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LE PETIT CIERGE

 

Juile. la belle fille, entre le jour de l’an à l’église, et, d’un doigt distrait, effleure le bénitier, comme du bout de son aile l’oiseau du ciel rase en passant l’eau des fontaines.

Puis d’un pas fier et coquet, elle se dirige vers l’autel de la Vierge où les cierges brillent et prient, dardant vers le ciel une petite fiatume d’or.

 

Ils sont là plus de cent, aligné comme une procession de feu, debout ou penchés sur leurs pointes de fer, et chacun d’eux représente une action de grâce ou un vœu, une faute, un repentir, un deuil, un souhait pour le jour de l’an... Quand l’un s’allume, l’autre s’éteint: c'est une douleur qui remplace une autre douleur. une prière qui succède à une prière.

Plus jaune que ces cierge‘s et plus vieille que l’église, une femme aux doigts tremblants attise ce brasier d’espérance, surveille ce foyer du souvenir et de la Foi.

Julie allume, un cierge et, s’agenouillant au pied de l’autel, commence sa prière : "Brûle, brûle, mon bon cierge; que ce soir, à la fête du village, je sois la reine du bal ! que tous les regards me cherchent et m’admirent, et que toutes les voix répétait : Voici Julie, la belle fille!"

Le cierge s'est éteint. La vieille femme le rallume.

Qu’a donc le petit cierge ?

 

"Brûle, brûle, reprend Julie: brûle, mon cierge; que jeudi le temps soit beau, car j’irai à la ville vendre mes pommes et mes œfs; j’achèterai un grand miroir et des rubans pour me parer; et quand j’entrerai en ville, on se mettra aux fenêtres pour voir passer sur son ànesse Julie, la belle fille!"

Le cierge s’éteint encore et la femme le rallume.

Qu'a-t-il donc le petit cierge ?

 

"Brûle, brûle, mon cierge, recommence Julie ; que Thérèse, ma rivale, n'ait plus de charme pour André, qu'elle maigrisse comme un lézard et qu’elle devienne, s'il est possible, aussi laide que Sidonie."

Encore le cierge qui s'éteint ! et la vieille femme qui le rallume en se signant.

Mais qu’a-t-il donc le petit cierge?

 

La belle fille continue :

" Brûle, brûle, je t’en prie; s’il est vrai que ma tante, qui souffre tant, doit mourir, eh bien! que Dieu prenne son âme avant les moissons, afin que j’épouse André."

Ah ! mon Dieu ! Le cierge penche et tombe et fond de toutes parts comme s’il pleurait à chaudes larmes; il fume comme un tison et il a l’air, au milieu des flammes radieuses, d’un damné parmi des saints.

Mais enfin, qu'a-t il donc le petit cierge ? J

ulie, toute troublée, le rallume elle-même, et, son front dans sa main, se remet à prier :

 

"Brûle, brûle, mon petit cierge, pour l’enfant de Madeleine ; il se meurt et sa mère se désole; brûle bien haut, brûle toujours, mon petit cierge.

Et le cierge resplendit tout à coup comme une étoile d’or et sa flamme aussitôt monte vers le ciel, éclatante et vive comme une langue de feu.

En sortant de l’église, Julie entra chez Madeleine : l’enfant guéri souriait à sa mère.

 

Fulbert DUMONTEIL.

texte retrouvé dans un hebdomadaire de 1891

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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