ACCUEIL | LE NORD ET UN PEU DE BELGIQUE | PAYSANS DU NORD

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qui constitue la masse profonde d'un Pays ce sont les habitants des campagnes et des villages Chez nous, les villages sont assez rapprochés, distants seulement de quelques kilomètres, parfois ils se touchent presque.


Le village
Il est clair, il est humble, naïf, pittoresque, tantôt sur un coteau, tantôt au creux d'une vallée, sur le bord dune rivière vaseuse, parfois dans une plaine fertile caché parmi les arbres, avec ses toits de tuiles rouges et son église au clocher d'ardoises dont le coq brille au soleil. Approchons du joli village, qui rêve à l’orée du bois cependant que l'Angelus sonne. Au détour du chemin, voici les premières maisons Elles sont bien humbles ces maisons, presque des masures blanchies à la chaux, ou des enfants jouent sont les demeures des ouvriers. Voici un ruisseau bordé de saules où se mirent quelques maisons au charme ancien, où logent sans doute quelques rentiers. C'est à présent le presbytère : le curé haut de couleur, solide, gaillard, travaille dans son Jardin, armé d'un sécateur : il s'affaire autour d'un espalier et s'entretient pendant quelques instants, par-dessus la haie, avec le garde champêtre qui passe dans le sentier. Le maire, homme bedonnant et sur le retour, traverse majestueusement la place du village. Le maire, le curé et l'instituteur sont les manitous du village.

 

Les Fermes
Dans un sentier sauvage et perdu, voici une exquise et vieille chaumière ; on serait à peine étonne d'en voir sortir Marie-Antoinette jouant à la fermière avec ses dames d'honneur. A présent, ce sont les fermes. Il y en a dans les pâtures, les chemins écartés, au centre du village ou se penchent toutes blanches au bord de la rivière. Elles se ressemblent fort les fermes de nos villages. Chez nous, elles ne font généralement pas la grande culture, ni les vastes exploitations agricoles dotées d'un important personnel. Le fermier de l'Avesnois, par exemple, travaille en famille avec quelques ouvriers dans les périodes d'activité. Citons aussi le petit ménager qui possède une couple de vaches, des volailles et quelques coins de terre qui lui permettent de vivre modestement mais honnêtement. Aux alentours des fermes on peut voir la fermière ou sa fille qui s'en vont traire, dans les pâtures lointaines, accompagnées d'une "kane", grand récipient de forme ancienne posé sur une voiturette rudimentaire, qui fait grand bruit, réveillant les dormeurs au point du jour, véhicule que traîne souvent un fort chien.


Intérieur
Entrons à la ferme. Elle est propre. La cour où les poules, les pigeons et les canards s'ébattent à leur aise, est tenue avec ordre. Les étables, blanchies à la chaux, aux mangeoires bien garnies, abritent le bétail au pelage reluisant. Un "carin", où sont remisées les voitures, s'appuie contre une grange qui fleure une bonne odeur de foin. L'intérieur de la maison est ordonné Le sol est recouvert de carreaux rougis à la brique. Comme on le dit à la campagne, "on pourrait manger par terre". Les meubles, tables, bahuts de chêne, vieux lits très hauts avec des rideaux à fleurs, grandes glaces dorées, étagères ouvragées, lampes suspendues au plafond, entourées de gaze, photos et chromos accrochés aux murs ; le tout disposé avec goût indique les qualités domestiques de la fermière. L'homme est sur les champs, la fermière dans la cour et la jeune fille, dans la pièce voisine, surveille un appareil électrique qui fait le beurre très rapidement. Les vieux parents s'occupent à des travaux légers, cependant que dans la ferme en pleine activité les animaux font entendre leurs cris familiers.

 

Types
Voyons quelques types de paysans. La fermière est tantôt une gaillarde au verbe haut, au geste énergique, bien plantée qui fait "son homme" à la maison et "porte la culotte" dans le ménage C'est parfois une grande blonde sèche, acariâtre et fiérotte ou une brunette diligente comme la fourmi du bon La Fontaine. La Jeune fille est fraîche, ses joues sont rouges comme des pommes, elle est mignonne, mais dans les villages forestier, elle est taillée comme un cuirassier. Regardez l'homme, il est fort comme un bœuf dont il a l'encolure, ses voisins sont l’un maigre comme un sarment, le visage ascétique, l’autre haut comme une botte, le visage poupin grand trousseur de cotillons et aimant le vin plus que de raison. Le paysan, notamment en vieillissant, est peu sensible aux recherches vestimentaires et porte ses habits de mariage pendant de nombreux lustres. Sa table n’est pas variée : il vit de ses produits. Il n’est guère accessible aux choses de l’esprit.


Mœurs paysannes

La grande loi du paysan, c’est l’instinct ancestral. Vivant près de la terre et du bétail, il demeure un peu fruste. L'homme de l’ usine obéit au métier, celui des champs est commandé par la nature dont il suit docilement les œuvres de l'aube à la nuit. L'instinct puissant qui préside à la vie du paysan, c’est la possession. Cet Instinct vieux comme le monde : posséder, envahit la vie de l’homme des campagnes. Cet amour de la propriété revêt chez lui une forme particulièrement âpre. Posséder, économiser, acquérir de la terre, c'est sa grande raison de vivre. Avancer son champ ou la haie de sa pâture pour gagner un pouce de terrain sur le chemin ou au détriment de son voisin est pour lui un plaisir rare. Il ne cède d’ailleurs jamais, pour quelque raison que ce soit, un morceau de sa terre. On ne peut pas dire qu’il vit largement, toutefois aux jours de fête, tout est répandu à la ferme. Les agapes familiales une ou deux fois l’an frisent la ripaille. Les estomacs consomment d’impressionnantes quantités de victuailles, et les gibiers sont arrosés de larges flots de bière, de cidre, de vin et d’alcool. On mange et on boit une partie de la soirée. Bon nombre de paysans considèrent l’ivresse d’un franc-buveur comme une prouesse dont ils sont fiers. L’amour aux champs est souvent près de l’instinct fait de simples et naturels et n’a rien de cérébral. L’homme de la ferme n’enveloppe pas ses mots dans la soie légère de l’esprit et de la métaphore : les actes lui suffisent. Il vit simplement en famille. Par ailleurs, il est dur pour lui-même et pour les autres. Il ne va guère au spectacle et lit peu. Le notaire, l’huissier et le juge de paix sont ses principaux auxiliaires. La tradition supplée chez lui à la pensée. Il est l’ennemi du changement, surtout en matière politique ; il est d’essence conservatrice. Il vit en bons termes avec le prêtre sans être dévot.

 

Main d'œuvre

L'ouvrier agricole a été remplacé par la machine. Le temps des "piqueteurs" et des "batteurs en grange" est révolu. Les jeunes hommes de nos villages se dirigent vers les fonctions publiques : bon nombre de fonctionnaires de toutes catégories et de militaires sont issus des campagnes. L’homme des champs, qui a peiné toute sa vie pour un salaire souvent modique, aime à faire de son fils un "monsieur" qui sera instruit et gagnera largement son existence. L’ouvrier se tourne vers les centres industriels où les salaires sont plus élevés. Le cultivateur de chez nous emploie présentement beaucoup d’hommes sur le déclin ainsi que les jeunes gens de l’Assistance Publique. Fermiers et ouvriers agricoles vivent familièrement, mangent souvent à la même table.


L'Homme des champs...
L’homme des champs a un aspect moins séduisant que le cadre charmant dans lequel il vit, qui a l'air d'une image d'Epinal d'où s'exhale une poésie intense. Il y a bien quelques ombres au tableau réaliste de « La Terre » qu'a immortalisé Zola, mais le paysan, dans sa simplicité un peu fruste, est le dépositaire fidèle de la tradition et des vertus légendaires du terroir : courage, ténacité, économie, respect de la famille qui illustreront longtemps encore la fresque ardente de l'Humanité.

 

article de presse régionale publié en 1938

 

 

 

 

___________________________________________

 

L'on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes

 

Jean de La Bruyère - Les Caractères (XVII° siècle)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  ACCUEIL | LE NORD ET UN PEU DE BELGIQUE | PAYSANS DU NORD

 

 

bachybouzouk.free.fr