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l'article de cette page a été publié en 1957

 

 

La fosse 18 de Lens, un des puits les plus modernes de la région. Observer la forme nouvelle du chevalement, la netteté des bâtiments d'exploitation (dont on ne voit qu'une partie).

Au premier plan, une voie ferrée de raccordement. La hauteur d'un chevalemenl varie de 30 à 60 mètres.

 

 

Situation géographique

 

e que l'on appelle — abusivement — le pays noir constitue une région fortement individualisée au point de vue humain. Il s'étend, en forme de croissant, sur deux départements, le Nord et le Pas-de-Calais, depuis la frontière belge jusqu'aux environs d'Aire-sur-la-Lys. Si sa longueur atteint 120 km, sa largeur n'excède pas 20 km. Limité au Sud par les collines d'Artois — altitude moyenne 100 à 150 m — contre lesquelles il vient s'infléchir, il se confond insensiblement au nord avec la plaine de Flandre.

Au point de vue géologique, le pays repose sur un socle primaire, qui a été recouvert de sédiments secondaires, puis d'argile tertiaire, épaisse d'une centaine de mètres. Cette argile a été à son tour également recouverte d'un limon, d'une épaisseur variable, et analogue au loess.

De ces brèves indications géologiques, deux faits sont à retenir, dont l'importance est capitale pour la géographie humaine :

1° Existence d'un limon fertile, particulièrement propre à la culture.

2° Existence d'un socle primaire sur lequel se sont constitués les dépôts de houille à l'époque carboniférienne. De là résulte la double vocation de la région, qui est à la fois agricole et industrielle.

 

L'activité agricole

 

A. C'est la plus ancienne. Des éléments favorables ont permis sa naissance et son développement. A la fertilité du sol, il faut ajouter le climat, de type océanique, sans froids excessifs, et régulièrement humide. Toutefois, la part de l'homme a été loin d'être négligeable. L'épaisseur du limon fertile est en effet très variable. Il a fallu améliorer certaines régions. La plaine de Lens, par exemple, doit sa fertilité actuelle autant peut-être au travail patient des générations qu'à la nature du sol. L'utilisation des engrais, naturels d'abord, chimiques ensuite, a été de ce fait particulièrement importante.

Le développement de l'activité industrielle, loin de ralentir celui de la vie agricole, l'a au contraire stimulé.

1° L'énorme expansion démographique assure des débouchés faciles et immédiats.

2° Les usines d'engrais chimiques sont sur place, ce qui facilite l'achat de ces produits.

3° L'extraordinaire expansion démographique et économique a entraîné une hausse des terrains telle que, pour que l'exploitation soit rentable, il est de toute nécessité d'obtenir de très hauts rendements, ce qui n'est possible que grâce à une modernisation et une rationalisation sans cesse accrues.

Le maintien et le développement de l'activité agricole, conjointement au développement de l'activité industrielle, donnent au pays sa physionomie particulière. Les cultures s'avancent jusqu'au pied du terril ou du puits de mine.

B. Les cultures sont celles de terres riches, c'est-à-dire essentiellement :

— Le blé, dont le rendement atteint couramment 33 ou 34 q à l'hectare ;

— La betterave sucrière; le département du Pas-de-Calais occupe après l'Aisne le second rang parmi les départements producteurs. A ces productions, il convient d'ajouter :

— Le lin, dont la culture traditionnelle est en recul ;

— Les légumineuses (pois, haricot), surtout dans le Nord, en bordure de la Flandre proprement dite (rendement : 20 q à l'hectare).

C. La richesse agricole du pays a déterminé l'implantation d'industries alimentaires, qui ont bénéficié par la suite de l'essor industriel de la région.

Les plus importantes sont :

— Les brasseries, la bière étant la boisson régionale ;

— Les sucreries; le Pas-de-Calais, dans son ensemble, produit les 13,5 % de la production métropolitaine. A Corbehem, une des sucreries de la Société Béghin traite 4 000 t de betteraves par jour, ce qui la classe au deuxième rang des sucreries françaises.

D. L'industrie textile, conséquence de la culture du lin et de l'élevage — ancien — du mouton, est surtout concentrée dans la région de Lille-Roubaix-Tourcoing. Il faut noter toutefois que :

1° Une partie importante de la main-d'œuvre nécessaire aux usines de la région de Lille est originaire du bassin minier. Chaque matin des autobus conduisent les jeunes filles et les femmes aux usines à 30 ou 40 km, et les ramènent le soir ;

2° Une industrie textile moderne (filature de fibres artificielles et synthétiques) est en train de s'implanter dans la région est du bassin minier, à Douai notamment. A Valenciennes enfin persiste la tradition qui a fait jadis la réputation mondiale de ses dentelles.

Cultures et industries dérivées représentent à elles seules une richesse telle qu'un annaliste anonyme pouvait écrire en 1792 : "La nature n'a doté l'arrondissement de Béthune d'aucune richesse minière, mais son agriculture, grâce au travail de l'homme, y apparaît florissante." Il a suffi pourtant de quelques années pour que cette richesse apparaisse comme secondaire. D'agricole, l'économie de la région est devenue hautement industrielle, et ce, grâce à une découverte capitale, celle du Bassin Houiller du Nord et du Pas-de-Calais.

 

 

Le "pays noir" à Lens (vue aérienne) - Observez, au centre, le carreau de la mine avec le puits reconnaissable à son treuil et les bâtiments d'exploitation.

Au premier plan : les corons. Au second plan, les terrils, véritables collines provenant des terres stériles remontées en même temps que le charbon.

 

 

 

Le bassin houiller

 

A. - HISTORIQUE

a. Les recherches vers l'est

A la suite du traité d'Utrecht, le Hainaut est partagé en deux. Charleroi et Mons, où l'on extrayait déjà du charbon, sont de l'autre côté de la frontière. La question se pose de retrouver du côté français la piste du gisement qui doit probablement poursuivre sa course plus profondément chez nous. Les recherches commencent dès 1716, entreprises par un officier de cavalerie, Désandrouin, un avocat, Taffin, et un spécialiste du borinage, Mathieu. Pénibles et décevantes, elles ruinent presque complètement les pionniers. Mme Taffin en meurt de chagrin. Mais, le 24 juin 1734, — soit dix-huit ans après le début des recherches — on rencontre le charbon à 74 m sous terre, à Anzin.

Ce succès attire d'autres chercheurs, qui finalement groupent leurs efforts en une compagnie unique, celle des Mines d'Anzin. A la veille de la Révolution, cette compagnie occupait déjà 4 000 mineurs et produisait 280 000 t annuelles.

b. La marche vers l'ouest

Logiquement, le gisement devait se poursuivre vers l'ouest, unissant la Ruhr à la Grande-Bretagne. Pourtant, les sondages effectués ne donnèrent d'abord pas de résultats : c'est qu'en effet le filon, contrairement à ce qu'on croyait, au lieu de continuer sa trajectoire en ligne droite, subissait un décrochement vers le nord-ouest.

Un heureux hasard permit d'en retrouver la trace : en faisant creuser un puits dans son jardin, une habitante d'Oignies, Mme de Clercq, au lieu d'eau, rencontra le charbon. C'était en 1841. A partir de cette date, les trouvailles et les concessions se multiplient. Vers 1875, une troisième phase de développement étendit vers le sud les concessions déjà existantes de Courrières, Liévin-Grenay, Bruay. Le bassin prit alors sa physionomie actuelle et s'organisa autour des centres de Valenciennes à l'est, Lens au centre, Béthune à l'ouest. Plus à l'ouest, il est probable que le filon continue, mais trop profondément pour que l'exploitation soit intéressante. Il resurgit d'ailleurs assez curieusement près de Boulogne, à Marquise, avant de s'enfoncer sous la Manche.

c. La concentration des exploitations

Artisanale d'abord, l'exploitation prit assez rapidement la forme de sociétés. Nombreuses et devenues puissantes, celles-ci furent longtemps indépendantes. La guerre de 1914-1918, qui coupa en deux le bassin, ne laissa intactes que les mines situées à l'ouest de Lens. D'une part il fallut faire face, la paix revenue, à cette nouvelle situation. D'autre part, des fusions et des absorptions avaient réduit le nombre des sociétés à 18. Un « Groupement des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais » fut alors constitué pour s'efforcer de donner une unité économique à l'ensemble du bassin. Mais ses efforts furent entachés par le malthusianisme qui caractérisa souvent l'industrie française entre les deux guerres. Avec l'apparition de la crise économique, on put assister à un premier effort de concentration. Mais l'essentiel fut accompli depuis la Libération, avec la nationalisation des Houillères. Le Bassin comprend désormais 8 groupes : Valenciennes, Douai, Oignies, Hénin-Liétard, Lens-Liévin, Béthune, Bruay, Auchel, qui constituent de grandes unités techniques, et qui relèvent d'une direction générale, à Douai. Cette unification ainsi que le statut juridique particulier de l'entreprise nationalisée ont permis une transformation profonde des conditions d'exploitation du Bassin.

B. — CARACTÉRISTIQUES DU GISEMENT

Il est constitué par une trentaine de nappes charbonnières, appelées veines, séparées par des épaisseurs variables de terres stériles. La profondeur, qui varie entre 300 et 980 m, se situe en moyenne aux environs de 500 m.

Le gisement présente trois caractères principaux, dont deux sont défavorables.

a. Caractères défavorables

1° Contrairement à la plupart des autres gisements, celui du Nord et du Pas-de-Calais a été affecté par le contre-coup des plissements alpins. Il en résulte :

— Une structure compliquée ;

— De nombreuses failles ;

— Des veines souvent fortement en pente au lieu de s'étendre horizontalement.

2° Les veines sont de faible épaisseur, 1 m en moyenne, pour s'abaisser assez souvent à 50 cm. Il n'est donc pas question d'utiliser les engins qui donnent aux mines américaines, dont les veines horizontales sont épaisses de 2 ou 3 m, des rendements hallucinants.

b. Caractère favorable

Par contre, le gisement présente une grande variété de produits. A titre d'exemple, voici leur répartition pour l'année 1956 :

Flenus : 5,9 %

Gras : 38,2 %

Demi-gras : 18,6 %

Maigres : 27,3 % Cette variété dans la production permet de s'adapter facilement à la demande de la clientèle.

C. - LA MODERNISATION

Malgré ces conditions, dans l'ensemble assez défavorables, un très gros effort de modernisation a été accompli au cours de ces dix dernières années.

Sans doute, il existe encore des chantiers d'exploitation traditionnelle, où l'outil principal d'abattage demeure le marteau-piqueur. Mais la transformation de la mine est une réalité qui s'affirme chaque jour davantage. Elle se caractérise par :

— La concentration ;

— La mécanisation.

a. La concentration. — Afin de pouvoir utiliser pleinement les techniques modernes, il est nécessaire de concentrer au maximum les moyens dont on dispose. Cette concentration aboutit :

— A la fermeture d'un nombre important de sièges ou puits de mine. De ce fait, le nombre total des sièges en exploitation est passé de 109 en 1945, à 76 en 1955 et 70 en 1956 ;

— A la transformation des sièges existants, ou à la construction de sièges nouveaux, puissants, rationnellement équipés, et groupant toutes les installations secondaires nécessaires. b. La mécanisation. — Elle présente deux aspects :

1° Un accroissement de la puissance installée. Cette puissance est essentiellement liée à l'électrification. A titre indicatif, on peut noter que la puissance des moteurs en service est passée de 19 500 kW en décembre 1952 à 57 900 en octobre 1956. Cet accroissement permet l'utilisation de machines de plus en plus puissantes, comme celles des machines d'extraction qui sont capables de remonter le charbon du fond, sur des hauteurs de 500 à 900 Hl, à des vitesses atteignant verticalement 70 km à l'heure, et d'extraire ainsi d'un seul puits jusqu'à 6 000 t en 14 h de marche.

2° Un emploi généralisé de machines-outils. C'est là le facteur essentiel de la transformation. On peut distinguer trois types de machines :

— Celles qui permettent de forer les galeries, soit à travers le rocher, soit à travers le charbon ;

— Celles qui permettent d'abattre le charbon : la haveuse est une sorte de scie circulaire qui entaille la muraille de charbon à la base ; le rabot racle le charbon et en détache les blocs comme un rabot de menuisier arrache à une planche des copeaux de bois ;

— Celles qui permettent d'évacuer le charbon : les pelleteuses mécaniques qui le chargent dans des berlines dont la capacité atteint maintenant 3 m3 ; les convoyeurs blindés, sorte de gouttières dans lesquelles tombe le charbon, qui est automatiquement acheminé jusqu'à la benne d'extraction, dont la capacité a d'ailleurs été souvent accrue de façon considérable. Si c'est au fond que la mécanisation a revêtu l'aspect le plus spectaculaire, elle s'est manifestée également dans les installations du jour, où la plupart des opérations (manutention, lavage, triage, criblage) s'effectuent automatiquement.

3° La mécanisation a permis d'accroître la sécurité, notamment :

— En remplaçant les étais de bois par des étançons métalliques, ce qui diminue les risques de chutes de pierres et d'éboulements ;

— En amenant de l'eau sous pression, lors des forages, afin de lutter au maximum contre la novicité des poussières, laquelle est responsable de la plus redoutable maladie professionnelle du mineur, la silicose, qui est une dangereuse maladie pulmonaire.

D. - CONSÉQUENCES ET RÉSULTATS

A. Conséquences

La modernisation a entraîné des conséquences diverses. La plus importante a été la réduction des effectifs pour un rendement accru. Cette réduction considérable est à rapprocher de l'accroissement encore plus considérable de la puissance des moteurs en service, celle-ci conditionnant manifestement celle-là.

B. Résultats

1° Production totale

Elle se situe aux environs de 30 000 000 de t annuelles (chiffre de 1956 : 28 583 170 t, soit 500 000 t de moins qu'en 1955), c'est-à-dire un peu au-dessus de la production de 1938 (28 238 492 t), mais en dessous du chiffre record de 1929 : 35 000 000 de t. En 1945, la production n'était que de 21 000 000 de t. Elle représente à l'heure actuelle un peu plus de la moitié (52 % exactement) de la production nationale.

2° Rendement

Si le chiffre de production est demeuré constant, ce résultat a été acquis avec un nombre de mineurs de moins en moins élevé, ce qui signifie que le rendement s'est accru sensiblement. Ce rendement est mesuré par le rapport entre le nombre de mineurs travaillant au fond et le nombre de kilogrammes de charbon extraits en un jour. De 1 000 kg en 1949, le rendement s'est élevé à 1 500 en mars 1956. Le rendement net moyen pour l'année 1956 est un peu inférieur, mais, avec 1 484 kg, il est en augmentation de plus de 30 % par rapport à celui de 1936.

3° Perspectives d'avenir

Comme tous les gisements, celui du Nord - Pas-de-Calais tend à s'épuiser. Au rythme actuel de l'extraction, ses réserves semblent toutefois devoir lui assurer une existence supérieure à un siècle. Mais le vieillissement ne s'est pas produit partout avec une égale rapidité. Pour de multiples raisons, dont l'une a été l'exploitation intensive dont elle a fait l'objet pendant la guerre de 1914-1918, la partie ouest du bassin a tendance à s'épuiser plus rapidement. Dans cette région, c'est-à-dire celle de Bruay-Auchel, 13 fosses ont dû être fermées. Par contre la région est, du côté de Valenciennes, présente des possibilités d'expansion. Un transfert de main-d'œuvre a pu s'organiser. A ce jour 4 000 familles (environ 25 000 personnes) ont pu ainsi se déplacer de l'ouest vers l'est du bassin.

 

 

 

Un jumbo, machine armée de tiges perforatrices pour creuser des galeries dans le charbon ou le rocher.

A l'intérieur des tiges creuses est injectée de l'eau, afin de réduire la poussière et de diminuer les risques de silicose. C'est cette eau en excès que l'on peut observer sur le sol.

 

 

Une taille de charbon. Remarquez les élançons métalliques avec leurs rallonges en porte à faux. Au premier plan, le convoyeur blindé.

 

 

 

L'activité industrielle

 

1° LES INDUSTRIES MÉTALLURGIQUES

A. Certaines de ces industries existaient avant la découverte de la houille, mais elles n'ont réellement pris leur essor qu'avec son exploitation, qui leur a fourni une énergie abondante et relativement bon marché (pas de frais de transport).

B. Riche en énergie, la région toutefois est défavorisée par rapport à une autre région comme la Moselle, car son sous-sol ne recèle pas de minerai. Toutefois, l'industrie métallurgique, qui s'était implantée, s'est non seulement maintenue, mais développée à cause :

— De la main-d'œuvre abondante ;

— Du débouché très important que représente la clientèle locale (équipement d'usines, de centrales électriques, de mines)

— De la facilité des communications (extrême densité du réseau ferré, en cours d'électrification) et notamment des communications par voie d'eau. Bien que le réseau navigable, soit loin de présenter les caractéristiques des réseaux voisins de Belgique ou d'Allemagne, que l'accessibilité en soit limitée aux péniches de 300 t dans le bassin minier et de 280 t sur certaines artères affluentes (au lieu de 2 000 t dans la Ruhr), et que le débit des ouvrages d'art, trop anciens, soit nettement insuffisant, néanmoins le rôle joué par les canaux et les rivières est considérable. Le tonnage chargé ou déchargé s'élève à plus de 13 000 000 de t (13 570 323 t en 1955). Principaux ports : Béthune, La Bassée, Lens, Douai, Denain, Valenciennes.

C. Essentiellement localisée à l'est du bassin, cette industrie est surtout une industrie lourde : hauts fourneaux, fonderies, tubes, produits laminés, etc. La place de la Sidérurgie du Nord dans la production française est considérable et en progression.

Quelques exemples.

A Denain, l'usine de la Société Usinor, avec 4 hauts fourneaux, 3 aciéries Martin, 1 aciérie Thomas, produit plus de 100 000 t d'acier par mois. La plus grande partie de ce tonnage est réservée à l'alimentation de son train de laminage continu à chaud.

Cette même société construit actuellement un haut fourneau dont le creuset aura 7,25 m de diamètre, ce qui en fera la plus grosse unité de France.

En 1956, la production d'Usinor a dépassé 2 000 000 de tonnes d'acier sur une production française totalisant environ 13 000 000.

La Société Lorraine-Escaut fournit les tubes nécessaires aux exploitations de pétrole. Elle a notamment fabriqué les tubes spéciaux devant résister à la corrosion du soufre nécessaires pour les installations du gaz de Lacq.

Les chaînes et ancres du paquebot Normandie avaient été forgées à Saint-Amand-les-Eaux.

A Douai, aux Usines Arbel, la presse Clearing, unique en Europe, permet d'emboutir à froid des tôles de 11 m de longueur.

Une partie du matériel roulant de la S. N. C. F. provient également de la région. La locomotive électrique qui a battu le record du monde à plus de 330 km à l'heure comporte un équipement de traction provenant des ateliers de Jeumont.

Quelques chiffres.

Dans l'arrondissement de Valenciennes, la métallurgie emploie 40 000 personnes, dont 13 000 pour la sidérurgie proprement dite et 27 000 pour les industries de transformation.

2° LES INDUSTRIES DU CHARBON Si le charbon a permis l'implantation et le développement d'une industrie métallurgique lourde, il n'en est qu'un élément. Par contre, il existe des industries qui vivent plus directement encore du charbon, puisqu'elles le prennent comme matière première. Ces industries peuvent se ranger en :

— Production d'énergie ;

— Production de produits chimiques.

A. Production d'énergie.

La production d'énergie au moyen d'usines électriques thermiques est une nécessité : elle permet en effet d'utiliser des charbons de médiocre qualité, qui seraient difficilement commercialisables : pulvérulents, mixtes, schlamms.

La puissance installée a triplé depuis 1938, passant de 1,8 milliard de kWh à 5,326 milliards de kWh en 1956. Les ventes de courant électrique ont suivi la même progression.

Aux centrales de moyenne pression se substituent des centrales haute pression, plus économiques, et de puissance élevée. Quatre d'entre elles (Violaines, Harnes, Dechy, Thiers) ont une puissance installée supérieure à 100 000 kW bruts. La production régionale d'électricité représente le 1/4 de la production nationale d'électricité thermique et le 1/9 de la production électrique nationale totale.

B. Produits chimiques. Le charbon est la matière première d'une série d'industries très complexes. Celles-ci sont issues de la distillation de la houille qui s'opère dans de nombreuses cokeries. On en retirait autrefois essentiellement du coke et du gaz d'éclairage, puis des goudrons. Cette industrie traditionnelle se continue et se développe. La capacité de production journalière des cokeries est passée de 11 050 t en 1954 à 12 500 t en 1956, cependant que, dans le même temps, la production de gaz passait de 1 649 à 2 011 000 de m3 de gaz (chiffre de 1938 : 1 347 000 de m3), soit 35 % des besoins nationaux. Quant à celle du goudron brut entre 1938 et 1956, elle s'élevait de 143 000 t à 187 000 t.

Mais le caractère essentiel de cette industrie en pleine expansion est de s'orienter vers la production de nouveaux produits. On peut en distinguer deux types :

— Les engrais;

— Les produits plastiques.

a. Les engrais. — Ils sont surtout fabriqués en partant de l'ammoniaque obtenu par distillation de la houille (synthèse de l'hydrogène et de l'azote). Aussi la production de l'ammoniaque a-t-elle à peu près triplé depuis 1938 (de 22 000 t à 59 000 t), ce qui représente la moitié de la production française. La production d'engrais complexes, commencée en 1955 avec 372 t, a décuplé en 1956 (32 706).

La carbochimie ou chimie du charbon (chimie du coke, des goudrons, des benzols et des gaz), connaît un développement à la fois rapide et complexe. Les quantités de charbon ainsi traité dépassaient 500 000 t en 1955, cependant que le nombre et la variété des produits obtenus allaient croissant. Une place à part doit être faite pour les produits nécessaires à l'industrie des matières plastiques.

b. Les matières plastiques. — En partant du benzol, on obtient le benzène, qui sert à la fabrication d'un grand nombre de matières plastiques, et la résine Norsolène (vernis, peintures, caoutchoucs). En partant du méthane, on fabrique le méthanol (la totalité de la production française). En partant de l'éthylène, on fabrique le polyéthylène (également la totalité de la production française). On fabrique également des polyesters, notamment ceux vendus sous le nom de résines Norsodyne.

Les usines les plus importantes sont situées à l'ouest du bassin. Ce sont notamment Courrières-Kuhlmann, Vendin-le-Vieil et surtout Mazingarbe. Par l'ampleur de leurs installations, leur modernisme, leur production, les usines de Mazingarbe peuvent être considérées comme uniques en leur genre en France. Ce sont elles notamment qui ont fabriqué la première maison entièrement en plastique du monde.

 

 

La population

 

1° L'EXPANSION DÉMOGRAPHIQUE

A. L'expansion continue des industries du Pays Noir et leur adaptation aux exigences des techniques modernes sont les traits essentiels de la physionomie économique de la région. Cette expansion industrielle a provoqué un prodigieux appel de main-d'œuvre, qu'il s'agisse d'ouvriers, d'employés et d'ingénieurs, qui travaillent directement à ces industries, ou de la population qui en vit indirectement ; commerçants, services publics, services de santé, etc.

B. Aussi le Pays Noir est-il une des régions les plus peuplées de France. De Valenciennes à Douai, il compte environ 900 000 hab., soit un peu plus de 1 000 au km2. Le seul arrondissement de Béthune compte plus de 600 000 hab. (602 803 au dénombrement de mai 1954), chiffre qui le placerait à un rang très honorable parmi les départements français, et qui le classe en tête de tous les arrondissements de France. Ce chiffre est à rapprocher de celui de 1851 : 135 943. La population de l'arrondissement a presque quintuplé en un siècle, tandis que, pendant le même temps, l'ensemble de la population française demeurait presque stationnaire.

C. Cet accroissement démographique résulte :

— D'une immigration intérieure (Bretagne, Normandie, Alsace, etc.) difficile à chiffrer ;

— D'une immigration extérieure importante :

1° Tout d'abord, pendant la deuxième moitié du XIXe siècle : des Belges;

2° Après la guerre de 1914-1918, qui ruina une grande partie du pays, détruisant entièrement des villes comme Lens et Liévin, à l'immigration belge succède une immigration polonaise. En 1926, 42 375 ouvriers mineurs sont Polonais. Une grande partie d'entre eux provenait de Westphalie, où ils se trouvaient en grand nombre pour travailler aux mines. En 1946, on pouvait estimer à 77 000 environ le nombre des Polonais (les ouvriers et leurs familles) de l'arrondissement de Béthune. L'immigration s'étant tarie, le nombre des Polonais est. en diminution par suite notamment des naturalisations (50 % en moyenne) ;

3° Actuellement l'immigration est restreinte. Il s'agit surtout d'Italiens 'et de Nord-Africains, l'immigration de ces derniers étant saisonnière.

— D'une très forte natalité enfin, dont le taux s'élève à 11 %0 au lieu de 6,7 pour l'ensemble de la France. Malgré un taux de mortalité infantile élevé, l'excédent des naissances est important. Nombreuses sont les familles de mineurs de plus de cinq enfants vivants.

D. Le brassage de ces populations d'origine diverse s'est fait aisément. La région a toujours été un lieu de passage et un carrefour de peuples. Cette vocation s'est inscrite tragiquement dans son histoire. Sans remonter jusqu'à la bataille de Lens (1648), il suffit de rappeler que le front, durant la guerre de 1914-1918, coupait le Pays Noir en deux, de Souchez et Angres à La Bassée par Liévin et Loos-en-Gohelle. Il demeure jalonné par de nombreux cimetières mili- taires (en particulier celui de Lorette) et des monuments commémoratifs (Vimy).

2° L'HABITAT ET LE GENRE DE VIE

A. Bien que très peuplée, la région ne compte pas de grandes villes. Les plus peuplées ne dépassent guère 40 000 hab. (Valenciennes 42 000, Lens 40 000), mais nombreuses sont celles comprises entre 10 000 et 40 000 : Douai, Hénin-Liétard, Liévin, Nœux, Bruay, Béthune, etc. Pour la plupart, elles n'ont pas l'aspect de villes. Se succédant presque sans interruption, elles sont composées • d'une succession de cités ouvrières, dont la majorité sont celles construites par les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (140 000 maisons environ, ce qui représente la population d'une ville comme Lyon ou Marseille). Ces cités sont construites autour de la fosse ou, éventuellement, de l'usine. Au centre, on trouve fréquemment le puits de mine, l'église et les écoles. Les maisons sont en briques, à un seul étage — on ne bâtit pas de maisons à plusieurs étages à cause des affaissements miniers. En général, une maison est attribuée à chaque famille de mineurs, ce qui convient bien au tempérament individualiste du mineur. Autrefois groupées sous forme de longues rues monotones appelées corons, elles sont de plus en plus construites actuellement, en cités-jardins.

B. Le travail, le paysage, le climat ont modelé un type de population très caractéristique. Le goût du travail et le sens de la solidarité en sont les plus indiscutables qualités. Si le tempérament du mineur est quelquefois rude et fruste, cette apparence recouvre une sensibilité vraie et une grande générosité, qui le rendent particulièrement attachant.

Malgré l'évolution des techniques, l'homme de cette région demeure fidèle à ses traditions. Les jeux et les fêtes de ses « ducasses» (tirs à l'arc ou au javelot, combat de coqs, etc.) perpétuent le souvenir des kermesses chères à Rubens.

Depuis s'y ajoutent le goût pour la musique, les concours de pigeons, et, plus récemment, la télévision.

Les œuvres sociales, très nombreuses, placent cette région en tête pour les réalisations de cet ordre.

 

Conclusion

 

L'économie du Pays Noir, jadis presque exclusivement agricole, à été complètement transformée avec la découverte du charbon. C'est elle qui, directement ou indirectement, lui a donné sa physionomie actuelle. Elle a abouti à une concentration et une richesse industrielle extraordinaires. Sur une surface de 82 500 ha — un peu plus d'un millième de la superficie de la France — il est produit le 1/9 de l'électricité totale de la France, le 1/3 de son gaz, le 1/4 de son acier, la moitié de son charbon, la moitié de son ammoniaque, la totalité de son méthanol et de son polyéthylène, sans parler du coke, des résines synthétiques, des verres à vitres et des glaces, des textiles, de la bière, du sucre, etc.

Ce développement unique a été obtenu grâce aux richesses naturelles sans doute, mais aussi grâce au travail d'une population énergique et laborieuse, et à un esprit d'initiative et d'adaptation aux techniques modernes. A ce dernier titre, l'effort de modernisation accompli par les Houillères peut être donné en exemple. Malgré les difficultés d'exploitation d'un gisement ancien et tourmenté, en neuf ans, la productivité s'est élevée sensiblement au-dessus de celle des autres charbonnages étrangers voisins.

L'épuisement du gisement, qui se produira dans un avenir encore éloigné, mais qui est inéluctable, pose de graves problèmes. Dès maintenant ils sont à l'étude. La conversion industrielle qui s'annonce déjà çà et là permet d'en envisager la solution avec un optimisme justifié.

 

 

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