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LE VŒU DE GAYANT

Au temps jadis, le fort castel de Douai était fameux dans les pays d'Austrasie et de Neustrie pour sa maîtresse tour, qui était la plus haute  de la Chrétienté.
La haute tour de Douai, ronde, lisse et nue, montait jusqu'aux nuages, de derrière les murs massifs du castel qui s'élevaient à la gauche du courant de la rivière de Scarpe; les sentinelles de la plate-forme surveillaient tout le pays, depuis les marais de Somme jusqu'aux bords mêmes de la mer, et les bourgeois de Douayeul qui grouillaient dans les rues du petit bourg accroupi sous la muraille, leur paraissaient gros comme le pouce de leur gantelet de guerre.
Les choses étaient ainsi le jour où un leude du nom de Gélon, dont le manoir était sis dans un lieu voisin appelé Cantin, et qui rentrait de guerroyer avec ses compagnons, apprit aux bonnes gens de Douayeul que le grand empereur des Francs Carolus Magnus, venait de rendre son âme à Dieu. Il y eut grande douleur à ce propos, car le nom de Carolus était vénéré en tout pays, comme celui d'un juste aimé de Dieu, protecteur des faibles et fléau des félons. Par sa renommée et celle de ces paladins, la génération présente était née et avait vécu dans la paix: les moines moinaient à souhait dans les grasses abbayes et les bourgeois des bourgs engraissaient à plaisir leur panse et leur escarcelle; mais maintenant, chacun comprenait que le saint chevalier de Dieu étant trépassé, toutes ces bonnes choses ne tarderaient mie (1) à aller au diable. Et, en vérité, la lune subséquente ne montrait point encore ses deux joues, que les vigies de la grande tour de Douai sonnaient l'alarme dans leurs oliphants.
Bientôt on vit débusquer de tous les sentiers et pertuis (2) des bandes effarées, clercs et laïcs, hommes et femmes, vieillards et enfants traînant sur eux ou après eux leurs hardes et ustensiles, bêtes et provisions, sans compter les trésors et reliques des monastères, dans des coffres empilés sur des chariots. C'est par ce monde piteux que l'on apprit une nouvelle terrifiante : à savoir, que les hordes qui s’avançaient en anéantissant toute chose sur leur passage, étaient les Normands, qui se faisaient appeler les  Rois de la Mer, c'est à dire des païens de la pire espèce envoyés du Nord par l'ennemi du genre humain. Alors, les gens de Douayeul comprirent que leur heure était proche : ils se recommandèrent au Seigneur et se mirent en devoir de faire pénitence, ce qui n'était point malaisé vu l'affluence de gens d'église accourus de toute part et disposés à soulager les fidèles de leurs biens temporels pour le salut de leurs âmes.
Des chroniqueurs dignes de foi nous informent, nonobstant, qu'il se trouva dans le bourg un bourgeois qui ne lâcha point un rouge liard. C'était justement le plus riche homme du pays, forgeron-armurier de son état, et qui buquait (3) si proprement sur l'enclume que les chevaliers de toute la chrétienté envoyaient leurs pages et écuyers pour lui acheter ses hauberts, ses heaumes et ses lames d'épée...
Cet armurier extraordinaire était connu jusqu'au pays des Sarrazins, sous le nom de Gayant, ce qui se disait en ce temps là pour géant, par la raison qu'il était deux fois plus grand que Roland, le plus grand des paladins...
Or donc, le jour où Dominus Hildebert, le prieur de l'abbaye de Broylum, offrit à Gayant de lui garantir une place convenable en paradis, moyennant les tonneaux d'or et d'argent qu'il conservait dans un caveau derrière sa forge, le forgeron se mit à rire, et emmenant le moine dans un magasin plein d'armes de toute espèce: "Tenez, mon père, di-il, voila la clef de mon caveau." C'était une épée épouvantable, longue de huit coudées, large comme deux mains réunies, et munie d'une poignée haute comme le corps d'un homme ordinaire.
Au même moment, une sorte de tonnerre éclata sous la voûte de l'édifice, et le religieux assourdi aperçut dans l'embrasure de la porte toute la famille de céans qui s'esclaffait de rire. C'était dame Marie Cagenon, la digne épouse de l'armurier, et les trois rejetons de ce ménage modèle: damoiselle Fillion une belle géante blonde, Jacquot qui promettait d'être plus grand que son père, et Bambin qu'on appelait vulgairement "ch'tiot Tourni"(4) pour signifier que son œil gauche n'était point en fort bons termes avec son œil droit. Le prieur, mécontent, tourna les talons, en disant d'une voix grave:
- Dieu châtie parfois les présomptueux.
- Nous sommes de bons chrétiens, répliqua Gayant, et j'ai fait vœu au sir Archange, le grand saint Michel, de ne boire que de l'eau, de ma vie vivante, si par mon aide le bourg et le castel sortent sauf des mains des mécréants.

 

LES EXPLOITS ET LA MORT DE GAYANT


Le lendemain de cette aventure, les herses étaient baissées, les ponts levés, les bourgeois aux créneaux et les hommes d'armes aux tours du castel, par la raison que les Rois de la Mer couvraient le pays d'alentour, si nombreux qu'en les voyant grouiller sous les murs, on aurait dit des nuées de mouches après une charogne, un jour de canicule. Devers le bois de Cantin, de noires spirales de fumée qui tourbillonnaient derrière les arbres indiquaient que Gélon et sa suite avaient terminé leurs destins, et de fait, quand on y alla voir par la suite, on ne retrouva sur la terre du leude, au milieu des cendres, qu'un crâne fêlé et une moustache rousse.
Pour l'instant, les Rois de la Mer paraissaient indécis et, contre leur habitude, ils ne se pressaient mie de donner l'assaut. Chacun sait qu'ils étaient des hommes ignorants et superstitieux, et comme la terre tremblait sous leurs pieds et que l'air était rempli d'un grand fracas, ils pensaient que leurs dieux étaient en courroux. Et pan, pan, pan ! Et pan ! pan ! pan! La vérité, c'était que Gayant et Jacquot buquaient comme des sourds sur leur enclume... Mais au bout de deux jours, le bois vint à manquer(5) et il fallut arrêter de buquer.
Alors, sur le coup de midi, des confrères essoufflés, s'en vinrent dire à la forge que la bataille était commencée, et ils n'avaient point fini leurs discours qu'une grande clameur annonça que la porte de la bonne ville était déjà forcée. C'est à cette occasion qu'on vit un spectacle mémorable, dont le souvenir se transmettra de génération en génération jusqu'à la consommation des siècles.
Les bourgeois qui détalaient, les talons dans le dos, et des femmes qui couraient, les vêtements déchirés, s'arrêtèrent tout à coup , comme s'ils avaient vu venir à leur secours Samson le Chevelu : trois géants de fer venaient de sortir de l'illustre forge. C'était la famille Gayant qui s'en allait à la guerre. Le maître armurier s'avançait le premier, portant sur l'épaule sa longue épée; Jacquot et Tiot-Tourni venaient après. Quand le flot hurlant des Rois de la Mer déborda sur le carrefour, on vit Gayant s'arrêter, s'arcbouter sur ses jambes monstrueuses et la grande épée entrer en branle, comme les ailes d'un moulin quand il fait bon vent. Et tourne, et tourne et tourne ! et vole, et vole, et vole, les têtes, les bras, les jambes !... Quand toute l'herbe était fauchée, le faucheur avançait d'un pas, et, de pas en pas, fut bientôt à la porte, où il passa en se baissant et en écrasant par mégarde contre les piliers une douzaine de retardataires. Une fois dehors, la famille entière put travailler à l'aise, et l'on vit trois moulins pour un; puis accoururent à la rescousse les gens d'armes du castel et les bourgeois du bourg, si bien qu'avant le soir les Rois de la Mer étaient hachés menu comme chair à saucisse.
Toute chose étant alors en règle, la besogne faite et le pays nettoyé, Les Gayants s'en revinrent tranquillement à leur maison, et l'armurier, qui avait grand soif, demanda à sa femme une bonne canette de bière.
- Nenni, mon homme, répondit Marie Cagenon. Point ne faut mépriser ton vœu.
- Tu as raison, femme. J'allais pécher par omission.
Alors, il empoigna une cuve d'eau fraîche et la vida d'un trait. Mais dans la nuit, Gayant devint malade d'une fièvre terrible; et pendant des jours et des jours, on n'entendit plus dans la forge buquer le fer, ni dans le bourg homme ou femme rire au goguenarder. Dame Marie Cagenon, damoiselle Fillion, Jacquot et Binbin passaient leurs temps à faire de la tisane.
Ce qu'il restait des Rois de la Mer avait fui au loin, devers les marais des Moëres. Comment le bruit de ce qui se passait dans la bonne ville de Douayeul arriva-t-il jusqu'à eux ? C'est ce qu'on n'a jamais pu savoir... Toujours est-il qu'ils l'apprirent et qu'ils reçurent aussitôt l'espoir d'en tirer du même coup vengeance savoureuse et bénéfice honnête. Ils accoururent dare-dare et en silence, avec leurs nuées voraces, et un jour qu'ils n'y pensaient guère, Gayant, qui entrait en convalescence, entendit de son lit les cris des bourgeois et bourgeoises assaillis à l'improviste. Il se leva subtilement, revêtit ses armes, appela ses garçons, et sortit encore une fois avec sa longue épée, en criant aux normands :
- Bonhomme vit encore !
Et tourne, et tourne ! et vole, et vole ! Les chroniqueurs disent que cette fois les moulins tournèrent si bien qu'il ne resta plus rien, et que la terre douayeule s'en trouva tant fumée que l'année d'après les manants y firent double moisson.
Mme Gayant, en rentrant de besogner, avait encore plus chaud et plus soif que jamais. Marie Cagenon, de peur d'aggraver son mal, alla lui quérir une bonne canette de bière, lui disant que le Seigneur ne pouvait point demander la mort d'un chrétien; mais ce fut Gayant, qui maintenant, tint son vœu : il empoigna sa cuve et but à tire-larigot. De grands malheurs devaient en résulter pour le pays des Francs.
Le même soir, sa fièvre le reprit, faisant bouillir ses sangs comme lait sur braise rouge et buquer ses tempes comme il buquait son fer.
Le surlendemain, qui était un dimanche, après vêpres, à la petite brune, comme les bourgeois du bourg étaient en train de souper, on ressentit par la ville une grande secousse qui fit cliqueter les vaisselles des bahuts et entrechoquer les pots sur les potières : c'était l'homme invincible, le glorieux armurier, le forgeron sans pareil, Gayant pour l'appeler par son nom immortel, qui venait d'éternuer pour la dernière fois sur terre et de passer l'arme à gauche.
Dire le désespoir des gens, suite de cette catastrophe lamentable, est une chose que je n'essaierai point...
Dans la suite des temps, le bourg de Douayeul devint, par la protection de la Providence, une grande cité... Mais, dans la bonne ou la mauvaise fortune, le peuple n'a jamais oublié que ses aïeux durent leur salut en ce monde aux exploits du terrible forgeron...
C'est pourquoi chaque année à la fête de la bonne ville de Douai, le magistrats promènent honorablement, en effigie de grandeur naturelle, Gayant, Marie Cagenon, Jacquot, Fillion et Tiot Binbin, au milieu de l'étonnement respectueux de nos chétifs contemporains...

H. VERLY - Histoires du pays flamand



1 - Ne tarderaient pas
2 - Pertuis : passages
3 - Buquer : frapper fort en patois local
4 - En patois local, "ce petit", ou le petit "Tourni", tourné, qui a un œil tourné (puisque Bambin louchait).
5 - La forge se chauffait alors au bois, seul combustible connu.

 

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Il n'est guère de villes de Flandres auxquelles n'ait donné pour patron un géant légendaire. Chaque année, la procession de ces géants est l'objet? Dans les villes du Nord, de vives réjouissances populaires. A Douai, le 6 juillet - en mémoire de l'entrée de Louis XIV à Douai, en 1667 - c'est le géant Gayant ("gayant" étant probablement une déformation de "géant") qui parcourt la ville accompagné de sa femme, habillée en châtelaine du XVIe siècle, et de leur fille.

 

 

 

 

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article publié en 1890 : Les fêtes de Gayant

 

Les fêtes de Gayant auront celte année une splendeur exceptionnelle ; aux réjouissances d’usage, aux promenades du géant et de sa famille dans sa bonne ville de Douai viendront s’ajouter les attraits d’une cavalcade historique du plus vif intérêt. Si le ciel veut donc se montrer favorable à ces fètes, il est certain qu’elles obtiendront un succès considérable. Le goût des fêtes populaires, des déploiements des cortèges à travers les rues des cités a toujours été dans le sang flamand. Religieuses à leur origine et coïncidant avec une procession en l'honneur du patron de la ville ou d'un événement local, les fêtes ont longtemps gardé ce caractère, et même lorsque le profane y lit son entrée triomphante, le côté religieux n'en fut pas exclu.

On a beaucoup discuté sur les origines de Gayant. Les légendes se sont formées et durent ; pour les uns, c’est Jean Gélon, seigneur de Cantin, qui délivra la ville assiégée par les Normands; pour les autres, c'est M. Saint-Maurand lui-même, patron de ia cité. L’explication la plus plausible est plus simple; il est probable que le Gayant n’était primitivement qu'un grand mannequin d’osier, chef-d'œuvre de la corporation des manneliers, et qui était promené, à travers les rues, derrière le saint Sacrement, à l’occasion des processions, comme les chefs-d’œuvre des différents corps de métiers. Nos aïeux voyaient tout simplement là une offrande de tous les artisans envers le Dieu des arts et des sciences.

Quoi qu'il en soit, nous n'avons nullement l'intention d’élucider ce point d’histoire locale qui a donné lieu à une foule de mémoires tous plus savants les uns que les autres et qui a même suscité les polémiques les plus vives entre les auteurs de ces mémoires. Nous voulons seulement nous occuper du costume de la famille Gayant, ou plutôt des différents costumes que cette honorable lignée a portés à travers les âges ; car la famille Gayant a suivi longtemps les variations de la mode aussi bien que ses petits-enfants, les Douaisiens.

Quoique l'origine de Gayant paraisse beaucoup plus ancienne, c'est seulement au commencement du XVIIe siècle que l’on trouve des traces certaines de son existence. Des archéologues distingués lui assignent le règne de Charles-Quint comme date de naissance ; d’autres archéologues non moins distingués affirment que c'est Rubens qui eut l'honneur de peindre sa tète de carton.

Rubens, le fait est certain, ne dédaignait pas de prêter son concours aux fêtes locales ; mais il n'y a malheureusement aucune preuve de sa collaboration à la naissance ou du moins à la toilette de Gayant. Si cela était, et au prix où est maintenant la peintuœ à l'huile, nul doute que la tète de Gayant ne fût vivement disputée à l'hôtel Drouot ou dans une autre salle de ventes.

A cette époque, Gayant était encore garçon et portait le costume de l'homme féodal, longue robe sans manches qui descendait de la tète aux pieds et qui couvrait le cône d’osier de manière à masquer les porteurs. En 1065, la date a été conservée précieusement dans les archives, le corps du Magistrat, prenant en pitié l'isolement de Gayant, résolut de le marier et lui présenta solennellement son épouse, pour la fabrication de laquelle les municipaux d'alors n’avaient pas regardé à la dépense. Les principaux artisans de la cite s’étaient partagé la construction de ia jeune fiancée. Guillaume Gourtème avait construit le corps, un second, dont le nom ne nous est pas parvenu, la tète, les mains, le collier, la rose de diamant et autres piechts d'ornement; quatre autres enfin avaient collaboré à cette œuvre, qui avait été terminée par le sieur Martin Saint-Léger, lequel "avait peint et colorié les chairs ainsi que divers accessoires de toilette". L’impartialité nous oblige à ajouter que le nom du sieur Martin Saint-Léger n’a pas conservé autant de notoriété que celui de Rubens.

A l’occasion du mariage de Gayant, on éprouva le besoin bien légitime de lui donner un costume neuf et on lui donna le costume d’un guerrier de l’époque, perruque en tète, armé du braquet ainsi que du marteau d’armes.

Gayant et sa femme portaient cet habillement quand Louis XIV fit son entrée solennelle dans la ville de Douai ; les géants lui furent présentés et une relation de l’époque dit que leurs Majestés rencontrèrent sur leur passage "deux grands colosses des deux sexes d'une prodigieuse hauteur et d'une industrie toute particulière".

Gomme on le voit, M. et M me Gayant n’avaient pas encore d’enfants à cette époque ; les géants de Flandre et de Belgique étaient au contraire chargés de progénitures. Le Magistrat de Douai ne pouvait supporter une pareille infériorité et vers 1675, on fabriqua au couple deux enfants tout élevés, un garçon, Jacquot et une fille, Filion. Ce n’est qu'en 1715 que naquit le troisième enfant, Binbin, dit "Tiot Tourni" , à cause de la direction contraire de ses regards.

Jusqu’en 1609, la sortie de Gayant coïncidait, avec celle de la procession dont il était un des plus beaux ornements ; un mandement de l’évêque d’Arras défendit de mélanger à ce point le sacré et le profane, et il fut décidé que les géants, la roue de Fortune, etc., ne sortiraient que lorsque la procession serait parvenue au lieu de la première station. Les choses marchèrent ainsi jusqu’en 1770, époque à laquelle un nouveau mandement de l’évêque d’Arras supprima la procession du troisième dimanche de juin, et la remplaça par une autre procession qui eut lieu au commencement de juillet, en souvenir de la réunion de Douai à la France. C’est l’origine de la fête communale actuelle.

Quant à Gayant, il disparut et ne fut rétabli qu’en 1779, à la grande joie des Douaisiens. Pendant le cours du XVIIIe siècle, la famille géante changea plusieurs fois de costume. De 1700 à 1779, Gayant fui sept fois restauré, refait à neuf quatre fois, puis ultérieurement encore plusieurs fois réparé. Chaque année d’ailleurs, il était habillé, frisé, requinqué et rétabli en complet ajustement.

Son accoutrement de 1779 diffère du précédent en plus d’un point. Cette année, Gayant prit un casque romain ; il ceignit la cuirasse, le glaive, la chlamyde et s’enveloppa le bas du corps d'un jupon de perse jaunâtre, ramagée de noir. Quant au reste de la famille, il adopta le costume Louis XVI. On vit Mme Gayant en toilette Marie-Antoinette et les enfants en bergers et bergère plus ou moins Watteau. Une gravure de l’époque nous a conservé cet accoutrement si bizarrement mélangé.

En 1792, la Révolution supprima Gayant; il était trop grand et offusquait l’égalité. On le remplaça par la promenade d’une déesse de la Liberté et par la distribution de deux sabres d’honneur aux gardes nationaux les plus méritants. La distribution des sabres n’avait rien de particulièrement folâtre; quant à la déesse de la Liberté , qui était assise au sommet d’un char "belle et nue comme Vénus", il lui advint malheur; le char se rompit dans sa marche et la malheureuse fille qui remplissait ce triste rôle piqua sur le pavé ce qu’avec la meilleure volonté du monde nous ne pouvons pas appeler une tête.

Enfin, en 1801, la tourmente révolutionnaire étant passée, Gayant reparut. Ce fut une joie universelle dont il est difficile de se faire une idée. On fit sur la seconde résurrection du géant des vers, des chansons, un drame et même un poème. Le 19 juillet 1801, Gayant, armé de pied en cape et suivi de sa famille, fit sa réapparition solennelle. Son costume de 1801 fut â peu près celui da 1779. Ce fut comme auparavant son casque de carton, orné d’un dragon au cimier, et au bas duquel était une bande de peau mouchetée. Ce fut aussi sa cuirasse, sa chlamyde de 1779 ; mais pour satisfaire aux exigences de la mode, il prit le col noir, la courte queue et les boucles d’oreilles du soldat de la République. Sa famille reparut sous le vêtement de l’époque. On vit ces dames avec la coiffure, le ridicule, la robe décolletée et à courte taille du Consulat. Binbin conserva son bourrelet ; mais Jacquot endossa l’habit-frac galonné, les épaulettes et le chapeau à cornes peu élevé des officiers supérieurs d’alors; il quitta bientôt ce costume pour la veste à pans de couleur rouge et le claque à rubans surmonté d’un haut plumet, ajoutant à son accoutrement et pour suspendre son épée un large baudrier jaune de façon assez semblable à celui des gardes champêtres de certains villages.

Ce n’est qu’en 1821 qu’on abandonna cette mode absurde de changements perpétuels dans les costumes de la famille Gayant. Le restaurateur, M. Wallet, eut la bonne idée de revenir aux traditions historiques, et de donner à M. et à Mme Gayant le costume du XVIe siècle.

Depuis cette époque, le costume de la famille Gayant n’a pas été sérieusement modifié ; la gravure que nous donnons ci-dessous montre les géants douaisiens tels qu’ils furent reconstitués par M. Wallet.

On verra demain que, depuis, leur accoutrement a peu changé. Puisse le temps leur être favorable et puisse-t-on répéter le vieux refrain de cette fête, la chanson de Gayant :

 

Allons, veux-tu vénir, compère,

A l’ procension de Douay?

Al est si jouiie et si guaye

Que de Valencienne et Tournay

De Lille. d’Orchie et d’Arras

Les pus presses vienn't à grans pas

Tra la la la.

 

Les plus pressés ne viendront pas à grands pas, mais en chemin de fer, et ils n’en viendront peut-être que plus nombreux.

 

 

en 1821

 

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en 1856

 

 

affiche de 1866

 

 

publié en 1901

 

 

M. et Mme Gayant - publié en 1913

 

 

 

Binbin - publié en 1913

 

 

document de 1994

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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