ACCUEIL | LE NORD ET UN PEU DE BELGIQUE | MARIE CARLIER, LA SORCIERE DE PRESEAU (1630-1645)

 

 

 

 

Note : Préseau est une commune près de Valenciennes (Nord). Le texte ci-dessous a été publié dans un quotidien régional en 1937. "Magie et sorcellerie" font partie de l'histoire et des légendes de la région. Les Cucurbitades de Marchiennes (fêtes malheureusement annulées depuis) nous les rappelaient avec leur "Sabbat des sorcières".

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La Sorcellerie et la Magie existèrent de tous temps. Elles fleurirent à l'aise dans le Passé et, notamment au Moyen-Age, sous le signe de l'obscurantisme et de la crédulité. Le peuple aime le merveilleux : témoins les légendes et contes populaires où règnent les gnomes, les fées, les lutins et les dames blanches, personnages dus aux fantaisies de son imagination.
Cette croyance à la superstition, aux revenants, aux fantômes, au loup-garou, aux lumerettes. mêlée au fanatisme religieux, illustra tragiquement Jusqu'à la Révolution les annales de la torture.


Sorciers

L'homme a toujours eu le besoin de croire. La preuve lui importe peu. Une affirmation suffit. Aussi la croyance aux sorciers fut-elle pendant longtemps en grand honneur et n'est pas encore complètement disparue. Les sorciers de chez nous et d'ailleurs-se présentent souvent à nos yeux sous la forme de vieilles femmes cassées ridées, le nez et le menton en casse-noisette, distribuant aux enfants et aux jeunes filles des maléfices. Il y a aussi les bergers qui se plaisent à gâter la pâte, la crème, le beurre, ou empoisonnent les volailles et les bestiaux: Il y a encore les sorciers facétieux, qui font danser leurs victimes, doctes personnages le pan de chemise aux dents, ou exécutent le Sabbat des airs, enfourchant un manche à balai : il y a les lumerettes ou feux-follets qui exécutent le soir leur danse dorée et tremblante à l'entour des cimetières comme des âmes en peine. Mais il y a surtout les revenants et fantômes des deux sexes, vêtus d'un drap blanc et qui hantent à la nuit, leurs anciennes demeures, en faisant un grand vacarme : secouant les meubles, tirant les oreilles, jetant à bas du lit, vexant misérablement les dormeurs pour leur rappeler une promesse ou les punir de quelque crime. Il y a aussi ceux qui font mourir leurs semblables par des pratiques diverses.


Procès de Sorcellerie

Les procès en sorcellerie furent donc très nombreux et les juges n'étalent souvent que des inquisiteurs. Les sorciers et sorcières étaient considérés comme des créatures du Diable. Par ailleurs, les sorciers ou jeteurs de sort croyaient eux-mêmes à leur pouvoir diabolique. C'étaient souvent des malades, des intoxiqués par des plantes vénéneuses, quelques-uns disaient des Messes noires, parodies païennes des messes religieuses qui équivalaient à vendre leur âme au Diable. Le Démon régnait alors jusque dans les couvents : témoins les religieuses du couvent du Quesnoy-le-Comte, qui furent vexées misérablement par Satan en 1491, pendant plusieurs années, malgré les exorcismes du clergé.

 

Pour n'en citer que quelques-uns : en 1906, Jean Buquet, jeteur de sorts et paysan d'Inchy-en-Artois, fut livré aux flammes avec sa femme, en présence de leurs enfants de 8 et 10 ans, qui furent catéchisés et punis ; en 1636. Piquette Crespin, accusée du même crime, fût brûlée vive sur la place d'Arras ; en 1684, Urbain Orandier, le fameux curé de Loudun, dont nous a parlé Vigny, fut condamné au feu comme magicien, ainsi que la Maréchale d'Ancre, qui fut brûlée en place de Grève comme sorcière, faisant cette admirable réponse au conseiller Courtin, qui lui demandait quel sortilège elle avait employé pour gouverner l'esprit de Marie de Médicis : "Je me suis servi du pouvoir qu'ont les âmes fortes sur les âmes faibles". Et pour clore cette fresque sanglante de la sorcellerie, je citerai Jeanne d'Arc, la plus pure Incarnation de la Patrie Française, brûlée vive à Rouen comme sorcière, après avoir sauvé son Pays.

 

Marie Cartier et la belle demoiselle
En l'an de grâce 1630, naissait à Préseau, village situé entre Valenciennes et Le Quesnoy, des œuvres, dit-on, d'une sorcière et d'un père Inconnu, Marie Carlier. Elle fut, parait-il, initiée dès son jeune âge à la pratique de la sorcellerie. En 1639, sur la route de Valenciennes, Marie ainsi que sa mère furent détroussées et délestées de leurs économies par des soldats, coureurs Français de la garnison de Landrecies, qui rapinaient le Pays. Sa mère lui dit soudain : "Marie, veux-tu obéir à une jeune demoiselle qui te donnera aise et repos toute la vie ? " Oui ! répondit la fillette. Incontinent, elle vit sortir de terre une jolie dame blanche, fine et svelte comme un lys, qui lui demanda si elle voulait renoncer à "chrême et à baptême". La petite avait à peine répondu affirmativement que la dame blanche la marqua au bras, ce dont elle ressentit une grande douleur.


Le Diable

Dans le courant de la même journée, Marie rencontra un serviteur du château voisin, nommé Joly, qui lui fit connaître qu'il était le Diable en personne. Il la déshabilla, l'oignit d'un onguent merveilleux et diabolique. Deux ans plus tard, elle revit Joly, qui lui ayant fait réitérer sa renonciation au baptême, lui remit une poudre qui lui permettrait de réaliser tous les sortilèges. A quelque temps de là, voulant se venger de sa tante avec qui elle habitait à Valenciennes, à l'aide de sa poudre noire, elle fit languir un de ses fils et mourir le deuxième. Marie s’étant confessée quelques jours après à l’église Saint-Jacques à Valenciennes, se trouva en se présentant au banc de communion, dans l’impossibilité d’avaler l’hostie qu’on lui présentait et la cacha sous une pierre. Elle reconnut par la suite s’être donnée au Diable. Elle déclara avoir soufflé de sa poudre dans la bouche de la jeune Pesin, habitant rue Cardon, et celle-ci fut dès lors possédée du Démon et exorcisée en public par les Pères Jésuites.

 

 

Le bras séculier
Ces faits s’étaient répandus en ville, déformés par l’obscurantisme et la crédulité. Le 4 octobre 1643, Marie se rendit à l’église pour se confesser. Arrivée au confessionnal, sa langue de glace dans sa bouche et elle se trouve dans l’impossibilité de parler, elle se retire en faisant connaitre aux fidèles présents qu’elle est ensorcelée par le diable. Elle se rend au parloir des Récollets, qui l'accueillent et la réconfortent. Cependant Marie Carlier se dit toujours possédée et avoue nombre de forfaits à un échevin. Elle a treize ans : elle est si frêle !' Le magistrat hésite, mais la fait cependant incarcérer. Des Jésuites zélés s'en emparent. Son procès est instruit. Elle reste un an et demi en prison. Les docteurs examinent à loisir, avec des soins patients, ce procès qui est pour eux une aubaine. Un médecin paternel eut certes été plus utile en l’occurrence, pour examiner cette enfant malade.


La torture
C'est par un matin charmant de printemps de l'an du Seigneur 1645 que fut exécutée Marie Carlier, dans la grâce fragile et tendre de sa quinzième année. Elle était pâle et mince comme un cierge quand elle fut extraite de la geôle où elle languissait depuis 18 mois, les membres chargés de fers aussi lourds qu'elle. Marie fut bâillonnée et attachée au pilori, sis dans la cour Saint-Denis, derrière l’Hôtel de Ville de Valenciennes. Les portes de la Cour de la Torture furent fermées : le magistrat en grande tenue assistait à ce spectacle. Le bourreau, une sorte d'hercule, décapita cette enfant sans effort, cependant que le soleil levant posait un baiser sur les lèvres décolorées de la martyre. C'est à la lueur des torches que le corps de la sorcière fut enterré, le soir même, à l'Attre-Gertrude, lieu de sinistre mémoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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