Pauvre Obélix! Voilà 30 albums qu'il se voit refuser la fameuse potion magique concotée par le druide Panoramix, sous prétexte d'y être tombé lorsqu'il était petit. Il paraissait inévitable que son papa Albert Uderzo le pousse un jour à transgresser l'interdit: c'est chose faite dans "La galère d'Obélix", la dernière aventure des irréductibles Gaulois qui vient juste de débarquer dans tous les rayons BD. Et la galère, le glouton compagnon d'Astérix va la vivre au propre comme au figuré.

Pour avoir désobéi, le gros bougre se retrouve pétrifié, puis il est réduit à l'état d'enfant aux petites fesses bien dodues, dont les Romains font leur otage. L'épisode prend alors la mer, sur laquelle les fiers bâti-ments de Jules César n'ont qu'une maîtrise éphémère, de même que le bateau pirate invariablement coulé. Chevillées à cette odyssée, l'en-ance et la métamorphose ne sont pas seulement source de frustration pour Obélix (il perd force et appétit), elles marquent aussi un retour à l'âge d'or, qu'incarne une mythique Atlantide bien innocente. Est-ce parce qu'elle accoste aux rivages de cette utopie que cette nouvelle aventure semble quelque peu manquer de sel? Elle réserve pourtant son lot de bulles savoureuses, quand on y croise par exemple des galériens, qui, en bons Européens, rament tous sur le même bateau mais ne s'accordent pas forcément sur la direction à prendre.

Cet album n'en restera pas moins dans les annales parce que c'est le 30e de la série, qu'il coïncide avec le centenaire de la bande dessinée et les 50 ans de métier d'Albert Uderzo. Sa longévité et les 280 millions d'exemplaires vendus jusqu'ici dans le monde entier ont valu à Astérix d'être promu à la manière de ses cousins d'Amérique: "Le bossu de Notre-Dame" de Disney est monté dans le train pour sillonner l'Europe, Astérix entame dans quinze jours son tour de France (arrêt dans huit villes, plus Bruxelles) et se paie un site sur Internet.