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Album sorti en 1997
Rencontre d'Ariel Herbez avec le dessinateur d'un seul héros, qui proclame qu'il ne lâchera jamais ses crayons.
- Il parait que vous êtes l'inventeur du terme de "neuvième art"»" pour désigner la bande dessinée. Est-ce exact ?
- J'ai créé pour le journal Spirou, avec Vankeer, une rubrique hebdomadaire où je parlais de bande dessinée ancienne, en 1964. Je l'avaisi ntitulée "8e art, musée de la bande dessinée". Mais au dernier moment, on m'a dit que le huitième art était la télévision, et in extremis j 'ai changéle 8 en 9. Depuis, la formule a fait fortune. Je l'avais imaginée de façon ironique, mais des gens très sérieux l'ont reprise à leur compte. Jamais je n'aurais cru que cela prenne une telle ampleur!
- Vous avez aussi inventé l'homme qui tire plus vite que son ombre, pour désigner Lucky Luke, et la formule est entrée dans le langage courant. Quelle impression cela vous fait?
- C'est vrai que les journalistes, notamment, emploient cette expression à toutes les sauces dès qu'il s'agit de vitesse, surtout en sport. J'avais fait ce dessin devenu fameux où Lucky Luke tire sur son ombre pour le dos de couverture des albums, et la phrase a suivi. De nouveau, je n'avais pas imaginé qu'elle connaisse un tel retentissement, et je suis très fier d'avoir enrichi la langue française!
- Vous êtes le dessinateur d'un seul héros, ce qui est unique, ou en tous cas exceptionnel. Vous n'êtes pas parfois fatigué de Lucky Luke ?
- Jamais. Et je ne me lasse pas de dessiner, j'y prends toujours le même plaisir. C'est un métier où l'on apprend jusqu'au dernier jour. Récemment, j'ai dû dessiner un personnage qui faisait le signe de croix. Cela n'a l'air de rien, mais cela représente quatre gestes bien distincts, et je me suis évertué longtemps à trouver une façon claire de le représenter en une case. Finalement, j'ai donné quatre bras au personnage, et cela fonctionne à la perfection. C'est un plaisir de résoudre ce genre de petits problèmes techniques.
- Pourtant, un jour, vous avez tué Lucky Luke, pour les besoins d'un film
!- Ah oui, c'était pour un film intitulé "Un choix d'assassin". Le personnage principal, un auteur de BD, perd sa fiancée dans un accident et, de désespoir, il décide de se suicider après avoir tué son héros. J'ai tenu à ce que ce personnage soit Lucky Luke. Dans le film, on voit la dernière planche avec mon cow-boy tué par Joe Dalton, et la main du dessinateur en train d'écrire le mot fin. J'ai eu froid dans le dos en faisant ça. Un auteur ne doit jamais tuer son héros!
- Comment travaillez-vous avec vos scénaristes?
- Avec René Goscinny, c'est moi qui choisissait le sujet,l'événement ou le personnage de la conquête de l'ouest autour duquel allait s'articuler l'histoire. Je le lui proposais, on discutait et je lui fournissais la documentation. Depuis, ce sont les scénaristes qui me proposent des sujets. Mais j'entends jouer un rôle équivalent à celui d'un réalisateur de film. Je dois avoir le dernier mot: si des passages me semblent faibles, je les améliore, et si je trouve des gags qui me plaisent, je les place dans l'histoire.
- Quel est le rôle de vos collaborateurs dans le domaine du dessin?- Ils dessinent les albums de Rantanplan et de Kid Lucky, mais Lucky Luke, je tiens à le faire.
- Seul?
- Oui, oui. J'ai la chance à mon âge d'avoir encore une bonne dextérité manuelle, contrairement à Uderzo, par exemple, qui ne peut plus encrer ses crayonnés.
- Dans vos albums récents, on est frappé par des successions de cases identiques ou à peine modifiées...
- Il est utile d'avoir une photocopieuse! Pas pour aller plus vite, mais dans certains cas, on a besoin que le décor reste semblable à lui-même d'une case à l'autre. Le décor peut aussi devenir gênant, et dans ce cas, je le supprime complètement. Ce n'est pas une façon de tricher pour aller plus vite, mais une méthode pour obenir plus de clareté.
- Quel bilan tirez-vous de ces 50 ans en compagnie de Lucky Luke, ou plutôt ces 51 ans, puisque les festivités ont commencé l'année dernière?
- Lucky Luke est effectivement apparu pour la première fois dans l'Almanach Spirou 1947, paru fin 1946. Nous avons célébré cet anniversaire l'an dernier en Belgique, et cette année en Suisse! Cela dit, je me relis rarement. Quand cela m'arrive et que je regarde des albums anciens, j'ai un double sentiment: je trouve désagréable qu'ils se promènent toujours dans la nature, mais j'ai aussi du plaisir de voir que j'ai fait du progrès! Quand j'ai des insomnies, j'essaie de retrouver les titres de tous les albums que j'ai réalisés. Mais je n'y parviens jamais.

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planche pour le film franco-italien réalisé par Philippe Fourastié, sorti en 1967, "Un choix d'assassins"
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