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1937 - LE PLUS ANCIEN PUITS DU BASSIN HOUILLER DU PAS DE CALAIS DISPARAIT - C'EST LA FOSSE N°1 DE NŒUX-LES-MINES DITE FOSSE DE BRACQUEMONT*
En 1850, la population de Nœux était de 900 habitants, entièrement adonnés à l'agriculture.
La paix des champs, en dehors du village, régnait sur toute l'étendue du territoire. Apres l'endroit où il y a peu de temps encore se trouvait le monument élevé par les Vétérans des armées de terre et de mer de 1870-1871, aucune agglomération, sauf un groupe de maisons précédant l'ancien jeu de balle avec ses tilleuls faméliques et ses ponceaux de planches jetées à même sur le fossé voisin. La route Nationale se continuait à travers las cultures, ombragée, à partir du Fond de Sains, par de magnifiques arbres, abattus par l'ouragan du 12 mars 1875. Vers la "Croix-Ricart" existait, disent les anciens, un calvaire d'où les corons actuels ont sans doute tiré leur nom. Un événement imprévu, sensationnel, allait bientôt rompre la charme champêtre de ces lieux.
On se perdait, à cette époque, en conjectures sur la continuation du vaste gisement houiller de l'Europe, jalonné alors de l'est à l'ouest par les bassins de la Silésie, de la Westphalie et de la Prusse Rhénane, en Allemagne, du pays de Liège et du Hainaut, en Belgique, et des régions d'Anzin et de Douai, dans le Nord de la France. Où rejoignait-il, dessous la mer, les bassins du Sommers et du Pays de Galles en Grande Bretagne ? Sa trace était perdue aux environs d'Aniche, et les explorations se portaient soit en direction du Cap Gris-Nez dans le Boulonnais et la Morinie où la houille avait été découverte en 1680, à Réty et à Hardinghem, soit entre Douai, Arras et Doullens : les recherches restaient infructueuses et les sondages avaient déjà englouti d'énormes capitaux.
C'est au moment où l'on désespérait du succès que le terrain houiller apparut à Oignies dans la propriété de Mme De Clercq, au cours d'un forage de puits artésien. En rapprochant de cette découverte les résultats de sondages, non loin de là, à l’Escarpelle, en particulier sur Vred et Esquerchin, M. Soyez, administrateur des mines de Vicoigne, eut l'heureuse Intuition que la prolongation du bassin au-delà d'Aniche devait être cherchée par un point entre ces deux dernières localités, c'est-à-dire plus au Nord, au lieu de la direction continue Est-Ouest jusque-là, seule, envisagée.
Premières extractions en 1852
Les sondages reprirent avec une ardeur nouvelle et des capitaux nouveaux; la région de Lens était explorée avec succès grâce au concours financier et surtout technique de la Compagnie des Mines de Vicoigne ; sous l'impulsion de son directeur, M. de Bracquemont, elle entreprenait un sondage à Loos-en-Gohelle où, deux mois après, le trépan atteignait la houille : ses travaux étaient ensuite reportés à hauteur de Nœux, au N° 1.
Cette découverte arrivait à son heure marquée dans les plans de la Providence, la nécessité de la houille devenant de plus en plus pressante avec les applications de plus en plus multipliées de la vapeur découverte à peine un demi-siècle plus tôt !
Les premiers coups de pioche furent donnés le 1er avril 1851 par des mineurs venus de Vicoigne et d'Anzin. En 1852, on extrayait déjà un peu. On raconte que la première voiture de charbon fut conduite en grande pompe à Béthune. Les mineurs l'escortaient et distribuaient à la volée les gaillettes, non sans récompenses et rasades de la part de Béthunois, heureux de l'aubaine et de ces prémices de la prospérité, proche de leur ville et de leur arrondissement, deux titres qui comptent pour eux.
Comment se vendait le charbon
La fosse N° 1 entrait donc en exploitation dès 1852. En 1853 la Compagnie des Mines de Nœux distribuait déjà des dividendes à ses heureux actionnaires de la première heure. La production et la vente n'avaient naturellement pas l'amplitude d'aujourd'hui. Les premiers agents commerciaux, en dehors des joyeux répartiteurs de Béthune, portaient le nom de "Pilpatards". Décomposé, ce nom a un sens : "Patard" voulait dire petite monnaie (centimes, liards) ; inutile d’insister sur le verbe "pille" dont on saisit l'ironie, toujours d'actualité, à l'égard du revendeur. Le pilpatard recevait des bons de charbon dont il payait la valeur et qu'il cédait aux acheteurs venus à la fosse de loin, d'au-delà même d'Arras avec leurs voitures, car le chemin de fer et la gare n'apparaissent à Nœux que vers 1860.
La bourse de l'intéressante corporation de "Pilpatards" se tenait sur l’emplacement actuel du moderne Café Jean, à l'estaminet Faucon, originaire d’Avesnes-le-Comte ; les transactions y étaient actives, non pas seulement en charbon… On y vit longtemps de belles chaufferettes en cuivre, suspendues par des chaînettes, avec un mécanisme ingénieux qui les amenait à hauteur de la pipe du fumeur. Chez Faucon était aussi fixé l'arrêt de la diligence, grand’mère des autobus de La Loisne. à l'usage des nouveaux venus en mal de retour à leur pays d'origine.
Premiers mineurs, première musique
Les souvenirs concordent pour dire que l'existence du N° 1 fut pénible à ses premiers temps. Le travail était rude, les logements rares et étroits et le contact avec la population de l'endroit plutôt réservé. Il y eut donc comme partout les peines et les difficultés d'un début et d'une acclimatation. Cependant les mineurs étaient des vaillants et la gaieté n'était pas exclue de leurs loisirs. On raconte, en effet, que la musique fut en honneur au N° 1 dès l'arrivée des premiers ouvriers :il y eut longtemps un groupe d'artistes munis de sifflets en métal, très harmoniques, parait-il. Aimable Allard, dit le Grand Quête, dirigeait la phalange et qui ne se souvient de mon oncle Chifflet ? C'était sans doute l'un des rossignols du groupe.
La construction des premiers corons du N° 1 commença en 1853, de même que du bâtiment, disparu avec la grande guerre, qui prolongeait le logement du concierge de la fosse; il servit longtemps de premiers bureaux. 1864 marqua le développement inouï du nouveau centre industriel qui, de ses fosses 1 et 2, tirait déjà plus de 100.000 tonnes d'un combustible très recherché et partant vite écoulé. Les actions de la société atteignaient le cours de 5.000 francs environ, remarquable pour l'époque : l'effectif du personnel de la Compagnie s'élevait au chiffre de 700, ce qui donne l'idée de la population du lieu. Depuis, la Compagnie a construit d'autres puits : la concession de Nœux est exploitée au moyen de dix fosses principales. Elle occupe plus de 10.000 ouvriers et l'extraction quotidienne atteint plus de 7.500 tonnes.
"légèrement" adapté d'un article de février 1937
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* Adrien Aubé de Bracquemont (1815-1884) était ingénieur de l'Ecole des Mines
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