Un quotidien régional publia en 1930 une série d’articles sur les professions féminines dans le Nord. En voici un consacré aux Gaillettes du Pays Noir, ces femmes chargées du tri du charbon.

Le béguin bleu noué autour de la tête, se dandinant sur les hanches, elles sont fières de travailler à la mine, tout comme leur père ou leur grand frère.
Dans les ténèbres, dès que les cités se sont éveillées et qu’à travers les lames d’une persienne les lumières se sont montrées, après avoir mis chauffer le traditionnel café et préparé le briquet (1) du piqueur ou du hercheur (2), les filles de mineurs se sont mises à leur toilette. Après le départ des ouvriers qui, dans la nuit, forment un long et silencieux défilé d’ombres mouvantes et à l’heure où à travers la brume, le jour apparait, d’autres défilés, moins silencieux, se déroulent de tous les coins de la cité pour se réunir à la fosse. C’est la "jeunesse en fleur" qui apparait.  

Ce sont nos gaillettes qui, en trottant, s’interpellent avec une gaieté vive et légère, tandis que le jour grandit et que la vie de la terre monte avec le soleil. De 6 heures à 14 heures, dans la salle de triage qui voisine avec la cage, dans cette salle aux dalles de fonte qu’ébranlent les sourds roulements des berlines que les chargeurs du fond ont empli, que les rouleurs ont poussé, et que la cage déverse sans discontinue, les petites charbonnières, le sourire aux lèvres noircies par la poussière, lancent un rapide coup d’œil sur le tout-venant qu’avance le trottoir roulant, saisissant les pierres impropres à la combustion et, d’un geste pressé, elles les jettent dans une rigole en pente placée à proximité.

 

Depuis trois longues heures déjà, elles sont là, suant, trépidant, travaillant dans un nuage de poussières que dégagent les torrents de charbon vomis sans arrêt par les berlines du fond. Une sonnerie retenti : c’est enfin l’heure du briquet. Alors de bon appétit, elles dégustent les provisions retirées de leur "mallette" et le contenu de leur "bidons" qu’elles ont mis à chauffer dans le réfectoire attenant à la salle de triage.

Une demi-heure après, les jeunes filles reprennent leur tâche interrompue et jusqu’à deux heures après-midi, les mains et les yeux marchent sans arrêt.
C’est alors seulement, après cette fin de journée, qu’on peut, tout à son aise, voir combien les petites gaillettes, malgré le masque noir qui enduit leurs jeunes figures, sont charmantes sous leur béguin bleu.

 

Le soir, très souvent, le dimanche surtout, fraiches et coquettes, pleines d’entrain et de gaieté, elles aiment aller au bal ; au son d’un accordéon plaintif ou d’un piano automatique, instruments que l’on rencontre dans la plupart des cafés du bassin minier, dans une explosion de vie, elles se livrent joyeusement aux plaisirs de la danse.
Si dans les grandes villes, les jeunes filles rêvent de devenir employées, vendeuses, institutrices ou dactylos, dans les centres miniers, en général, elles ne pensent qu’à une seule carrière, celle des gaillettes. Dès 13 ans, après un examen médical ordonné par les Compagnies, la fillette clame sa joie le jour où elle peut couvrir son chef du béguin bleu, l’uniforme de la charbonnière. A la fosse, pour 9 ou 10 francs par jour, elle part embrigader avec ses ainées, dont certaines, à vingt ans, gagnent 20 à 22 francs.

Si le personnel féminin des compagnies représente approximativement 5% de la population ouvrière des Compagnies, il n’est pas exclusivement composé de gaillettes, comme on pourrait le croire. On  trouve, en effet, en moins grand nombre, il est vrai, quantité de jeunes filles occupées à la lampisterie au nettoyage des verres, des tamis de lampes, à l’astiquage des cuivres.

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quelques précisions pour mieux comprendre la vie de la mine :

 

1 - casse-croûte

2 - ouvrier qui fait circuler les wagons chargés de charbon