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Hubert, le garde-chasse effectue une ronde de surveillance dans l'immense foet de la Fagne qui s'étend sur les Ardennes belges et françaises.

 

 

 

Il aimait ces nefs glauques des sous-bois ; marchant sur des aiguilles glissantes et dorées, humant l'odeur de la résine ; écoutant les bavardages des oiseaux et le bourdonnement des insectes, il était pleinement heureux dans ces promenades solitaires. Mari sincèrement épris, père de famille en adoration devant ses enfants, Hubert était poète à sa manières. Il sentait la splendeur des futaies, la pureté des plaines, la grandeur de la nature. Tout cela le pénétrait d'une profonde émotion dont vibrait son cœur et dont s'épanouissait tout son être. Oh ! Il ne cherchait pas à exprimer, à extérioriser le frisson dont l'emplissait la jeunesse éternelle des forêts et l'ardeur toujours neuve de la terre. Il connaissait les chants des oiseaux et comme eux, de la voix, il savait dire leurs appels. Imitant de la main le vol perpendiculaire de l'alouette, il grisollait à s'y méprendre son léger tirelire. Il carcaillait ou margottait comme une caille, quand, entre ses dents il répétait : "Paie tes dettes !" Il fredonnait avec des douceurs de fauvette ; il sifflait comme le courlis, comme le loriot, comme le merle. Des lèvres, il frigottait, pépiait, tour à tour pinson, moineau ou tout autre oiseau. Les cris des bêtes, glapissement de lapins ou de renards, n'avaient aucun secret pour lui. Le palpitement de cette vie presque secrète des taillis et des plaines l'enchantait, et dans la solitude des grands horizons ou le recueillement des frondaisons , redevenant comme un homme de la nature, ignorant des préjugés et des conventions de la civilisation, il s'identifiait avec le lyrisme de la création et se grisait d'enthousiasme.

Coupant à travers champs, de la sortie du bois de Beauchamps à l'orée de la haute futaie du parc de Chimay, i admira la traînée d'or, d'orange, de pourpre et de feu du couchant et les reflets cuivrés qui s'étalaient sur les sillons.

Rencontrant un paysan, il s'attarda à bavarder avec lui des promesses des cultures, des arbres fruitiers et des probabilités atmosphériques. A l'entrée du parc, il s'assit un moment à la terrasse du pavillon du garde, but un bol de café, et, quand il se remit en route, bien que le soir commençât à tomber, il fit un détour par le coteau boisé, où clairière taillée à la française, s'ouvrait le grand rond -de-danse. Là, il y avait des emplacements spéciaux pour affûts.

L'ombre humide, plus sombre sous les grands arbres frissonnants, précédait et suivait le marcheur. Un sentier l'avait mené à une allée. Obscur couloir, avec des zones rayées de hachures d'estompe, cette venue montait vers une trouée quasi féeriquement illuminée d'une blanche coulée lunaire. Sans être surpris de cette brusque tombée de la nuit, fréquent phénomène des régions forestières, Hubert allait de son pas régulier et pesant d'Ardennais, et, mordant le tuyau de corne de sa pipe, il aspirait de temps en temps une bouffée de fumée.

Soudain, toutefois, sans ralentir ses foulées, il s'efforça d'en amortir la cadence, et, penchant la tête, tendit l'oreille.

Un imperceptible bruit, étrange au rythme nocturne des halliers et de la futaie, avait trompé son ouïe. Quelqu'un, un peu plus haut, avait dû bouger, puis s'arrêter ; des souliers à clous écrasaient le tapis de fanes des bords du chemin.

Hubert, sûr de son fait, enleva sa pipe d'entre ses dents et, marchant encore, mais cette fois sans presque toucher le sol, il lança de sa voix nette et claire :

- Qui va par là ?

Il y eut un mouvement dans le taillis ; mais personne ne répondit.

 

 

Maurice Gauchez

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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