Son maillot arc-en-ciel n’est pas dû au hasard. C’est au contraire le résultat d’un énorme travail , le fruit d’une obstination énorme que rien n’a réussi à abattre. Jean Stablinski est un habitué des victoires officielles. Il est trois fois Champion de France, une fois Champion du Monde.

SAMEDI : ACCORDEON, DIMANCHE : BICYCLETTE

Né à Thun-Saint-Amand, dans le Nord, le 21 mai 1932,  Jean Stablinski est d’origine polonaise. Privé de père très jeune, il doit, à peine adolescent, gagner sa vie et choisit la menuiserie. Très consciencieux et très habile, il n’en rêve pas moins à autre chose, sans savoir exactement quoi. Ses loisirs, il les consacre indifféremment à la musique et au sport. On sait peu que pendant des années, Jean a animé un nombre incalculable de soirées dans les bals populaires. C’était un remarquable joueur d’accordéon. Pensa-t-il en faire son métier ? C’est possible. Il se contentait en tout cas de faire danser pendant des nuits entières la jeunesse de la région de Valenciennes. Voilà pour le samedi soir. Mais le dimanche ? Le dimanche, Stablinski prenait sa bicyclette, même lorsqu’il était fatigué par une soirée d’accordéon dans une salle enfumée et bruyante. Et il partait sur la route, couvrant un nombre de plus en plus grand de kilomètres à une allure de plus en plus rapide. Rapidement devenu un adversaire de taille, ensuite un épouvantail, il dut un jour choisir entre la musique et le vélo. Choix difficile. Après quelques semaines d’hésitation, il choisit : va pour la bicyclette.

FEU VERT POUR UN FUTUR CHAMPION

Mais s mère ne l’entendait pas de cette oreille. Ses préjugés contre le vélocipède, surtout en compétition, étaient tenaces. L’apprenti-champion dut livrer une longue et pénible bataille et démontrer que le deux-roues n’était pas nécessairement synonyme d’accident. Convaincue par beaucoup de discours, beaucoup de tendresse et pas mal de succès indiscutables, Madame Stablinski finit par donner le feu vert. Et c’est ainsi qu’à seize ans, libéré de la hantise des réprimandes et des chagrins maternels, Jean se lança hardiment dans le compétition. Sans nulle hésitation, il avait opté  pour la nationalité française afin de pouvoir s’engager dans les plus belles courses, et notamment dans le premier pas Dunlop*

Quatre années d’amateurisme lui procurèrent non seulement une grande confiance en soi, mais aussi l’estime des grands professionnels et un palmarès remarquable : quarante-huit victoires de 1948 à 1952. Il put ainsi passer professionnel sans la moindre appréhension. Il avait bien raison de ne pas craindre l’avenir : à son palmarès, on trouve une victoire retentissante au championnat de France militaire (1953), Paris-Bourges (1954), Paris-Valenciennes (1955), les Provinces du Sud-Est (1956), le Tour de l’Oise (1957), le Tour d’Espagne (1958) qui sera sa première grande victoire internationale. Le championnat de France 1960 et les Boucles Roquevairoises 1961 l’amènent tout naturellement au sommet de sa forme en 1962, qui fut sa grande saison. Il totalisera dix victoires et notamment la onzième étape du Tour d’Espagne, le championnat de France, la quatorzième étape du Tour de France, le titre de champion du Monde et le critérium de Nantes

extrait du journal Pilote (mars 1963)

* championnat de France junior