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1964 – La Tour Eiffeil fêtait ses 75 ans. Elle répondait alors à l’interview du journal Tintin.


La bergère des nuages a courbé vers nous sa longue silhouette et s’est livrée à quelques confidences :
- Alors, Madame la Tour, comment vous portez-vous ?
- Merveilleusement bien. De temps en temps, on me change quelques boulons, et on me repeint tous les sept ans. A part cela, ma vie est sans histoire.
- Vous défiez les années avec un tel cœur qu’on vous imagine déjà centenaire !
- Centenaire ?... Pourquoi pas immortelle ?... J’ai une santé de fer. J’enterrerai les enfants de vos arrière-petits-enfants. !...
- Tout le monde admire votre robuste constitution. A quoi l’attribuez-vous ?
- A ceci : mon père, Gustave Eiffel, fut vraiment le génie de la poutre métallique. Il connaissait très bien le fer, mais assez mal l’acier. Alors, plein de bon sens, il décidé : "Faisons donc du fer !" Savez-vous que mes quatre pieds se trouvent rigoureusement placés aux quatre points cardinaux ?... Mes piliers Est et Sud reposent sur une couche de béton de deux mètres d’épaisseur. Pour les deux piles côté Seine, il a fallu creuser jusqu’à quinze mètres de profondeur. Aussi voyez le résultat ! Même lors des grandes inondations de 1910, je n’ai jamais accusé le moindre fléchissement.

- Parlez-nous un peu de votre enfance…
- Le moins qu’on puisse dire est qu’elle fut difficile. Ah ! là là, j’en ai soulevé des protestations, j’en ai suscité des polémiques !... Si vous saviez toutes les sottises qu’on a pu écrire sur mon compte. Pensez qu’un monsieur sérieux comme Léon Bloy eut l’audace de me comparer à un "lampadaire tragique". Pour Giraudoux, je ressemblais à une "superbe chaussette". Je ne sais plus qui osa dire que j’étais "vieille et réparée comme un bateau". S’il avait dit un phare, à la rigueur… Quant à ce ridicule M. de Maupassant, il déclara qu’il était contre "un squelette disgracieux, un ridicule profil de cheminée d’usine". Vous voyez le ton et j’en passe. Bref en dépit de cette levée de boucliers," l’odieuse colonne boulonnée "que j’étais fut bel et bien édifiée.
- Combien de temps cela  demanda-t-il ?
- Pour me construire, m’équiper et m’aménager, il fallut 2 ans, 2 mois et 2 jours.
- Quelle mémoire !...
- A propos de ma prétendue laideur, laissez-moi vous dire que les Parisiens l’ont échappé belle. Aujourd’hui, tout le monde m’a adoptée. Plus personne ne parle de" la monstrueuse tour". Entre nous, il en aurait été autrement si l’on avait choisi quelques-uns des 700 projets présentés en 1886. Figurez-vous qu’il y a avait parmi eux une "tour-parapluie" qu’on aurait pu déployer pendant les averses et une "tour-arrosoir" qui aurait permis de rafraichir Paris les étés de canicule !... Tout ça n’était pas sérieux. Mon père l’emporta de peu ! Et c’est ainsi que je vis le jour pour célébrer le centenaire de la Révolution de 1789.

- Quelle fut l’attitude des Parisiens pendant votre croissance ?
- Une fois admis le principe de la Tour, tous suivirent son développement avec beaucoup de sympathie. J’ai grandi sous les regards curieux des badauds qui, chaque jour, venaient voir si je n’allais pas m’effondrer comme l’avaient prédit certains ingénieurs. Chez les riverains du Champ de mars, ce fut même la panique, car on avait prévu que je m’écroulerais au-dessus de 200 mètres. Mon père, lui, ne s’inquiétait pas de ma taille. Il se souciait plutôt des bourrasques qui auraient pu m’ébranler. Or, c’est le contraire qui se produisit : Ma fille est nourrie par le vent, disait-il. Et, aujourd’hui mon, personnel dit familièrement : Le vent cale la Tour.

- Est-il exact que votre tête vacille parfois dans les nuages ?
- C’est surtout le soleil qui agit, du fait de la dilatation provoquée par sa chaleur. Il peut déplacer mon sommet de quelque 18 centimètres ! Lorsque la température atteint 25°, je grandis de 5 à 6 cm. Sous l’impulsion des vents violents, j’oscille jusqu’à 12 cm. Mais cette valse est si légère que, d’en bas, personne ne s’en aperçoit.
- Quel souvenir avez-vous gardé de votre père ?

- Un souvenir fait de respect et d’admiration. Quel homme oserait faire aujourd’hui ce qu’il a fait hier ? Gustave Eiffel naquit le 15 décembre 1832 à Dijon, où s’était retiré son père, un ancien soldat de Napoléon. Il rata de justesse Polytechnique, mais fut admis à l’Ecole Centrale. Il s’était déjà signalé  dans la construction de grands ouvrages – ponts, viaducs, usines et même églises (Notre-Dame-des Champs, et autres) – avant de se passionner pour sa tour. En un mot, c’était un virtuose dans l’art de placer les piles, et n’oubliez pas qu’il a créé l’aérodynamique !

- Quels furent les plus beaux moments de votre carrière ?
- D’abord le 31 mars 1889, jour où mon père hissa à mon sommet le drapeau tricolore. J’aimais aussi l’époque où, du haut de la deuxième plate-forme, un coup de canon annonçait la fin des visites. Et puis celle de Monsieur Citroën étala son nom sur mes poutrelles. J’ai également connu de grandes heures, lors des expositions de 1925, 1931 et 1937. Et ce n’est pas sans fierté que j’ai pu rendre service à l’aviation, à la radio, la télévision  et à la météo.
- Etes-vous toujours le plus haut sommet du monde ?
- Hélas ! J’ai été coiffée de peu, en 1931, par l’Empire State building de New York. Un bloc de 378 mètres. Ça m’a porté un coup, vous savez. Mais je me suis consolée le jour où les Anglais essayèrent à leur tour – c’est le cas de le dire – de faire mieux. Ils abandonnèrent vite leur projet.

 

Adapté de l’interview recueillie par S. E. Peumery publiée dans le  journal Tintin - 1964

 

TOUR EIFFEL

 

au centre ci-dessus : L'inauguration en 1889
au centre ci-dessous : La construction de la base de soutènement d’un pilier

 

 

 

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Alors que la Tour Eiffel fête ses 120 ans cette année, une exposition parisienne* rappelle que l’inventeur du monument le plus visité au monde est un ingénieur helvétique, Maurice Kœchlin. C’est lui qui a conçu le «Pylône de 300 m de hauteur», projet que son patron, Gustave Eiffel, s’est approprié par la suite. Sans que le Suisse ne lui en garde rigueur...

 

La Tour Eiffel, des origines suisses? Au vu de la dimension symbolique qu’a ce monument pour la France, ce serait presque de mauvais goût que de le prétendre... Et pourtant: les connexions helvétiques existent, puisque c’est bel et bien l’ingénieur "franco-suisse" Maurice Koechlin qui fut le concepteur de cette géante de poutrelles et de rivets.

 

Né à Buhl, en Alsace, en 1856, Maurice Koechlin se maria à la Suissesse Emma Rossier en 1886 à Vevey, eut six enfants de cette dame, et mourut en 1946 à Veytaux, à côté de Montreux. Maurice Koechlin avait fait ses études au lycée de Mulhouse, puis au Poly de Zurich. A titre professionnel, il travailla d’abord pour la Compagnie des chemins de fer de l’Est, puis dès 1879, auprès de l’entreprise de constructions métalliques et de travaux publics fondée par Gustave Eiffel en 1868, entreprise dont il devint le chef du bureau d’études.

 

A Levallois-Perret, siège de l’entreprise, Maurice Koechlin va travailler à de nombreux projets. Le viaduc métallique de Garabit, dans le Cantal. Ou la statue de la Liberté. Quoi, celle de New York? Oui... c’est lui qui va dessiner l’armature métallique de l’œuvre conçue par Frédéric Auguste Bartholdi, "La Liberté éclairant le monde". Et puis, un jour, il va s’attaquer à un drôle de pylône... 1884. La décision a été prise: c’est Paris qui accueillera l’Exposition universelle de 1889. Maurice Koechlin et son collègue Emile Nouguier réfléchissent à la construction d’une immense tour métallique visant à "donner de l’attrait à l’Exposition". Un avant-projet est alors soumis au patron, Gustave Eiffel, qui ne se montre pas très chaud. Celui-ci autorise néanmoins ses deux ingénieurs à poursuivre leur étude. Ce qu’ils s’empressent de faire.

 

Un premier plan est réalisé en juin 1884. Le pylône en question ne brillant pas par son élégance, c’est l’architecte en chef des projets de l’entreprise, Stephen Sauvestre, qui lui apportera l’esthétique qu’on lui connaît aujourd’hui. Gustave Eiffel va alors changer d’attitude... et s’approprier le projet. Il dépose une demande de brevet d’invention intitulé "Brevet pour une disposition nouvelle permettant de construire des piles et des pylônes métalliques d’une hauteur pouvant dépasser 300 mètres". Et passe, avec ses deux ingénieurs, un contrat qui lui assure la propriété exclusive du projet. En contrepartie, Gustave Eiffel prend à sa charge les frais entraînés par le brevet et s’engage – si la tour est réalisée, même avec des modifications – à verser à chacun d’eux une "prime" de 1% des sommes qui "lui seront payées pour les diverses parties de la construction".

 

Un concours en vue de L’Exposition universelle est lancé en 1886. Et le 8 janvier 1887, Eugène Poubelle, préfet de la Seine, peut confier officiellement à Gustave Eiffel le projet d’une tour de fer de 300 mètres de hauteur, qui durera le temps de l’Exposition universelle, du 6 mai au 31 octobre 1889. Un provisoire qui, au vu du succès de l’édifice et de la solidité de sa construction, a duré. Malgré ses détracteurs. En 1887 déjà, une "pétition des artistes" – parmi lesquels Guy de Maupassant, Charles Garnier ou Charles Gounod – criait au scandale.

 

Aujourd’hui, la Tour Eiffel est le monument payant le plus visité au monde. Elle a battu un nouveau record de fréquentation en 2008 avec 6 930 000 visiteurs. Et un certain nombre d’événements marquent l’anniversaire de ses 120 ans. Il semblerait que Maurice Koechlin, qui prit la succession de Gustave Eiffel en 1893 à la tête de la "Compagnie des établissements Eiffel", n’ait pas tenu rigueur à son patron de s’être approprié le projet. Cité sur le site koechlin.net, il déclara, beau joueur, à propos de son patron: "Il fit tout le nécessaire, avec la persévé"rance qui le caractérisait, pour faire adopter le projet et le réaliser".

 

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* du 15 mai 2009 au 31 décembre 2009, exposition "L’Épopée Tour Eiffel"

 

 

article publié en 2009 (dans un quotidien suisse)

 

 

Gustave Eiffel et Maurice Kœchlin

 

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publicité de 1951

 

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Photo extraite du film "Eiffel" de Martin Bourboulon avec Romain Duris, Emma Mackey, sorti en 2021

 

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