| ACCUEIL | LE TOURISME | LE MONT SAINT-MICHEL |


En 709, sous le règne de Childebert II, saint Aubert, qui avait fait construire des cellules pour les ermites qui formaient un monastère dans la forêt de Sciscy, fut averti par Saint Michel, dans plusieurs visions, de dédier le mont voisin des ermitages à cet archange et d'élever en cet honneur une église sur la partie supérieure du rocher. Comme le saint évêque, effrayé par la hauteur et l'escarpement du mont, tardait à obéir, saint Michel lui apparut une fois encore, lui posa le doigt sur la tempe gauche, si fort qu'il lui fit une ouverture dans le crâne et lui dit : "Revêts-toi de tes ornements sacrés, monte sur le sommet du rocher, suivi de tes frères et du plus jeune enfant, nommé Bain, habitant de la rive voisine. Prends dans tes bras cet enfant, fais lui poser le pied sur la cime du rocher et il s'écroulera, laissant à découvert la place où tu bâtiras ton eglise.
L'évéque n'hésita plus. Il fit voir aux religieux l'ouverture faite à sa tempe par le doigt de l'archange, l'ordre d'en Haut fut exécuté et la prédiction accomplie. Tandis qu'il jetait les fondements de sa première église, saint Aubert envoya, toujours d'après les ordres de l'archange, trois clercs de son église d'Avranches pour rapporter du mont Saint-Ange, sur l'Adriatique, un morceau du tapis et de la table de marbre sur lesquels l'archange s'était posé lors d'une apparition en ces lieux. Les clercs mirent plus d'une année à faire leur voyage. Les chanoines du mont Saint-Ange, à leur requête, leur remirent des fragments des reliques demandées, puis ils revinrent en Normandie.
Comme ils approchaient du mont Saint-Michel, une vieille femme aveugle, étant sortie de sa maison par dévotion pour les suivre, recouvra la vue. D'où est venu au bourg d'Austry, où cela se passait, le nom de Beauvoir.
En arrivant près du mont, ils demeurèrent stupéfaits, lorsqu'ils virent toute la campagne, entre le pied de la colline de Beauvoir et le mont, convertie en une vaste grève, battue par les flots, au milieu desquels s'élevait la nouvelle église.
C'est cette première église, bien modeste encore, qui perpétuellement refaite, modifiée et embellie, fut achevée au XIII* siècle et demeure un des plus beaux joyaux de la France.

________________________________________________
Le Mont-Sainf-Michel
Il est généralement admis que le Mont-Saint-Michel est "un pur joyau", un de ces joyaux dont la France s'enorgueillit à juste titre et qui - n'étaient leurs dimensions — devraient être conservés soigneusement sous verre ou dans un écrin.
Borne-frontière entre la Normandie et la Bretagne, la vieille abbaye fondée au VIIIe siècle par saint Aubert s'élève au milieu des sables mouvants sur une petite colline granitique. On y accède facilement. Le temps n'est plus où, aux heures de marée haute, les modestes palaches de Pontorson ne pouvaient atteindre la porte Bavole qu'en roulant dans deux pieds d'eau.
Le Mont-Saint-Michel a changé plusieurs fois de destination. Il a été tour à tour monastère, forteresse, prison d'Etat, Aujourd hui comme hier, il dresse devant les yeux du touriste babifié un décor d'ensemble parfaitement réussi : remparts et portes fortifiées, châtelets et bastillons, contrescarpes, barbacanes, échauguettes, poivrières, mâchicoulis, créneaux, salles de garde et chemins de ronde, oubliettes et culs de basse-fosse, rien ne manque ici de ce qui peut charmer et retenir le visiteur. Un des bâtiments présente le plus bel exemple que nous possédions dans notre pays de l'art à la fois monastique et guerrier du Moyen Age. On l'appelle simplement : la Merveille.
Hâtons-nous d'ajouter que le Mont-Saint-Michel possède une seconde merveille : c'est l'omelette de ses restaurants. Cette omelette, idéalement baveuse, a rendu immortel le nom trois fois vénéré de sa créatrice, la feue mère Poulard.
Nous n'ignorons pas que le premier devoir du voyageur à son arrivée au Mont-Saint-Michel est de déguster une forte omelette accompagnée d'une non moins forte langouste et de quelques côtes de pré-salé. A ce devoir, nous ne faillirons pas. Après quoi, nous gravirons le plus allègrement possible les 163 marches qui conduisent à ta porte de l'abbaye, nous prendrons notre ticket d'entrée au vestiaire. et nous suivrons le guide.
Les gardiens de l'abbaye ne sont plus ce qu'ils étaient autrefois. Récemment encore, mon spirituel confrère Robert Francheville déplorait la parfaite érudition de ces fonctionnaires qui parlent comme des professeurs, ."citent des dates précises. des chiffres irréfutables", leur boniment est fort instructif mais sans imprévu.
Où est-il le bon vieux temps où un de leurs prédécesseurs expliquait magistralement à sa tournée de touristes :
- Dans l'antiquité préhistorique du Moyen Age, sous Charles IX ou Charles X, les provisions et denrées alimentaires ou autres, destinées à la nutrition de l'abbaye étaient montées de bas en haut au moyen d'un chariot roulant, comme qui dirait un funiculaire mérovingien, attaché par une grosse ficelle qui venait s'enrouler sur le tambour de cette roue circulaire que vous voyez là sans la voir positivement, car ce n'est plus la rnême (celle-ci est toute neuve, elle a été posée en 1844)... laquelle roue était alors induite en rotation, à la force des bras par des individus ou autres quadrupèdes, marchant à l'intérieur comme des écureuils en cage, dernier vestige de la féodalité abolie par Napoléon 1er à la, demande générale, etc., etc."

LES ANCIENNES VOITURES DU MONT-SAINT-MICHEL
Une.visite complète de l'abbaye procure au touriste consciencieux des émotions extrêmement variées. Après être monté sur le faite pour goûter, en passant par l'escalier de dentelle, quelques bonnes minutes de vertige, le touriste consciencieux aspire à descendre pour savourer dans la nuit des souterrains, quelques instants d'épouvante. Les souvenirs historiques qu'évoquent le Petit Exil, le Grand Exil, le Cachot du diable, sont à faire dresser les cheveux sur la tête. C'est pourquoi, à toute personne qui voudrait pénétrer dans cet enfer, je conseillerai instamment, sinon de se couvrir la poitrine d'un triple airain, du moins de se couvrir la chevelure d'une triple couche de gomme.
C'est au fond de la prison du sud, dans un couloir appelé — par, ironie sans doute — la Promenade, que se trouvait autrefois la cage universellement connue Sous le nom de Cage de fer. En tant que cage de fer, elle présentait cette particularité assez curieuse d'être entièrement construite en bois.
Devons-nous croire tout ce qu'a conté à son sujet Mme de Genlis ? Troublante énigme. Mme de Genlis, gouvernante des enfants de Philippe Egalité, duc d'Orléans, a visité avec eux le Mont-Saint-Michel, 'en 1777.
Elle dit dans ses Mémoire : "Je questionnai les religieux sur la fameuse cage de fer. Ils m'apprirent qu'elle n'était point de fer mais de bois, étant formée de bûches laissant entre elles des intervalles à jour de la largeur de trois à quatre doigts. Il y avait quinze ans qu'on n'y avait mis des prisonniers à demeure ; car on y en mettait assez souvent (quand ils étaient méchants, me dit-on), pour vingt-quatre heures ou deux jours, bien que ce lieu fût hoiriblement humide... Alors, Mademoiselle et ses frères se sont écriés qu'ils auraient une joie extrême de la voir détruire. A ces mots, le prieur nous dit qu'il était le maître de l'anéantir, parce que le comte d'Artois ayant passé quelques jours avant nous au Mont-Saint-Michel en avait positivement ordonné la démolition. .
... Pour y arriver on était obligé de traverser des souterrains si obscurs qu'il y fallait des flambeaux; et après avoir descendu beaucoup d'escaliers, on parvenait à cette affreuse cave où était l'abominable cave... Monsieur le duc de Chartres (qui fut depuis le roi Louis Philippe) avec une force au-dessus de son âge donna le premier coup de hache. Je n'ai rien vu de plus attendrissant que les transports et les acclamations des prisonniers pendant cette exécution. Au milieu de ce tumulte, je fus frappée de la figure consternée du suisse du château qui considérait ce spectacle avec le plus grand chagrin. Je fis part de ma remarque au prieur qui me dit que cet homme regrettait cette cage parce qu'il la faisait voir aux étrangers. Monsieur le duc de Chartres donna dix louis à ce suisse en lui disant qu'au lieu de montrer à l avenir cette cage aux voyageurs, il leur montrerait la place qu'elle occupait.
Voilà ce qu'a écrit en toutes lettres celte femme de cœur, doublée d'une femme de méninges qu'était Madame de Genlis.
Il est curieux de songer qu'en l'an de grâce 1777 le futur roi-citoyen avait tout juste quatre ans. Comment ne pas admirer la précocité physique et morale de cet étonnant bébé qui maniait avec aisance une lourde hache de charpentier et n'hésitait pas à distraire de son argent de poche la somme de dix louis pour les donner — avec un judicieux conseil — à un pauvre suisse dans l'aflliction ?
Il est également curieux de songer que lorsque le peuple de Paris démolit la Bastille, "emblème de l'esclavage et bastion de la tyrannie", il répéta, somme toute, le geste symbolique accompli douze ans plus tôt par le très jeune Louis-Philippe.
texte et dessins de H. Avelot publiés en 1934

LE DÉFILÉ DES OMELETTES - L'ESCALIER DE DENTELLE
________________________________________________


________________________________________________

________________________________________________
Une baie démesurée s'étendait devant moi, à perte de vue, entre deux côtes écartées se perdant au loin dans les brumes; et au milieu de cette immense baie jaune, sous un ciel d'or et de clarté, s'élevait sombre et pointu un mont étrange, au milieu des sables. Le soleil venait de disparaître, et sur l'horizon encore flamboyant se dessinait le profil de ce fantastique rocher qui porte sur son sommet un fantastique monument.
Dès l'aurore, j'allai vers lui. La mer était basse, comme la veille au soir, et je regardais se dresser devant moi, à mesure que j'approchais d'elle, la surprenante abbaye. Après plusieurs heures de marche, j'atteignis l'énorme bloc de pierre qui porte la petite cité dominée par !a grande église. Ayant gravi la rue étroite et rapide, j'entrai dans la plus admirable demeure gothique construite pour Dieu sur la terre, vaste comme une ville, pleine de salles basses écrasées sous des voûtes et de hautes galeries que soutiennent de frêles colonnes, j'entrai dans ce gigantesque bijou de granit, aussi léger qu'une dentelle, couvert de tours, de sveltes clochetons, où montent des escaliers tordus, et qui lancent dans le ciel bleu des jours, dans le ciel noir des nuits, leurs têtes bizarres hérissées de chimères, de diables, de bêtes fantastiques, de fleurs monstrueuses.
Goy die Maupassant - Le Horla
________________________________________________
| ACCUEIL | LE TOURISME | LE MONT SAINT-MICHEL |
bachybouzouk.free.fr