ACCUEIL | LE SPORT | IL FAUT SOUFFRIR POUR GRIMPER UN COL (1964)

 

 

 

 

 

En 1935 le petit boulanger de Castellania devait grimper chaque soir une certaine méchante côte à la sortie du village pour retrouver la ferme  familiale. Il avait quinze ans, il s’appelait Fausto Coppi. Poulidor, lui, a promené sa jeunesse d’une bosse à l’autre du Limousin. Les bons grimpeurs espagnols naissent dans les Pyrénées. A l’époque où le jeune Taccone caracolait dans les Abruzzes, Un certain Franco Balmanion s’amusait beaucoup à l’autre bout de l’Italie : le soir après l’école il gravissait les pentes les plus raides des Dolomites pour le simple plaisir de redescendre.

 

Et C’est là tout le secret de ces hommes qui se sont promenés dans les Alpes et que nous retrouvons dans les Pyrénées. Ils sont nés sur une pente. Car il n’y a qu’une seule façon de grimper un col : souffrir. Le corps doit travailler terriblement et seuls ceux qui ont appris à supporter cet effort ne s’effondrent pas à mi-chemin. Les montagnards l’ont appris dès leur plus jeune âge. Pour les hommes de la plaine, Belges, Allemands ou Normands le premier col qu’ils ont rencontré au hasard d’une course cycliste fût au contraire une épouvantable découverte. Anquetil, par exemple, ce rouleur venu de la Normandie plate comme une main. Les jambes lui en sont tombées quand il a vu les Alpes pour la première fois de sa vie. Et pourtant il est devenu un redoutable adversaire en montagne. Bahamontes  et Poulidor qui n’ont pu le distancer dans ces mêmes Alpes l’an dernier en savent quelque chose. Grimper, cela s’apprend. Rappelez-vous l’expérience de Van Looy dans le dernier Tour de France. Au pied des Pyrénées il s’affole comme s’est affolé Anquetil devant lui. Première réaction : appuyer fort sur les pédales. Il s’allonge sur sa machine,  tire dur sur le guidon et joue des mollets comme si sa vie en dépendait. Deux kilomètres plus haut il navigue d’un bord à l’autre de la route, asphyxié . Il a commis deux fautes : mauvaise position et mauvais rythme. Il n’avait oublié qu’une chose : l’effort en montagne est incessant. Sur une route plate le coureur qui "enroule" à des cadences folles comme Van Looy sait que sur sa vitesse acquise il pourra se permettre quelques secondes de repos. Dix coups de pédales, trois tours en roue libre. Ses muscles reprennent  force pendant ce court instant. Sur la pente au contraire, le coureur pédale sans arrêt. Il ne doit faire travailler ses muscles qu’avec prudence et trouver peu à peu la cadence de travail qu’ils pourront supporter sans mourir, sans s’appauvrir en oxygène et glucose. Les montagnards peuvent soutenir une cadence supérieure à la moyenne parce que leurs muscles  s’y sont habitués depuis toujours. Pas les Belges.  Deuxième leçon : la respiration. Une fois trouvée la bonne cadence, le coureur n’aura plus à tirer sur le guidon pour aider ses jambes défaillantes. Il peut se redresser et respirer à son aise. Regardez Bahamontes : buste droit, épaules bien ouvertes. L’organisme d’un coureur est suffisamment à l’épreuve comme cela, il ne peut se permettre de manquer d’oxygène.

 

Van Looy et Anquetil ont pu très vite se hisser au niveau  des montagnards parce qu’ils sont des athlètes exceptionnels et des routiers rompus aux efforts les plus durs. Pour les autres routiers de valeur moyenne il n’y a qu’une solution : aborder la montagne avec prudence, monter au rythme qu’ils sont capables de supporter sans forcer leur talent. Passé le sommet, peu importe que vous ayez le muscle entrainé ou pas, une seule règle : ne pas avoir peur. C’était là toute la supériorité de Géminiani ou Magni qui dévalaient les pentes à des allures vertigineuses en hurlant de tous leurs poumons pour prévenir la caravane qui encombre la route. Ils étaient plus courageux que les autres ou plus inconscients.

 

 

 

 

photos de gauche à droite : Grimper cela s'apprend : Anquetil ne sera pas laché par l'Aigle ! Le monteras-tu ? L'orgueil des organisateurs du tour de France est d'avoir (presque) supprimé la "poussette" de leur épreuve (2 photos). A 80 km/h il fait froid et c'est à cette vitesse - souvent plus + que les coureurs protégés par des journaux glissés sous leur maillot se devront de dévaler la pente s'ils veulent - comme Géminiani (photo de droite) - revoir les grimpeurs avant l'arrivée de l'étape.

 

 

journal Pilote n° 245 du 2 juillet 1964 (Michel Laffitte)

 

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Nicolas Frantz, vainqueur en 1927 et 1928, passant en tête le col de l'Aubisque

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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