ACCUEIL | LE NORD ET UN PEU DE BELGIQUE | EXECUTION DE FERNAND HUBERT A LILLE (1938)

 

 

 

 

 

 

Mars 1937

 

Le mécanicien-dentiste Fernand Hubert a été condamé à mort par les Assises de Douai, pour avoir assassiné, dans le but de la voler, sa bienfaitrice, Mme Picquet de Lambersart. Hubert a nié jusqu'au bout, mais les preuves réunies par la Justice étaient accablantes pour lui.

 

 

Samedi 29 janvier 1938 : moins souriant que la veille, Fernand HUBERT converse avec son défenseur.

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Deibler à Lille
Le fourgon qui contient les bois de Justice est arrivé en gare de Lille à la fin de la matinée le 27 août. Deibler est arrivé à 13 heures. Il a rendu visite à M. Depis. Procureur de la République et arrêté avec le magistrat et M. Basilaire, commissaire central, les dernières dispositions pour l'exécution capitale. En matière de guillotine, bien des gens en sont restés aux théâtrales estrades de Carnavalet. L'échafaud était installé sur la placette, dite place Vergniaud à Lille, au carrefour formé par les rues G. Testelin, Violette, Dieppe, Vergniaud et Boissy-d'Anglas. C'est une espèce d'échafaudage planté à même les pavés et dont la bascule est équilibrée à grand renfort de cales er de niveaux d'eaux. Tout est maintenant fin prêt, ajusté, équilibré, vérifié.

 

Le réveil du condamné
Les magistrats sont entras dans la prison. Le directeur, le sous-directeur et le gardien-chef, son énorme trousseau à la main, les reçoivent. Dans le vestibule du greffe, tout est prêt pour la dernière toilette du condamné : le tabouret, les ciseaux, les entraves, le livre sur lequel quand on lui remettra son client, M. de Paris apposera sa signature. Les magistrats et les fonctionnaires de la prison gagnent la cellule d'Hubert, au quartier des condamnés à mort. Les voici dans le couloir sur lequel donne la cellule. Le gardien qui surveille le candidat à l'échafaud prononce doucement :
- Attention ! Il ne dort pas. Il a entendu du bruit. Il se tient assis sur le lit. Comme libérées de leur contrainte, les clefs s'entrechoquent. Le pêne joue dans la gâche. Les verrous sont tirés. La porte s'ouvre. L'homme s'est dressé sur son lit.
- Fernand Hubert, dit le Directeur, d'une voix mal assurée, voici M. le Procureur de la République.
Sur les traits du condamné, aucune surprise ni épouvante. Le Procureur s'est avancé. Lentement, il a prononcé la formule sacramentelle. Fernand Hubert a écouté la phrase terrible qui le retranche du monde des vivants. Quand on lui dit :
- Fernand Hubert, pour expier votre crime, vous aurez du courage, vous paierez loyalement votre dette à la société. Il a fait "Ah !" L'aumônier, M l'abbé Marescaux apparaît. D'un geste. Hubert indique qu'il n'aura pas recours à lui. Dans l'éventualité du rejet de recours en grâce, Hubert a delà fait connaître sa volonté de se priver du secours d’un prêtre. Ni confession, ni messe. L’aumônier n’ose pas insister. Fernand Hubert qui venait d'entendre parler d'expiation par M. Depis, Procureur de la République, protesta :
- Je n'ai rien à expier !
Puis s'adressant à M. l'aumônier Marescaux et à son avocat. Me Derachinois, il dit froidement :

- Vous allez assister à un crime !...

 

 

Le fourgon contenant les bois de justice à la gare de Lille

 

 

 

Un service d'ordre formidable
Les barrages du service d’ordre maintenaient la foule à 300 m autour de la place Vergniaud Formidable ce service d'ordre, organisé par M. le Procureur Depis et dirigé par MM. le commandant de gendarmerie Pierson et Basilalre, commissaire central. Il est composé de 300 gardes mobiles et 100 gendarmes tous à cheval, 50 agents de police et autant d'Inspecteurs de la Sûreté. Parmi l'assistance, outre les magistrats on notait la présence de MM. Charles Saint-Venant, député-maire ; Martin, secrétaire général-adjoint de la mairie ; Masson, président du Tribunal de Commerce ; Vielledent, chef des services d'hygiène départementaux ; Jovenlaux, Gigouzac, commissaires spéciaux ; Le Foyer, juge d'instruction ; Bouthlllier, chef des gardiens de la paix de Lille ; le Professeur Morel, etc...


La toilette

Hubert n'usa pas des vingt minutes qu'on laisse aux condamnés à mort pour rédiger leurs dernières volontés car il avait écrit trois lettres la veille. L'une de ces lettres était destinée à sa fille, actuellement très malade et en traitement à l'Hôpital de la Charité. Il refusa le verre de rhum et la traditionnelle cigarette. Il était dans une demi-inconscience. Ce fut alors l'opération de la toilette. Nous savons ce qui s'est passé dans la cellule. On lui dit de se lever, il se lève : on lui dit de quitter la chemise pénitentiaire, il la quitte. Il revêt la chemise qu'il portait le jour de son arrestation Il a fini de s'habiller, de se chausser. On le conduit au greffe. Le bourreau est là, occupé à signer des paperasses. On fait asseoir Hubert sur l'escabeau. L'un des aides attend les ciseaux en main pour la toilette. La toilette est finie. Un col de chemise coupé traîne sur le sol. Le condamné attend encore quelques minutes. M. de Paris, tirant sa montre, a déclaré qu'il n'exécuterait qu'à 4 h. 55. L'heure vient enfin. Le col est échancré, le haut de la poitrine apparaît dégagé. On lie les poignets derrière le dos avec des ficelles. Les chevilles sont entravées si étroitement qu'on comprend l'ironie cruelle du cliché : "le condamné chancelant est porté par les aides jusqu'à la guillotine !" On aide l'avocat à monter avec les aides et le criminel dans la camionnette.


Au carrefour fatal
Il est 4 h. 45. Sur la place Vergniaud, précédant de quelques secondes le cortège sinistre, les officiels se groupent auprès de la machine. La camionnette escortée d'agents en moto, arrive, s'immobilise devant ce qu'un condamné a un jour appelé : « le coupe-cigare » qui dresse vers le ciel, où commence à naître l'aube d'une belle journée d'avril, ses deux montants noirs. Dans la voiture. Hubert a parlé :
- Je n'ai rien fait de mal. Je souhaite qu'on découvre le vrai coupable et qu'on lui fasse subir le sort que moi, je vais subir injustement.

 

 

Exécution du 28 avril 1938 - à droite : M. Debleir

 

C'est fini
La camionnette est à deux mètres de l'échafaud. Il est tombé sur la placette un silence tragique mais naturel, le silence le plus définitif. Impossible à organiser ni à reconstituer, le silence de gens qui ont peur ou honte pendant quelques secondes de vivre devant un mort vivant. Car on ouvre les portes de cette voiture. Fernand Hubert apparaît encadré, soutenu par les aides de Deibler. L'avocat suit le condamné avec l'aumônier. Hubert marche à petits pas, la tète haute, fermement, courageusement, sans crispation ; son visage est pâle, les yeux parcourent la foule avec sérénité. Devant la planche à bascule, il crie : Je suis Innocent ! », un cri qui n'est pas une indignation mais une affirmation. Mais le ton n'y est pas... il est vrai de dire que les aides l'empoignent au même moment. Hubert est tombé à plat ventre. On le pousse. La tête entre dans l'échancrure de la lunette. Le carcan lui serre le cou. Deibler tire une clavette. Le couperet tombe. Une tète roule dans un seau. Le corps décapité bascule et choit dans le panier. C'est fini. Un frémissement a parcouru la foule. Le commissaire Gigouzac qui arrêta Hubert est pâle comme un mort. L'avocat est livide. La foule se disperse, le service d'ordre aussi. C'est l'heure des commentaires dans les bistros du quartier enfin ouverts. Les spectateurs gardent le souvenir du moment où le condamné à mort apparaissant dépoitraillé devant la guillotine est surhumain et où il existe vraiment, visuellement, une zone franche entre la vie et la mort, celle où des vivants épouvantés saluent, chapeaux bas, un mort qui parle, crie son innocence et qui marche, où on espère encore un mot de plus, quand on a déjà entendu le bruit du couperet.


Un simulacre d'inhumation

Le jour s'est levé, La vie, de toutes parts, renait. Les arroseuses municipales balayent la placette. Déjà, dans le silence brusquement redevenu maître de la rue, le fourgon funèbre entouré de gardes à cheval emporte dans une grande malle en osier, brune - couleur de sang séché -, le corps, en deux morceaux de l'assassin qui vient d'expier son crime. Au cimetière du Sud, simple simulacre d'inhumation. La famille n'ayant pas réclamé le corps, la médecine légale s'empare du cadavre. A 7 h. du matin, il est dans l'amphithéâtre de l'Institut Medico-legal. Qu'en restera-t-il lorsqu'on l'inhumera définitivement ? Anatole Deibler et ses deux aides ont rejoint Paris avec leurs "armes" et singuliers bagages dans le courant de la matinée.

 

La placette. dite Place Vergniaud, à Esquermes, où Fernand HUBERT expia son crime, le 28 avril 1938

à 5 heures exactement. La croix indique l'endroit précis où Deibler fit installer l'échafaud.

 

 

 

 

 

 

 

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