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LES MOINES
C’étaient des chrétiens d’élite qui, non contents d’accomplir les devoirs que la religion trace aux fidèles, consacraient leur vie à la prière, à la pénitence et aux bonnes œuvres. Ils vivaient ensemble dans des maisons appelées monastères, sous la conduite d’un supérieur auquel ils devaient obéissance. Ayant renoncé à toutes les jouissances, même les plus légitimes, ils ne prenaient que la nourriture strictement nécessaire et composée le plus souvent de légumes secs, de racines et d’herbes cuites. Leurs vêtements étaient faits d’étoffes grossières.
Les moines en Gaule. — Saint Martin.
Ce fut au VIe siècle que les moines, si nombreux en Orient, firent leur apparition sur notre sol. Saint Martin, attiré par la réputation de saint Hilaire, de Poitiers, vint se placer sous sa direction. Au bout de quelques années, il fonda en Poitou le monastère de Ligugé (360), où de nombreux disciples le suivirent. Pour demeure, ces religieux possédaient de misérables cabanes. Enlevé à sa solitude pour être placé sur le trône épiscopal de Tours, saint Martin, tout en remplissant parfaitement les devoirs de sa charge, vivait le plus possible dans la retraite. Il s’était construit une cellule près de son église, et bientôt il fonda, aux environs de Tours, un nouveau monastère où se groupèrent plus de 80 religieux. Ce fut Marmoulier (monastère de Martin).
Après Ligugé et Marmoutier, les monastères se multiplièrent en Gaule et dans les contrées environnantes; ce furent, parmi les plus célèbres, Lérins, Marseille, Condal, le Mont-Cassin, Luxeuil.
Lérins. — Marseille.
Lérins, fondé par saint Honorat en 410, mérita le beau nom de Pépinière de l’épiscopal. Bâti dans l’une des îles dont il a pris le nom, ce monastère fut une véritable école de science et de sainteté. Sa renommée s’étendait si loin que, de tous côtés, on y venait chercher des évêques. Saint Honorat et saint Hilaire, évêques d’Arles; saint Maxime et saint Faust, évêques de Riez; saint Jacques, évêque de Tarentaise; saint Loup, de Troyes; saint Eucher, de Lyon, pour n’en citer que quelques-uns, furent moines de Lérins. Presque en même temps que Lérins fut fondé, à Marseille, le monastère de Saint-Victor.
Mont-Gassin. — Les Bénédictins en Gaule.
Au delà des Alpes, un noble Italien, saint Benoît, avait fondé l’abbaye du Mont-Cassin (529). Si nous parlons de cette fondation faite hors de notre pays, c’est que l'Ordre de saint Benoît (ou des Bénédictins) allait devenir la souche de presque tous les monastères de la chrétienté; il a eu l’honneur de donner 24 Papes à l'Eglisë et plusieurs milliers de saints. La Gaule désira posséder des religieux formés à l’école du Mont-Cassin. A la prière qu’on lui en fit, saint Benoît envoya donc son disciple, saint Maur, avec quelques moines, pour créer un monastère dans notre pays. Ce fut en Anjou que saint Maur s’arrêta ; Glanfeuil, premier monastère bénédictin en Gaule, prit ensuite le nom de son fondateur.
Saint Colomban à Luxeuil.
Tandis que florissait dans les montagnes du Jura le monastère de Condat (plus tard Saint-Claude), saint Colomban, moine irlandais, débarquait en Gaule (573). 11 s’établit tout d’abord à Annegray, mais, cette résidence étant devenue trop étroite, il transporta sa communauté à Luxeuil, au pied des Vosges. Des quelques monastères dont nous venons de parler en naquirent nombre d’autres. Parmi les plus illustres de ceux que la Gaule, dans la suite, vit fleurir sur son sol citons Cluny, dont'saint Odon fut abbé; Cileaux; Clairvaux, fondé par saint Bernard.
L’ŒUVRE DES MOINES
Les moines et l’agriculture.
Jadis, notre terre de France, aujourd’hui si fertile et si bien cultivée, était couverte en partie de marais pestilentiels et d’immenses forêts, repaires de brigands et de bêtes féroces. Dans ces forêts, les voyageurs n’osaient s’aventurer et l’idée ne venait à personne que l’on pût, à la place de ces vastes espaces boisés, faire naître de riches moissons. Courageusement, les moines se mirent à l’œuvre. L’entreprise était difficile. Ils assainirent et fécondèrent les contrées que dévastaient les fièvres paludéennes, en desséchant les marécages et en canalisant les eaux. Ailleurs, le sol était envahi par des broussailles et des épines qui déchiraient les membres des travailleurs; ceux-ci devaient abattre des arbres séculaires, défoncer le sol pour le rendre apte à recevoir la semence. Mal outillés souvent, les moines n’arrivaient à un résultat qu’après, de longues fatigues; peu à peu, ils fabriquèrent des charrues, qu’ils poussaient eux-mêmes, tandis que des vaches ou des bœufs les tiraient.
Suivant la nature du terrain, ils l’ensemençaient ou le plantaient; ici ondoyaient de grands champs de blé, là verdoyaient de gras pâturages; ailleurs encore, les moines élevaient les abeilles, acclimataient la vigne, les arbres fruitiers. Ce fut un moine, nommé Telio,qui introduisit le pommier en Bretagne. On sait que cette province n’a cessé de cultiver cet arbre pour la fabrication du cidre, l'une de ses principales richesses et son unique boisson.
Emerveillés, les paysans se groupèrent autour des monastères pour apprendre les secrets de l’agriculture; ainsi, nombre de villes furent fondées. Telles sont: Cluny, Argenteuil, Saint-Cloud, Saint-Amand, etc.
Métiers. Science. Enseignement. Arts.
Non seulement les moines étaient agriculteurs, mais ils ne dédaignaient aucun métier. Tour à tour maçons, charpentiers, bûcherons, jardiniers, ils amélioraient ou créaient l’industrie. Ainsi, Viventiole, moine de Condat avait façonné une chaise en buis. Ce fut l’origine de cette industrie du travail du buis, qui est encore si prospère dans le Jura où cet arbuste croît en abondance. Tandis que le cuir, le fer, le bois se transformaient dans leurs mains, les religieux s’adonnaient avec ardeur à la science et aux arts. Patiemment, ils recopiaient les manuscrits anciens, et c’est à eux que nous devons la conservation de la plupart des chefs-d’œuvre littéraires de l’antiquité.
Presque chaque monastère possédait une école où de savants religieux instruisaient les enfants, non seulement dans la science divine, mais dans toutes les sciences profanes. Quant aux arts, ils furent, eux aussi, en grand honneur dans les cloîtres. C’est sous la direction des religieux que furent bâties les plus belles cathédrales et fabriqués les premiers vitraux. Les superbes enluminures et miniatures qui ornent les vieux missels et les manuscrits, conservés dans les bibliothèques des villes, sont dues aux moines. Beaucoup d’entre ces derniers, véritables artistes, décoraient les murs de leurs églises de peintures splendides. Tout le monde connaît le nom de Fra Angelico, ce religieux italien qui fut le "premier des peintres chrétiens".
Charité des moines.
Les moines voulaient que leurs nombreux travaux servissent au bien général, et plus spécialement à celui des humbles et des pauvres. Très fréquemment, la récolte dépassait les besoins du monastère; on vendait alors le surplus, mais comme la pauvreté qu’ils pratiquaient interdisait aux religieux de jouir de leurs gains, l’argent des ventes servait aux pauvres et au rachat des captifs. Les pauvres étaient chez eux au monastère: souvent, les religieux se dépouillaient pour eux : "Une cruelle disette ayant ravagé la Campanie en 539, saint Benoît fit distribuer aux indigents toutes les provisions du monastère, tellement qu’un jour il ne resta plus que cinq pains pour nourrir toute la communauté." (Montalembert.)
L’hospitalité était une des grandes vertus des monastères. Les étrangers, les voyageurs pouvaient s’y reposer et y restaurer leurs forces. Saint Bernard de Menthon institua dans les Alpes le célèbre asile du Mont-Saint-Bernard, où, de nos jours encore, à l’aide des fameux chiens dressés par eux, les religieux, au péril de leur vie, vont au secours des voyageurs perdus dans les neiges.
Les malades, enfin, étaient soignés dans des hospices. Chaque monastère avait le sien: mais comme trop souvent les ressources étaient limitées, ces hospices ne contenaienl généralement que douze lits en l’honneur des douze apôtres; le nombre en augmentait avec les fonds de la communauté.
Apostolat des moines.
Mais s’ils veillaient à l’amélioration matérielle du peuple, les moines n’oubliaient pas son âme. Leur douceur, leurs exemples assouplissaient, peu à peu, les mœurs les plus rudes. Les brigands, que le défrichement des forêts chassait de leurs repaires, concevaient une grande haine pour les religieux; parfois, ils attentèrent à leurs jours. Mais, lorsqu’ils se trouvaient en présence des pieux ouvriers de Dieu, ceux-ci savaient toucher le cœur des bandits et les convertir. Beaucoup d’entre eux, après avoir renoncé à leur vie de meurtres et de rapines, demandaient la faveur de travailler sous la direction des moines et, quelques-uns même, la grâce d’être reçus au nombre des religieux.
Nous avons dit qu’autour des monastères les paysans se groupaient. Il s’agissait alors non seulement de leur enseigner à cultiver leurs champs, mais aussi leurs âmes. Les moines fondèrent donc des oratoires afin que le peuple participât aux exercices religieux. Ces oratoires, dans la suite, devinrent des églises. Beaucoup de nos paroisses actuelles ont cette origine.
Ainsi, les moines transformèrent la Gaule. Dignes collaborateurs des évêques, ils apportèrent souvent leurs lumières dans les Conciles. Leurs prières et leurs austérités retombaient en grâces autour d’eux. Des lois impies ont maintenant chassé les moines du sol de notre patrie, qu’ils avaient fécondé de leurs efforts; en récompense de leurs bienfaits, on a fermé leurs monastères, et ils ont dû, pour la plupart, prendre le chemin de l’exil.
Notre France n’a eu pour eux qu’ingratitude. Un jour — prochain, nous l’espérons,— elle comprendra son erreur et rappellera ses religieux proscrits. Pour tous les Français, et surtout pour les malheureux, le retour de ces héros de la charité sera une grande bénédiction.
article publié en 1913
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