ACCUEIL | LE NORD ET UN PEU DE BELGIQUE | LE COUP DE POUSSIER ET LE COUP DE GRISOU - LIEVIN 27 DECEMBRE 1974

 

 

Vous trouverez ci-dessous, trois articles racontant les drames de la mine.

 

On les croyait d’une autre époque, les grands drames de la mine… On pensait, on espérait qu’au temps des voyages dans l’espace, la technique avait réussi à éliminer le risque pour les travailleurs du sous-sol…


Et puis, entre Noël et le Jour de l’An, il y a eu la catastrophe de Liévin : 42 mineurs tués par 710 mètres de fond ; quelque 130 orphelins dans les corons du Nord. Que s’est-il passé ? L’enquête en cours précisera les circonstances et les responsabilités, mais d’ores et déjà, on a reparlé du coup de poussier et du coup de grisou, les deux grandes peurs des pays miniers…


 

 

LIEVIN 1974

 

LE COUP DE POUSSIER

 

Le charbon, chacun s’en aperçoit, produit de la poussière… Or la poussière, en très grande quantité, finit par être explosive. L’inflammation peut alors être provoquée par une simple étincelle, ne serait-ce que celle produite par le choc d’un marteau-piqueur sur la roche.
Certains coups de poussier sont très limités, mais il est arrivé qu’une explosion en provoque une autre et que, de choc en choc, les galeries d’une mine soient ravagées par ce souffle brûlant qui carbonise tout sur son passage. La catastrophe de Courrières qui a entrainé, en 1906, la mort de 1.171 mineurs était due à un coup de poussier. Depuis, divers moyens de protection ont été mis au point :

- Arrosage systématique du charbon pendant l’abattage pour éviter l’accumulation des poussières.

- Schistification  des poussières, c’est-à-dire projection sur les parois de fines particules de calcaire qui font tomber les particules de charbon et réduisent la teneur en carbone.

- Aération des galeries pour évacuer les poussières.

- Installation d’arrêts-barrages le long des galeries : il s’agit de bacs remplis d’eau ou de poussières non dangereuses (comme le calcaire) qui se renversent dès qu’une explosion les souffle, stoppant ainsi la propagation des chocs.

 

LE COUP DE GRISOU

 

Le grisou, c’est un gaz naturel que dégage le charbon. On l’appelle aussi méthane. Incolore, inodore, non toxique, il a la redoutable propriété de devenir explosif lorsqu’il se mélange à l’air dans une proportion de plus de 6%.
Autrefois, il était très difficile de déceler le grisou. Aujourd’hui on dispose de divers appareils :
- Télégrisoumètres qui permettent, de l’extérieur, une surveillance permanente de la teneur en grisou au fond.

- Grisouscopie, grâce à une lampe grillagée spéciale, placée dans la mine et dont la flamme se modifie au contact du grisou.

Dès que l’air contient 2% de grisou, on évacue la mine.

 

A Liévin, ces mesures de sécurité semblaient prises. Que s’est-il passé ? il faut le savoir pour éviter le renouvellement d’un semblable drame… Un drame qui est venu nous rappeler combien, en plein  XX° siècle, les conditions de travail des mineurs restent dures.

 

 

article publié dans l'hebdomadaire Djin (janvier 1975)

 

 

 

 

INCENDIE DANS LA MINE (1952)

 

Il était 4h30 lorsque, au fond de la fosse 3-4 de Meurchin (Lens), un convoyeur prit feu. Le tapis roulant flambe aussitôt sur toute sa longueur, embrasant le charbon qu'il charriait. Les mineurs durent battre en retraite. Louis Leroy s'aperçut alors qu'un de ses camarades ne pouvait pas suivre. "Pars ! dit-il au dernier qui fuyait, je ne peux pas laisser Crombez tout seul. Je reste avec lui." Portant son camarade, le mineur courageux réussit, malgré la fumée et les flammes, à trouver un "rappel d'air". Dix heures plus tard, les sauveteurs parvenaient au refuge où les deux mineurs étaient évanouis, mais vivants. "Je ne peux pas les laisser seuls !" Tout le drame de notre Rédemption.

 

Texte et illustration : Le Pèlerin (avril 1952)

 

 

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DANS UNE MINE DU NORD

 

(On vient de téléphoner au journal que, dans un puits de mine du Nord, un coup de grisou a fait cinquante victimes. Le reporter prend une automobile et arrive sur le lieu de la catastrophe à une heure du matin. La foule se presse, silencieuse.)

 

La grille du puits... Une foule noire qui attend. Nous nous frayons un passage. Autour de nous, des visages connus, défaits : pas de larmes. Péniblement, nous avançons vers la grille que maintient fermée la police.
Sur le carreau de la mine, tous les ingénieurs, tous les porions, tous les hommes. Le directeur n'est pas là. Comme il se doit, il est descendu le premier dans la fournaise.
Les ambulances attendent... De temps à autre, une cloche résonne. Aussitôt, les molettes du puits se mettent à rouler.
Les femmes ne pleurent pas, ne crient pas; elles sont devant les puits comme les femmes de marins sur les falaises.

Une cage émerge à la surface du sol. Trois cadavres. Je détourne les yeux. "Dix hommes" demande une voix. Cinquante hommes se précipitent. "Non, dix." On prend les plus solides, les plus jeunes. Un vieillard insiste pour descendre lui aussi, on le renvoie presque durement. Alors, d'une pauvre voix atone, il dit : "J'ai mon petit au fond."

A huit heures, le feu, en bas, est éteint. Les corps sont tous à la surface. Il va falloir atteindre maintenant les trente hommes qu'on entend appeler à travers les cinquante mètres de terre éboulée.
On les sauvera... Il faudra peut-être deux jours. On les sauvera... Les hommes se succèdent à la tâche.
Pour les diriger, tous les ingénieurs des puits environnants sont venus, dès la première heure, se mettre à la disposition du directeur. Des ingénieurs qui, eux aussi, prendront la pioche, le pic et la pelle, pour que les travaux avancent plus vite.

A midi, vingt mètres de terre séparent seulement les sauveteurs des sinistrés. Le travail a marché, beaucoup plus rapidement qu'on ne le pensait. Pourtant, il faut reboiser la galerie au fur et à mesure, qu'on gagne du terrain. Des hommes se blessent, ils ne sentent point leurs blessures. Il faut aller de l'avant, à tout prix, dans l'air irrespirable de la galerie, au mépris des poches de gaz ou des poches d'eau qu'on peut crever. Il faut avancer, parce que les trente hommes risquent d'étouffer. On avance. A six heures du soir, le dernier coup de pic, et les emmurés, qui viennent de passer dix-huit heures effroyables, sont sauvés.

Demain, les hommes retourneront à la mine. Dans trois jours, cinquante cercueils passeront dans le village. Cinquante foyers seront en deuil...

 

G.-P. Gilbert

 

carreau de la mine : emplacement situé au jour, près de l'ouverture des puits où l'on dépose le charbon
molettes : roues dans les gorges desquelles passent les câbles qui soutiennent les ascenseurs
porion : chef d'un puits, responsable des travaux au fond de la mine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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