Une autoroute reliera peut-être Bruxelles, Lille, Paris et Madrid. Objectif lointain ! La première section a cependant été inaugurée. Cette autoroute, construite après celles de l'Ouest et de l'Est à Paris, celle de Marseille et de la Belle Rocade qui dessert Lyon est la cinquième dont s'enrichit notre réseau routier.

M. Chaban-Delmas, ministre des Transports après avoir coupé le ruban tricolore qui barrait la voie nouvelle, se contenta donc d'aller jusqu'à Carvin, 18 km 500, localité où se termine pour l'instant l'autoroute du Nord.
Il faut, pour se rendre compte de l'utilité de cet ouvrage, avoir parcouru le trajet inverse Carvin-Lille par la Nationale 5. Celle-ci, mal pavée, compliquée à l'excès de virages et de carrefours, s'étrangle dans les agglomérations industrielles et ne supporte pas la comparaison. Or, chaque jour, 6200 automobilistes l'empruntent !

Il faudra tout de même que les usagers attendent le 15 novembre pour rouler sur cette première section. Depuis le boulevard de ceinture de Lille, l'autoroute se rattache à la Nationale 25, après avoir été raccordée d'abord à l'aérodrome de Lesquin, puis à la Nationale 350, près de Seclin.

Pour les croisements avec les routes ou avec les voies ferrées, la construction de vingt ponts a été nécessaire.

L'autoroute a été exécutée en trois ans, sans interruption du trafic sur les voies croisées. Les chaussées ont une épaisseur totale de 70 cm. Elles sont séparées par un terre-plein de 4 m 50 de large, qui sera planté de haies, de manière à éviter, la nuit, l'éblouissement réciproque des deux files de voitures.

Un bas-côté de 4 m 20 a été aménagé pour permettre, ultérieurement, la réalisation de trois voies par chaussée, contre deux actuellement. La section ne sera ouverte à la circulation dans le sens Carvin-Lille que vers la fin de l'année.

La deuxième section va de Carvin à Arras en contournant Dourge et Hénin-Liétard. Elle aboutira à Fresnes-Montauban où l'autoroute se raccordera à la Nationale 580, reliant Arras à Douai. Elle doit s'achever à la fin de 1956.
Les travaux relatifs au premier tronçon ont nécessité une mise en œuvre de 1 500 000 m3 de terrassement et la confection de 380 000 m2 de chaussée. Les dépenses se sont élevées à 12 millions de francs en moyenne par kilomètre d'autoroute. Faites le calcul ! La facture est soldée par le Fonds d'investissement routier...

Le mot de la fin ? En attendant l'autoroute Lille-Paris-Madrid, M. Chaban-Delmas a rejoint la capitale par... train spécial.

Le Pèlerin - 7 novembre 1954