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"On portera l'Eucharistie en procession dans les rues et les places publiques" - Bulle du Pape Jean XXII (1318)

 

La Fête du Très saint Sacrement ou Fête-Dieu dans le langage populaire, remonte au XIIIème siècle près de Liège. La prieure du monastère eut une vision où Dieu lui demandait de préparer une fête en l'honneur du saint Sacrement. Le pape Urbain IV la rendit obligatoire en 1264 et Jean XXII en 1318 ordonna la procession dans les rues.

 

La procession, accompagnée des chants des fidèles, avance au milieu des rues pavoisées. Le saint Sacrement est dans l'ostensoir doré, abrité sous un dais. Il est précédé par les enfants de chœur qui balancent les encensoirs, et par les jeunes filles jetant des pétales de fleurs, roses ou pivoines, afin d'en faire un tapis sur leur passage. Des arrêts se font devant les reposoirs dressés pour l'occasion par des particuliers.

 

La Fête-Dieu est célébrée le jeudi qui suit la Trinité, c'est-à-dire soixante jours après Pâques.

 

 

Tableau : Bénédiction des blés en Artois par Jules Breton

La scène est prise dans la campagne entourant le village de Courrières (Pas-de-Calais) dont le clocher apparait au second plan à droite.

 

 

 

d'après une illustration extraite de la revue LE PELERIN datant de 1928

 

 

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LA FETE DIEU A BACHY (NORD)

 

Le reposoir chez Mmes Adrienne Chantry et Berthe Comblez (à droite sur la photo ci dessous), qui demeuraient au 6 rue du Maréchal Foch à Bachy (photos de 1966)

 

 

 

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LA FETE DIEU

 

article publié en 1922

 

Cette fête du printemps et des roses, associée à la gloire du Créateur, fut instituée par le pape français , Urain IV. Celui-ci naquit à Troyes en 1185, sous le règne du comte de Champagne, Henri II.

Le père du futur pape était un simple chaussetier. L'enfant prédestiné grandit dans son échoppe sur l'emplacement de laquelle on a bâti, depuis, l’église Saint-Urbain. D’un caractère doux et mélancolique, le Jeune Pantaléon (c’était son nom de baptême) ne voyait rien au delà de l’église et son âme exaltée ne quittait guère l’ombre de l’autel.

Une ancienne chronique rapporte que, tout petit, en s'amusant avec des copeaux de bois, il avait tracé ces mot : "Je serai pape." Ses qualités aimables, remarquées du voisinage, lui valurent la faveur de l'evêque qui le fit instruire aux frais de la cathédrale dans l'école fondée par Saint Loup. Plus tard, il fut envoyé à l’Université de Paris et s’y voua spécialement aux chants sacrés et à l’organisation des fêtes.

On l’appelait Jacques de Troyes. Il devint docteur en droit et en théologie, et prit les ordres pour entrer dans le sacerdoce. Il devint aumônier de l’évêque de Laon qui l’envoya à Rome où il gagna l’estime du pape Innocent IV. Tour à tour archidiacre de Liège, député au concile de Lyon, légat en Pologne, nonce en Allemagne, légat à Verdun ; sans être cardinal il fut nommé au trône pontifical à l’unanimité, le 21 août 1261, à place d’Alexandre IV. C’était une lourde tâche : les Guelfes et les Gibelins divisaient l’Italie et l’Allemagne, et le royaume de Naples était une source de querelles entre les pontifes et la maison de Souabe. Les deux sœurs d’Urbain étaient religieuses : Sybille, abbesse de Montreuil ; Agnès, religieuse au monastère du mont Luisant. Cette famille était édifiante dans tous ses membres.

Urbain aimait à poétiser le culte ; l’idée d’une fête du saint sacrement lui souriait. La grande procession se déroulant parmi le peuple radieux, sous un doux soleil, lui semblait l’attraction des âmes vers Dieu. Il en parla à son ami Thomas d’Aquin qui approuva avec enthousiasme cet envolement des roses sous les pas du prêtre portant la sainte Hostie. Il se mit tout de suite à l’œuvre et composa l’office du saint sacrement.

Pendant que les prêtres s’occupaient de ces pieuses réalisations, l’ennemi forçait le pontife à fuir devant lui jusqu’à Pérouse, puis à Assise ; mais le pape mourrut en route, soit d’avoir mangé des figues empoisonnées, soit de chagrin en voyant la division de l’Italie. Peu de jours avant, il avait publié la bulle d’institution de la Fête-Dieu.

Cette fête devint partout très populaire en France, elle eut de grands honneurs à Aix-en-Provence et à Angers sous l’organisation de René d’Anjou. Le "bon roi René", dépossédé de son royaume Naples et de Sicile, réfugié à Aix, y tenait une cour brillante où il protégeait les lettres. Beau-frère de Charles VII, oncle de Louis XI, gendre du duc de Lorraine, il gardait plus que tous ces monarques, un entourage intellectuel, éprit d’art, de littérature, de Poésie.

Il imagina les scènes de la Fête-Dieu, dessina les Costumes, composa des airs naïfs, et l’on joua dans tous les carrefours des pantomimes à la fois profanes et religieuses. On représenta cette curieuse mise en scène en 1462 et elle fut reprise chaque année jusqu’en 1790. Voici à peu près le programme tel que la tradition nous l’a conservé :

La fête avait lieu le jeudi suivant l’octave de la Pentecôte ; trois personnages, choisis parmi les plus importants de la ville, figuraient les "Trois Ordres" et présidaient chaque année aux "Jeux de la Fête-Dieu." C’étaient : le prince d’amour pour la noblesse, abbé de la jeunesse pour le clergé et le roi de la basoche pour le tiers-état. La veille de la fête, les deux premiers parcouraient la cité, précédés de galoubets et de tambourins et se rendaient à l’hôtel de ville pour se joindre à la procession nocturne appelée : Lou Gué. Cette étrange cavalcade ouvrait sa marche par la présentation de la Renommée, vêtue d’une robe jaune, de laquelle sortaient deux grandes ailes d'oie, au cou une fraise, sur la tête un bonnet rouge, quatre petites ailes aux mains et la trompette.

Puis venait Pluton en robe noire flammée ; Proserpine torche au poing ; Neptune en vert d’eau, les nymphes, les satyres, le dieu Pan. Apollon jouait de l'archet, puis venait le maître des dieux couvert d’une tiare blanche, accompagné de Vénus entourée des jeux, des ris, des paisirs. Derrière, les trois Parques : Clotho avec une quenouille, Atropos coupant de ses grands ciseaux les liens que lui tend Lachésis.

Tous ces personnages passent à cheval et occupent les rues jusqu’à minuit. Aux premiers rayons du jour, le bon René fait apparaître le Christianisme sortant radieux des ténèbres du Passé; la mythologie n’est plus, voici la représentation des pieuses légendes de l’Ancien et Nouveau Testament.

 

La reine de Saba s’avance habillée comme une dame du xv e siècle — elle n’a pas les vingt-deux robes avec lesquelles, dit-on, elle se présenta jadis au roi Salomon. — Celui-ci la précède tenant une épée surmontée d’un minuscule temple de Jérusalem. Plus loin, la "belle étoile", portée au bout d’une longue hampe, précède les rois mages ; on voit encore Moïse, le veau d’or environné d’Israélites (ce veau est figuré par un infortuné matou qui, hissé sur une planchette au sommet d’un bâton, miaule et roule des yeux désespérés). Hérode paraît, couronné au front, un soleil d’or sur la poitrine ; il est suivi d'enfants, d un fusilier et d’un tambour. A un signal, les enfants tombent les uns sur les autres. C’est le massacre des innocents.

Les apôtres ont leur place en ce défilé que nos yeux peuvent regarder comme grotesque, mais que ceux de nos ancêtres admiraient. Judas est en tête chargé de la fatale bourse. Saint Paul tient une épée, d’autres portent des attributs divers, et la marche est fermée par un homme symbolisant le Christ traînant une croix.

Satan et sa cour font partie du cortège. Ils ont des fourches, des cornes, des grelots. Cette troupe maudite poursuit Hérode pour le punir du massacre innocents.

Une autre scène pittoresque marque un des groupes : C’est la "petite âme". UJn adolescent en blanc, les cheveux dénoués, s’avance tenant une croix qu’il embrasse ; il est escorté de son ange gardien, des démons le harcèlent avec des fouets, mais son ange le défend et met l’enfer en fuite.

Saint Christophe arrive, l’Enfant Jésus est assis sur son épaule.

Enfin la Mort termine la procession et balaye le sol de sa faux. Voici pour l’autrefois. A présent la grande procession de la Fête-Dieu se déroule pieusement dans les villes et revêt à Angers une grande solennité. Sous le dernier Empire, la cour, les juges, l’armée suivaient en costumes le saint sacrement.

Pendant quelques années le défilé fut interdit ; puis, sur les instances du peuple, il fut rétabli. Toutes les paroisses de la ville se groupent pour se rendre solennellement au tertre Saint-Laurent d’où jadis Béranger prêcha son hérésie. Les rues sont décorées de multiples guirlandes, les enfants en blanc jettent des roses, l’encens monte avec le parfum des fleurs, les chants planent sur l’assemblée recueillie.

Et quand l’évêque se dresse vers la foule et la ville, qu’il domine du haut du reposoir, armé de l’ostensoir d’or inondé de soleil, pour décrire le geste sublime de rédemption, l’émotion embrume les yeux et fait battre les cœurs !

 

 

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LA FETE DIEU

 

article publié en 1925

 

Le rappel d’une époque effacée a toujours un intérêt dans le présent, soit qu’on le compare, soit qu’on y replace en pensée ceux des siens qui la vécurent. Aujourd’hui, la Fête-Dieu s’accomplit avec solennité, mais ce ne sont plus les pompes d’autrefois. Sans remonter très haut, ouvrons les lettres ou nos aïeules nous racontaient leurs impressions : ce sont feuillets coupés aux plis, à l’encre blanchie, dont les mots furent tracés par ceux, ou celles, dont nous portons le nom et la marque en nous-mêmes. Evidemment, nous ne saurions voir les choses d'anatan comme les virent nos aïeuls : notre éducation, notre manière de sentir (au moral s’entend) est impressionnée par l’ambiance tellement changée ! Mais, en vertu de ce lien indissoluble qui lie les générations, il est très rare que notre cœur ne s’émeuve pas à l’aspect des tableaux d’autrefois. Nos idées souvent viennent de bien loin ; une habitude, un goût, un don inné en nous, ont une source que nous ignorons et qu’une étude de notre famille peut éciaircir. L’atavisme est une indéniable vérité. Donc, en ce beau mois des fleurs, des parfums, du soleil, l’Eglise célébre la Fête-Dieu; reportons-nous aux dernières années où l'église Saint-Germain-l’Auxerrois, paroisse des rois, était brillamment pavoisée pour honorer la fête du saint Sacrement.

Louis XVIII était trop impotent pour s’y rendre, mais son frère, "Monsieur", depuis Charles X, alors comte d’Artois, n’y manquait pas. La duchesse d’Angoulême, la duchesse de Berry, suivaient à pied le dais abritant l’ostensoir que portait l’évêque. D’un reposoir dressé devant le Louvre et rutilant de lumières, le prélat donnait la bénédiction au peuple et à la ville, puis le cortége retournait à l’église pour le salut. Cette cérémonie était imposante ; non seulement les groupes symboliques, les bannières, les associations, les enfants couronnés de fleurs, formaient un imposant défilé, mais les princes et leur suite, en grand uniforme chamarré de décorations, de croix, de rubans; les princesses en habit de cour, escortées de leurs dames d’honneur, avec de longs manteaux, des diamants, des plumes, des joyaux, qui étincelaient au soleil éblouissant; la troupe, les régiments aux uniformes variés, leurs musiques jouant à tour de rôle, flormaient un ensemble réellement splendide. La foule s’espaçait sur le parcours ; toutes les fenêtres se montraient pavoisées. La colonnade du Louvre était remplie par un grand nombre de privilégiés, auxquels on avait distribué des cartes de flaveur pour y pénétrer. De là-haut, on pouvait embrasser le coup d’œil d’ensemble. Cependant l’espace qui sépare le palais du Louvre de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois était loin de ressembler à ce qu’il est aujourd’hui. De misérables masures encombraient la place actuellement dégagée qui laisse voir la façade du vieux temple séculaire. La lamille royale se plaçait auprès de la sainte Table, dans la nef, face à l’autel. Les autres personnes se mettaient derrière et dans les bas côtés. Les gardes du corps, les cent Suisses, la garde royale, formaient là haie. Le comte d’Artois avait une nobl prestance, une belle figure; ses manières étaient affables et dignes, sa grâce parfaite. La duchesse d’Angoulême, moins belle que sa mère à laquelle pourtant elle ressemblait, gardait un mélange de douceur et de résolution dans le sourire toujours mélancolique, car aucune vie humaine ne fut plus éprouvée que la sienne. Sur son passage, on s’inclinait comme on se courbe devant le malheur. La duchesse de Berry marchait près d’elle, offrant le plus complet contraste : vive, pas jolie, charmante, bien que ses yeux à fleur de tête louchassent un peu, elle avait les plus beaux cheveux blonds du monde. (Elle les coupa au lendemain de l’assassinat de son mari, disant: "Il les aimait trop; puisqu’il ne peut plus les voir, je ne les garderai pas.")

Ainsi qu’aujourd’hui, les enfants jetaient des roses effeuillées au-devant du Saint Sacrement. Ceux qui le suivaient marchaient sur un chemin de fleurs... sans épines, et cependant l’avenir leur en réservait encore de bien cruelles !

Aujourd’hui, à Paris, les processions ne sortent plus dans les rues. A la Madeleine, elle se déroule en plein air, autour du temple, et le peuple recueilli reçoit la bénédiction offerte du reposoir qui est appuyé contre le mur de l’abside entre les statues de pierre dont l’une, celle de saint Luc, fut décapitée par une bombe de bertha, le jour même de la Fête-Dieu pendant la guerre. Certaines paroisses qui possèdent des jardins, comme Saint-Charles-de-Monceau, Notre-Dame-d’Auteuil, peuvent défiler à travers les allées en chantant et recevoir la bénédiction sous les arbres.

En province, notamment à Angers, le culte extérieur s’exerce avec plus de pompe. La longue procession, à laquelle prennent part toutes les paroisses de la ville, les associations, les professeurs de l’Université catholique en grand costume, les enfants des écoles libres, les patronages, les congrégations, traverse la cité, les ponts, pour venir au tertre Saint-Laurent devant le reposoir monté à l’endroit où l’hérétique archidiacre d’Angers, Béranger, prêcha contre le mystère de l’Eucharistie. (Plus tard, il reconnut son erreur et fit pénitence dans l'île de Saint-Cosme, près de Tours.) Cette solennité a perdu beaucoup de sa splendeur, même en cette ville d’Anjou, parce que la troupe, les juges en robe rouge et hermine, n’y assistent plus. Mais on peut se souvenir que, par ces mêmes rues à peine changées, jadis le "bon roi René", à la tête de la corporation des pêcheurs de la Maine, passait en chantant, précédé d’un ménétrier qui l’accompagnait ensuite jusqu’à son petit castel de Reculée. De là, il pêchait à la ligne dans la rivière. On l’avait surnommé "le roi des Gardons".

Cette procession cependant n’était rien en regard de celle d’Aix-en-Provence, organisée par ce même René qui allait à cheval, à travers toute la France, pour visiter ses duchés de Lorraine, d’Anjou, de Provence.

La Fête-Dieu est une des plus jolies manifestations de la foi chrétienne; elle marque aussi l’époque du solstice d’été que célèbrent les profanes en allant au sommet de la tour Eiffel contempler le lever du soleil au véritable orient.

 

 

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