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Cette "neuve" rue est vieille de quatre siècles ; c'est, en effet, au 16e siècle qu’elle fut créée, sur les lieux d’une impasse qui mettait en communication la place du Marché (l'actuelle place du Gènéral-de Gaulle) et la rue des Tanneurs.

Mais pourquoi ce nom de l'Epi nette ? C’est ce que vous allez savoir :

 

HOTEL DE L’EPI NETTE

Avant la rue Neuve actuelle, se trouvait, comme nous l'avons dit, une impasse. Elle est nommée sur divers plans de l’époque comme "de l’Epinette" à cause d’unj hôtel du même nom qui se trouvait en ce lieu. L’hôtel, lui-même, devait son nom à un terrain à proximité sur lequel se livraient les joutes célèbres de l’Epinette, qui resplendirent d'un très grand éclat du 12e au 16e siècle.

C’est aux abords de cet hôtel que se tinrent les premiers tournois. C’est en ce lieu que se rendaient les plus nobles et les plus puissants personnages pour faire preuve de force et de bravoure.

 

LES FETES DE L’EPINETTE

L’origine des joules en Flandre n'est point connue. Le célèbre tournoi d’Anchin (près de Douai) date du 11e siècle et on trouve dans certains manuscrits "que le Concile de Lyon, en 1244. en publiant une croisade contre les Sarrazins, maîtres de le Terre Sainte, défendit de faire des tournois pendant cette guerre".

On raconte (mais que ne dit-on pas...?) que Saint Louis assista aux premiers tournois de l’Epinette. Cette opinion est assez contestée par les historiens lillois.

Nées sous les Comtes de Flandre, ces fêtes furent surtout brillantes sous les Ducs de Bourgogne.

Ensuite, Charles-Quint les ajourna quelque temps, puis, en 1556, Philippe II les abrogea.

 

LES USAGES

Voici comment l’usage avait constitué ces fêtes : Le dimanche avant le carême (qu’on appelait le Dimanche-Gras), le Roi de l’Epinette (c’est- à-dire celui qui avait été le vainqueur du tournoi de l'an passé) réunissait autour d’une table somptueusement garnie les principaux de la ville et tous les anciens rois. On élisait alors le candidat qui devait présider la fête prochaine. Le surlendemain (Mardi-Gras), il était conduit en cortège sur la place du Marché.

Là, un héraut d’armes lui présentait une branche épineuse (l’épinette), symbole de sa royauté passagère, qui devait lui rappeler qu’il lui fallait aller honorer la Sainte Epine déposée au Couvent des Dominicains, non loin de la rue Basse. Tout le peuple acclamait le nouveau roi de l'Epinette et le reconduisait triomphalement chez lui, où un pantagruélique banquet et un bal terminaient la journée.

 

LES JOURS SUIVANTS

Le Mercredi des Cendres, on se réunissait pour régler tout ce qui avait rapport au prochain tournoi et, le vendredi, le roi se rendait à Templemars pour y honorer Saint Georges.

C'était prétexte à cortège : en plus des chevaliers et de leurs valets, de nombreuses dames s’y rendaient, montant "en amazone", Grand banquet au retour de ce pèlerinage, mais "les dames n'y étaient point admises".

Signalons que le vainqueur des joutes, après les combats de l’Epinette, se rendait lui aussi à Templemars pour consacrer son armure au Prince de Cappadoce.

Le programme du samedi était copieux : tout d'abord des revues (des "monstres" comme on les appelait alors), puis un grand banquet. On nous a communiqué le menu d'un banquet donné en 1485 : 13 plats de viande pour 208 personnes. Quant au prix, il y est signalé que les diverses sortes de vin coûtèrent 38 livres, 18 patards. Empressons-nous d'ajouter que dans cette somme sont compris les salaires du héraut, des trompettes, des ménestrels et des serviteurs.

 

LE TOURNOI DE L’EPINETTE

Divers auteurs ont détaillé les tournois. Nous empruntons à Victor Derode sa description : Le Roi de l’Epinette et sa Reine s’asseyaient sur les trônes, ayant à leurs côtés et derrière eux, leur cour et les grands seigneurs. Les Ducs de Bourgogne et même des rois de France y figurèrent.

Le prix de l’Epinette fut gagné en 1453 par le comte de Charolais et Louis XI, en personne, vint tout exprès de Tournai, en 1463, pour jouter contre Baudechon Gomer, le roi de l’Epinette d’alors. En 1423, Philippe le Bon y figura et lutta contre le Lillois L. Delobel.

De nombreuses dames et damoiselles prenaient place sur des "échafauds qui estaient dressez et parez". Les spectateurs placés, plus de 200 chevaliers entraient en lice en faisant caracoler leurs chevaux. Les combattants passaient devant l’estrade d’honneur, saluaient le Roi de l’Epinette et les grands seigneurs et se rangeaient à l'écart.

Puis les joutes commençaient. Les trompettes donnaient le signal et deux chevaliers s'avançaient à la rencontre l'un de l’autre, séparés par une cloison. Lance en main, ils cherchaient réciproquement à s’atteindre. Les combats finis, les hérauts s’emparaient des armes des concurrents. Celui qui avait désarçonné ou renversé le plus de rivaux était proclamé vainqueur. Il recevait alors l’accolade des quatre plus belles damoiselles qui le menaient à travers la ville en le tenant par quatre rubans d’or.

 

LA MORT DU ROYAUME DE L’EPINETTE

Ce fut en 1438 que Philippe de Valois défendit les tournois dans fout son royaume. Mais il eut une dérogation spéciale pour les Lilois et par lettres spéciales (datées de Vincennes, le 4 février), il autorisa la continuation des joutes de l'Epinette. Charles le Téméraire, en 1475, défendit la fête de l’Epinette, mais pour éviter que nos aïeux se révoltent, il revint sur sa décision et reporta la fête au "Gras-Dimanche".

Mais on sentait que le Royaume de l’Epinette avait fait son temps et, après 250 ans de vogue, on commença à s’en lasser...!

De 1500 à 1516, le Magistrat lui fit "faire relâche". En 1516, il la suspendit de nouveau pour dix ans. Charles-Quint, en 1527, prolongea cet arrêt pour douze autres années. Ces réjouissances n’étaient pas sans coûter beaucoup d'argent et l'Empereur sur l’Empire duquel "le soleil ne se couchait pas" consacra les fonds ainsi épargnés à bâtir, près de la rue du Bois St-Etienne : la Prison et le Poids Public.

Nouvelle prolongation de 10 ans en 1536 ; une somme de 3.000 carolus d’or est alors employée à la construction d’une chaussée qui "partant de la Porte des Malades irait jusqu’à la Justice".

Finalement, en 1551, on en arrive à payer pour ne plus faire la fête de l’Epinette, 800 livres par an aux Domaines. (Cette administration existait déjà !).

Philippe II, en 1556, abolit totalement ces réjouissances et défense fut faite aux échevins de les rétablir.

Et c’est ainsi que moururent les fêtes de l'Epinette qui avaient attiré tant de monde dans notre bonne ville.

 

publié en 1953

 

 


 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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