ACCUEIL | LE TOURISME | PARIS AU PASSÉ PRESTIGIEUX |
article d'Albert Mousset publié en 1951
PARIS AU PASSÉ PRESTIGIEUX
On fête cette année le second millénaire de Paris. Entendons-nous : il ne s’agit pas de la fondation de la cité, qui se perd, comme on disait autrefois, dans la nuit des temps. Il s’agit de son apparition à cet état civil de la vie des peuples qu’on appelle l’histoire écrite. Jules César nous en révèle à la fois la conquête et l’existence. Mais sa position en fait le type de ce que les géographes appellent les "capitales naturelles", un gîte d’étape, un relais de communication à la jonction de deux vallées.
La petite île de la Cité, cellule mère de l'agglomération urbaine, est exactement située sur la ligne qui va de la montagne Sainte-Geneviève au col de la Chapelle ; c’est le point de passage de la Loire vers le nord. Ainsi s’explique le choix de ce site par la petite tribu des Parisii pour y fixer son marché principal.
Le peuplement en avait commencé bien avant. On en trouve le témoignage dans les gisements paléolithiques, qui abondent dans le bassin parisien et que révèle la motte de graviers sur laquelle passe aujourd’hui la rue de Rennes, sans parler des dolmens et des cromlechs qui se voient encore dans les environs et dont, à Paris même, une rue au moins, la rue Pierre-Levée, atteste le souvenir.
C’est à la Seine que Paris doit sa vocation. Avant même la conquête romaine, les Gaulois en avaient fait une déesse : un des plus grands temples de la Gaule s’éleva aux sources du fleuve. Sur ses rives prédestinées s’est ordonnée progressivement toute la vie de la cité. Celle-ci lui doit l’unité de sa composition, qui fait que chaque anneau intérieur de la ville a la Seine pour diamètre.
Il n’y a guère de fleuve dont les eaux reflètent plus de monuments et charrient plus de souvenirs historiques que celui-là. Mais la physionomie du site parisien a singulièrement changé depuis les âges primitifs. Le fleuve actuel d’ailleurs n’est plus qu’une réduction de ce qu’il fut autrefois. La Seine s’attarda longtemps à l’intérieur de la courbe qui va de la Bastille à l’Alma par les Boulevards, le boulevard Haussmann, rue La Boétie. Les inondations de 1910, en envahissant les abords de la gare Saint-Lazare, rappelèrent aux Parisiens cette lointaine dérivation du fleuve, dont nous ne connaissons aujourd’hui que le bras qui, coupant au court, joignait les deux extrémités de cet arc.
Prédestination symbolique. Le sillon liquide reste la grande artère commerciale de la ville ; sur l’emplacement du bras enlisé s’allonge aujourd’hui la voie la plus animée de la capitale.
La Seine a vu passer tour à tour les barques des pêcheurs et des nautes, les bateaux à proue sculptée des envahisseurs normands, les flottilles chamarrées des fêtes royales, les chalands remorqués de l’âge de la vapeur. Les premiers peuplements de la cité se sont fixés sur ses rives : sur la rive gauche, au pied de la montagne Sainte-Geneviève ; sur la rive droite, alors envahie par les marais — dont un quartier a gardé le nom — autour du "monceau" que domine l’actuelle église Saint-Gervais et dont un nouvel aménagement, étudié par la commission du Vieux Paris, va recomposer le profil historique.
Majestueusement allongée au milieu du fleuve, la Cité, nef amirale remorquant l’île Saint-Louis, fut d’abord le réduit fortifié des habitants avant de devenir le foyer originel de leur vie politique et spirituelle. "Tu es heureuse, cité de Paris, s’écrie le moine carolingien Abbon, d’être placée dans une île : un fleuve te serre tendrement dans ses bras et circule tout autour de tes murailles, à ta droite comme à ta gauche ; des ponts qui s’étendent jusqu’aux rives sont fermés par des portes et des tours élevées."
aspect de Paris vers 1620
Descendre au fil du courant le fleuve dans sa traversée de la capitale, c’est passer par toutes les étapes qui ont jalonné l’ascension de cette obscure bourgade au rang de capitale où devait battre le cœur du monde et rayonner la primauté de l’esprit.
On a dit que la Seine était une infante au pont Saint-Louis, une reine à Chaillot, une grisette à Meudon... Les ponts qui avoisinent la Cité ont gardé leur nom, sinon leur profil médiéval. Le pont au Change nous rappelle le temps de Philippe le Bel, où les orfèvres changeurs y tenaient boutique. Il était bordé de maisons : c’était alors un moyen de charger le tablier et d’en accroître la stabilité. Une fois l’an, les édiles de la ville se réunissaient pour déjeuner en bateau sous une de ses arches à l’occasion de leur inspection des ponts et des quais.
Tout près de lui, le pont Notre-Dame passa longtemps pour l’un des plus beaux de France. Ce fut le premier qui reçut un nom. Ses soixante-cinq maisons en bois à vitraux colorés offrirent également le premier exemple d’un numérotage des rues parisiennes. Reconstruit par François I er , il devint la "voie triomphale" de la capitale. C’est par ce pont que firent leur entrée solennelle Charles-Quint, Henri II, Charles IX, Henri III; Henri IV y passa pour aller entendre le Te Deum à Notre-Dame. D’une de ses maisons Mme de Sévigné vit défiler le cortège qui conduisait au supplice la célèbre marquise de Brinvilliers, condamnée à mort pour avoir empoisonné son père, ses deux frères et sa sœur. Napoléon III le franchit au milieu d’une imposante escorte à l’occasion de son mariage.
Sur ce point du parcours de la Seine s’élevaient de nombreux moulins. On en comptait onze sur le pont aux Meuniers, aujourd’hui disparu. C’était une petite république dont l’accès était interdit aux passants. La chronique nous rapporte que les meuniers s’y délassaient gaillardement des fatigues de leur métier ; aussi disait-on d’une jeune fille dont la vertu avait subi des dommages qu’elle avait "passé le pont des Meuniers". De là viendrait l’expression populaire "jeter son bonnet par-dessus les moulins".
Mais le plus parisien — oserait-on dire le plus "français" ? — de tous les ponts de la capitale, c’est le Pont-Neuf. Et c’est aussi — en dépit de son nom — le plus vieux. Henri IV le traverse le premier en juin 1603. Il fait un objet d’orgueil pour les citadins et d’admiration pour les étrangers. Un contemporain nous en parle en ces termes : "Il y passe autant de monde un jour de fête qu’il y en a dans les meilleures villes, et l’on y voit plus de diversités, de folies et de choses plaisantes qu’on n’en saurait décrire."
Ces "choses plaisantes" étaient le spectacle permanent offert par les bateleurs, les marchands d’orviétan, chanteurs ou montreurs d’ours, de singes et de marionnettes. On trouvait sur le pont des vendeurs de "baume du Japon" ou élixir de beauté et des arracheurs de dents. L’un de ceux-ci était même doublé d’un philanthrope : à l’occasion de la naissance du dauphin, fils de Louis XV, il annonça qu’il arracherait quinze jours durant les dents gratis. La police l’empêcha de réaliser ce noble projet, par crainte d’une affluence excessive de patients.
La statue d’Henri IV qui en domine le terre-plein a été érigée sur l’ordre de Louis XIII; ce fut en France le premier hommage de ce genre rendu à un grand personnage. Le "cheval de bronze", comme on l’appelait alors, devint le rendez-vous des amoureux et des nouvellistes. A ses pieds se vendaient complaintes, gazettes et libelles. On y débita notamment les " mazarinades". Le cardinal Mazarin y était si peu populaire que, dans le pamphlet connu sous le nom de "Confession générale du cardinal", le prêtre ordonne à celui-ci, comme seule pénitence, de traverser le pont en clamant son nom à haute voix. Mazarin n’en fit rien ; on se contenta de le pendre en effigie sur le terre-plein. Ce fut un précédent : on y brûla de même — toujours en effigie — à la fin de l’ancien régime, les ministres Calonne, Brienne et Lamoignon.
La statue d’Henri IV a été abattue pendant la Révolution et refaite sous la Restauration avec le bronze provenant d’une statue de Napoléon. Détail fort peu connu : comme le sculpteur, Lemot, était bonapartiste, il enferma dans le bras du roi une petite statuette représentant l’Empereur. Elle y est toujours. Avec la statue, il ne reste comme souvenir de ce passé mouvementé que les mascarons qui rehaussent le tablier du pont : les uns souriants, les autres grimaçants, ils semblent exprimer les misères et les gloires, les terreurs et les espérances, les haines et les amours dont ils ont été témoins pendant des siècles. Avec son puissant arc surbaissé, sa décoration massive, ses pylônes, le pont Alexandre-III fait revivre l’époque qui fut l’apogée de la IIIe République. Il évoque l’alliance franco-russe et l’Exposition de 1900, un temps de prospérité économique, de foi dans l’avenir, de sentiment de sécurité. C’est le chef-d’œuvre de la construction métallique de la fin du xix e siècle, un peu gâté par le goût du colossal auquel ont sacrifié ses architectes. Il unit les deux quartiers de Paris les plus aérés : l’esplanade des Invalides, qui a gardé quelque chose de l’atmosphère provinciale, et le quartier des Champs-Élysées, la création la plus achevée de l’urbanisme parisien.
Le pont Mirabeau et le pont du Point-du-Jour nous acheminent vers la sortie de la capitale. Le nom de Point-du-Jour a rendu les étymologistes perplexes ; il se justifierait évidemment mieux à l’est qu’à l’ouest de la traversée parisienne du fleuve. Ce serait, dit-on, un vocable d’origine ligure qui, sous une déformation fantaisiste, rappellerait simplement l’existence d’un moulin...
La Seine coule à la sortie de la capitale dans un décor de verdure qui fut longtemps la classique promenade dominicale des Parisiens. A Meudon, la reine, devenue grisette, flâne entre les quais, d’où la poussée tentaculaire de l’industrie n’a pas réussi à faire disparaître les guinguettes et les bals populaires.
Ce qui frappe dans la topographie parisienne, c’est la vocation de certains sites, auxquels un destin mystérieux semble avoir fixé pour toujours les mêmes foyers de spiritualité ou les mêmes courants d’affaires. Et ces sites ont toujours la Seine pour axe ou pour décor. C’est ainsi que le siège du pouvoir pour l’ensemble du pays, établi par les Romains sur les bords du fleuve, ne s’en est jamais éloigné.
Les empereurs romains eurent leur résidence à la pointe occidentale de la Cité : ses substructions sont celles de l’actuelle Conciergerie. Julien y séjourna : c’est là que les légions révoltées lui offrirent le trône impérial. Il y installa le magistrat qui gouvernait Lutèce. Les rois mérovingiens s’y établirent tandis que leur famille continuait à habiter l’ancien palais de Julien. Le "concierge" était un personnage de haut rang : il recevait les solliciteurs et exerçait le droit de haute et basse justice ; c’est ainsi que l’édifice garda le nom de Conciergerie. Les Capétiens s’y maintinrent même après que Philippe Auguste eut fait construire le Louvre ; c’est de lui ou de saint Louis que datent les deux tours rondes dont la saillie conserve à cet ensemble un air de féodalité.
Les monuments anciens sont les palimpsestes de l’histoire : si la Sainte-Chapelle évoque le souvenir de saint Louis, la Conciergerie, pour le passant ou le touriste, rappelle beaucoup plus les soixante-quinze jours de la captivité de Marie-Antoinette que les siècles qu’y vécurent les premiers rois de France.
Le peuplement de la rive droite changea l’axe de la vie publique. Pour tenir en échec la turbulence des Parisiens, une forteresse s’éleva de l’autre côté de la Seine. Ce sera le Louvre, dont le caprice des temps a beaucoup plus modifié les traits féodaux que ceux du palais de la Cité. De Philippe Auguste il reste une grande salle voûtée d’ogives et des dégagements souterrains dont la destination n’a jamais été complètement éclaircie.
C’est avec François Ier que le Louvre prend l’aspect majestueux et rasséréné d’une résidence royale. Ce monument du plus pur style français a failli deux fois être italianisé. François Ier fit venir le Bolonais Serlio, puis, réflexion faite, lui préféra l’architecte français Lescot. Louis XIV appela le Napolitain Bernin, mais fixa son choix sur l’architecte physicien Claude Perrault. Il obéit en cela à l’intelligent souci de respecter les parties anciennes du monument. "C’est, lui avait dit Perrault, ruiner un tableau que de peindre un autre sujet sur la même toile."
Avec les Tuileries et la Grande Galerie, le Louvre constitua un ensemble dont les dimensions firent l’orgueil des Parisiens : trois fois l’étendue du Vatican et cinq fois celle de l’Escorial, qui avait été longtemps regardé comme le plus vaste édifice du monde. Par un étrange retour, des choses, la "turbulence" de la population, qui avait déterminé les Capétiens à construire le Louvre, en éloigna Louis XIV. En 1678 la cour se transporta à Versailles.
Après son départ le palais connut une destination qui devait, elle aussi, devenir une "permanence". L’Académie française y tint ses assises ; les artistes se logèrent dans la Grande Galerie, qui se transforma en une petite cité des arts. Ils y constituèrent une république un peu bruyante, animée par des scènes de ménage qui tournaient parfois au scandale. Mais c’était le rendez-vous des amateurs et des gens de goût ; ils y venaient admirer les œuvres de ces hôtes illustres qu’étaient François Boucher, les Coypel, Van Loo, Greuze, J. Vernet et cent autres. La tradition se maintint jusqu’à la Révolution ; c’est au Louvre que David présenta à la Convention son Marat expirant.
Depuis François Ier le palais abritait une collection de tableaux et de sculptures que ses successeurs enrichirent prodigieusement. C’est l’origine du musée : les œuvres ont fini par remplacer les artistes.
Aux Tuileries, dans le jardin desquelles Louis XIII chassait encore à courre, se rattachent le souvenir de Catherine de Médicis, qui en fit interrompre les travaux sur les conseils — croit-on — d’une diseuse de bonne aventure ; de Louis XV dans sa minorité ; de Louis XVI et de Louis-Philippe, qui y furent assiégés ; de Napoléon Ier , de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. Ce fut la résidence des souverains du XIXe siècle. Mais de tous ces fastes échelonnés sur trois siècles il ne reste pas trace. Les Tuileries disparues, le Louvre tend ses longs bras dans le vide, vers cet Occident dont la tradition veut qu’il exerce une attraction mystérieuse sur l’extension des sites urbains.
Retraversons la Seine pour y saluer un monument affecté, celui-là, à la souveraineté populaire : c’est le Palais-Bourbon, où nos parlementaires délibèrent dans un édifice dont la première ébauche fut l’hôtel construit pour une fille légitimée de Louis XIV. Un architecte du temps, Patte, y voyait le premier exemple d’un "art de se loger commodément et pour soi, d’une demeure à distribution agréable et non plus faite uniquement pour représenter".
Il ne reconnaîtrait plus la Chambre des députés, quatre fois réaménagée et étendue depuis qu’en 1795 le Conseil des Cinq Cents y fixa le lieu de ses séances. En refaire l’histoire serait retracer les annales si mouvementées de notre vie parlementaire. "Homines postrem a meminere", a dit Salluste : nous rappellerons seulement que le palais fut le siège des services de la Kommandatur et du Gross Paris sous l’occupation allemande et qu’il fut transformé en 1944 en véritable camp retranché, avec ses blockhaus et ses nids de mitrailleuses. Le 19 août il fut le centre d’une bataille de six jours qui se termina le 25 à 18 h. 45 par la reddition des assiégés aux troupes du général Leclerc.
L’Assemblée nationale de la IVe République lui a rendu sa destination légale.
Voici maintenant un palais qui ne fut "royal" que par occasion : c’est le ministère des Affaires étrangères. Sa topographie lui vaut d’être désigné couramment sous le vocable de Quai d’Orsay, ou même plus simplement "le Quai". Les plâtres n’en étaient point séchés lorsque s’y tint, en 1856, le Congrès de Paris, qui mit fin à la guerre de Crimée. Il a abrité les souverains hôtes de la France : Édouard VII et la reine Alexandra, George V et la reine Mary, George VI et la reine Elizabeth.
Suivons la voie royale du fleuve. Elle nous mène, non loin de là, à une autre résidence "souveraine" bien que tout à fait démocratique : le palais de l’Élysée. Le président de la République y vit dans un décor conçu pour les yeux de la Pompadour et qui date de la plus belle époque de l’art ornemental et du mobilier français. Des ombres illustres hantent cette fastueuse demeure. Voltaire y fit représenter sa tragédie l’Orphelin de la Chine. Murat y résida ; il l’appelait sa "maison de santé". Ce fut l’avant-dernière étape de la retraite de l’impératrice Joséphine après sa répudiation. Et par un retour fatidique du destin, ce fut aussi l’avant-dernière étape de Napoléon avant Sainte-Hélène ; il y signa sa seconde abdication. Napoléon III, quand il n’était que prince président, y prépara l’opération de police un peu rude qui devait le porter au trône. L’oncle était parti des Tuileries pour se réfugier à l’Élysée. Le neveu partit de l’Élysée pour s’installer aux Tuileries. L’histoire est faite de ces chassés-croisés...
C’est depuis 1873 la résidence du premier citoyen de la République.
Arrêterons-nous à l’Élysée cette énumération des demeures souveraines qui jalonnent le cours de la Seine? Il s’en fallut de peu que le plus fastueux palais de la capitale la dominât du haut du Trocadéro. Le Trocadéro est, après Montmartre et Belleville, la troisième colline de Paris. Elle a ses titres de noblesse. Catherine de Médicis la fréquenta et aussi cet ineffable maréchal de Bassompierre qui, avant de se laisser interner à la Bastille, brûla, dit-on, six mille lettres d’amour. Henriette d’Angleterre y fonda le couvent de la Visitation ; Bossuet y prononça la fameuse oraison funèbre de cette princesse. Et Louise de La Vallière s’y réfugia pour échapper aux assiduités de Louis XIV.
Ces souvenirs religieux ou galants n’eussent pas décidé du sort de ce site si Napoléon Ier , frappé de sa majesté, n’avait conçu, lors de la naissance de son fils, le projet d’élever sur les pentes de Chaillot "e plus vaste et le plus extraordinaire palais du monde" ; c’est l’expression même de ses architectes. Le projet ne reçut qu’un commencement d’exécution ; l’exil de l’Empereur arrêta les travaux. Il n’en reste d’autre trace que les 'rampes' et le modelé des jardins. Mais l’idée du palais survécut : elle nous a valu l’énorme édifice de style hispano-mauresque qu’ont connu les vieux Parisiens et qui fut le "clou" de l’exposition de 1878, réédifié dans un style plus sobre à l’occasion de l’exposition de 1937.
On retrouve la même loi de permanence dans les sites de la capitale où se fixa le foyer de sa vie religieuse.
Notre-Dame est la cinquième ou peut-être la sixième reconstruction d’un temple sur le même emplacement, à l’extrémité orientale de l'île de la Cité. On a retrouvé dans ses abords ou ses substructions les vestiges d’un temple gallo-romain, puis d’une église chrétienne du IVe siècle, d’un sanctuaire dédié a Notre-Dame, édifié au Ve siècle et rebâti au IXe . Commencée en 1163, la cathédrale actuelle n’a pris l’aspect que nous lui connaissons qu’au XIVe siècle.
"Si les piliers avaient une voix, a écrit Viollet-le-Duc, auquel nous devons la restauration de la cathédrale, ils raconteraient toute notre histoire depuis Philippe Auguste." Mariages royaux, baptêmes, obsèques, serments et vœux solennels, apologies et anathèmes, fêtes populaires, toutes les manifestations extérieures de l’âme d’un peuple ont eu leur retentissement sous ces immenses voûtes. On y pria pour les rois de France défunts comme pour les émeutiers tombés à l’assaut de la Bastille. Notre-Dame a vu passer les papes, les rois, les empereurs. Saint Louis y apporta la couronne d’épines, Bossuet y prêcha, Napoléon s’y fit sacrer. Un "Te Deum" y a célébré toutes les victoires françaises, depuis la bataille de Mons-en-Pévêle, en 1304, jusqu’à la Libération de Paris, le 26 août 1944 : ce jour-là le général de Gaulle passa en revue, devant le porche, les défenseurs de la capitale.
Si la cathédrale supporte mal la comparaison avec Chartres, Reims ou Amiens, on peut en revanche dire qu’il n’est peut-être pas au monde d’édifice plus harmonieusement assorti au paysage qu’il domine. On ne conçoit pas Notre-Dame hors de ce site ; on ne conçoit pas davantage ce site sans la basilique, dont la façade, éclairée les jours de fête par des faisceaux de projecteurs, offre une vision vraiment féerique.
Notre-Dame est la pensée d’un peuple ; la Sainte-Chapelle est celle d’un roi. Construite d’un seul jet en l’espace de deux ans, elle incarne le mysticisme subtil et fervent de saint Louis. Quand elle fut achevée, elle parut aux contemporains si légère, si aérienne qu’ils croyaient la voir trembler lorsque, pour les grandes solennités, on sonnait ses sept cloches à toute volée.
C est une châsse de pierre, destinée à abriter les reliques de la Croix, que le roi lui-même montrait au peuple le vendredi saint. Dans sa partie haute, éblouissante de lumière, ses verrières bleues et vertes vers le nord, pourpre et or au midi, font une symphonie qui varie selon les heures du jour. "Un monde de poésie et de religion, tout un Orient chrétien est dans ces vitraux", disait Michelet. S
aint-Germain-des-Prés occupe l’emplacement d’une basilique fondée au VIe siècle par un fils de Clovis qui avait rapporté d’Espagne la tunique de saint Vincent. Ce fut jusqu’au VIIIe siècle le tombeau des rois mérovingiens. L’évêque de Paris, saint Germain, y fut enterré ; on prit dès lors l’habitude de donner son nom à l’abbaye.
Ainsi ce quartier, qui a pris dans le monde parisien des lettres et des arts une popularité toute récente, s étend à l’ombre d’un clocher qui est le plus vieux de la capitale, voire l’un des plus vieux de toute la France, puisque sa reconstruction est antérieure à l’an 1014. Et il n’est pas inutile de rappeler que l’abbaye, qui avait adopté dès le VIIe siècle la règle bénédictine, fut un des foyers intellectuels les plus rayonnants de l’Europe. La somme d’érudition qui s’y dépensa a valu à la science historique des apports dans lesquels elle n’a jamais cessé de puiser.
Si l’on passe de la vie religieuse à la vie universitaire ou estudiantine, on retrouve encore d’étonnantes permanences topographiques. Le nom du Quartier Latin perpétue une suggestive équivoque : ce n’est pas, comme on le croit communément, le foyer parisien de la culture classique qu’il désigne, mais le siège de l'occupation romaine. On l’appelait avant la Révolution "le pays latin". Il a tenu dans la littérature du XIXe siècle une place importante grâce à Murger, à Béranger et à bien d’autres, qui ont peuplé ce quartier d’une bohème galante et désœuvrée dont il ne reste aujourd’hui que le souvenir. Originellement, le centre parisien des études était le cloître Notre-Dame : il dépendait de l’évêque. Mais les maîtres libres constituèrent une association de professeurs et d’étudiants (c’est le sens originel du mot "université") et secouèrent la tutelle épiscopale. Ils franchirent la Seine et allèrent s’établir sur la rive gauche : cet exode était terminé au temps de saint Louis. L’enseignement se donnait sous une forme toute différente de celle que nous lui connaissons aujourd’hui : le maître endoctrinait ses élèves d’une fenêtre ou d’un tertre dans le coin d’une rue. Ses auditeurs s’asseyaient sur la paille pour prendre les leçons : cette paille (fenum) a laissé son nom à la rue du Fouarre.
Hésiter entre les deux rives du fleuve, ce fut aussi le sort de l’Académie française, que la Monarchie avait installée au Louvre et que le Premier Empire transféra, avec tout l’Institut, au palais Mazarin, ancien collège des Quatre-Nations, nom qui rappelait que le cardinal l’avait créé pour les boursiers des quatre provinces rattachées à la France par le traité des Pyrénées.
Paris ! De ses collines sacrées — Montmartre, le Panthéon, Chaillot — on embrasse l’émouvante diversité de ses aspects.
Mais c’est au bord de la Seine qu’on entend battre son cœur.
_____________________________________________
rue Saint Honoré (photo publiée en 1939)
vue aérienne de la Foire de Paris
_____________________________________________
Les 20 arrondissements de Paris (document de 1927)
on remarquera que la numération part du centre et se poursuit en spirale dans le sens des aiguilles d'une montre (ligne en pointillés)
_____________________________________________
Les Aventures de Pouf et Miette : Pouf et Miette à Paris- publié en 1951
(bien sûr les numéros des cases du jeu ne correspondent pas aux numéros des arrondissements)
_____________________________________________
HISTOIRE DE PARIS
Les enceintes successives de Paris
1. IIIe siècle: après la destruction de la ville gallo-romaine établie sur la rive gauche, Paris se réduit de nouveau aux limites de la Lutèce gauloise : l'île de la Cité.
2. Philippe-Auguste donne à la ville sa première enceinte fortifiée.
3. La ville s'étant considérablement étendue sur la rive droite, Charles V la dote d'une seconde enceinte.
4. Louis XIII élargit vers l'ouest l'enceinte de Charles V.
5. Sous Louis XVI, le mur établi par les fermiers généraux pour assurer une meilleure perception des taxes d'octroi marque une nouvelle extension de la ville à la veille des bouleversements révolutionnaires.
6. De 1840 à 1845, Thiers entoure Paris de fortifications
_____________________________________________
ACCUEIL | LE TOURISME | PARIS AU PASSÉ PRESTIGIEUX |
bachybouzouk.free.fr