'a cesé de croitre, dépassant le milliard par an. La station qui représente la plus belle réussite au point de vue forage est certainement République. La station schématisée ci-dessus montre l'extraordinaire enchevêtrement des orifices, couloirs, galeries, à la station où se croisent et "correspondent" cinq lignes : 3, 5, 8, 9 et 11, et qui figure parmi les gares les plus fréquentées avec 23 millions de voyageurs en 1949. Elle est d'ailleurs battue par "Saint Lazare" avec 43 millions.
3ème du clasement mondial au point de vue kilométrage (derrière Londres et New-York) le métro parisien est certainement le plus pratique avec ses 343 stations.
publié en 1950
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Serge Gainsbourg interpréte "Le Poinçonneur des Lilas" en 1958 - Bourvil dans le film "La Grosse Caisse" d'Alex Joffé (1965)
Poinçonneur, un métier disparu !
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