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Instituteur dans un village ardennais, à proximité de la frontière, Jules Leroux nous montre une auberge-épicerie comme il s'en trouve un grand nombre sur le territoire belge. Il les connait bien pour y être allé, le jeudi et le dimanche, en compagnie du directeur de l'école.
Grisés par l'air frais et vif, par l'odeur puissante de la terre réchauffée des sèves qui fusent des branches blessées, des fleurs ouvertes, les deux promeneurs ne se lassaient point d'explorer la forêt. C'étaient, le jeudi et le dimanche, des courses de vingt cinq à trente kilomètres par des sentiers glissants, des dégringolades essoufflées dans les ravins, et aussi chaque fois, une halte dans une de ces petites auberges belges qui jalonnent la frontière, où l'on boit de grands bols de bière chaude et du genièvre qui brûle le gosier. Dans ces auberges, les baraques, ainsi que les nomment les gens du pays, viennent s'approvisionner les contrebandiers, car, dans chacune d'elles se trouve un magasin bien assorti, une grande pièce où traîne toujours une odeur fade d'épicerie, de lard fumé, de dattes et de figues. Au milieu, des caisses, des balles de café, de tabac, empilées, rejoignent la quincaillerie, les ceintures de laine, les cuirs, les jambons, accrochés aux poutres jaunes du plafond. Aux fenêtres, sur des rayons, s'alignent des paquets de tabac, des cigares, des caramels, des chopes où plongent des pipes de terre rouge.
Dans une petite salle voisine, passaient les contrebandières de profession qui se chargent le jour, tandis que les hommes profitent de la nuit. Elles se dévêtaient jusqu'à la chemise, et sur la poitrine, dans le creux des reins, sur le ventre, se faisaient attacher des petits sacs renfermant des allumettes, de al poudre, des jeux de cartes. Quelques-unes se contentaient de serrer leur chemise à la ceinture avec une corde, et dans la large poche ainsi formée, versaient quelques kilos de café. Autour des jambes et des cuisses, elles enroulaient des décamètres de dentelle, sans qu'un pli fût marqué sur leurs bas soigneusement tirés. Souvent, elles amenaient leurs chiens qu'on ne devait lâcher qu'à la nuit noire, et qui, après un sourd gémissement au départ de leurs maîtresses, attendaient résignés le sac de contrebande dont on chargerait le cou. A la sortie du magasin, les femmes se dispersaient, après avoir vidé un verre de genièvre, parlé des bons tours joués à la visiteuse de Bourimont (1). Plus rondes, sans que leurs mouvements fussent gênés, elles gagnaient quelque sentier perdu, retrouvaient leur hotte cachée dans un fourré, la chargeaient d'une botte de bruyère, et, tremblant de rencontrer quelque douanier qui les reconnût, cherchaient à se mêler aux groupes de bûcheronnes rentrant au village.
Jules LEROY - Léon Charty
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1 - la visiteuse ou contrôleuse des douanes
à droite : la couverture d'une bande dessinée de Servais, Les Seins de Café, sur ce sujet. (Editions Dupuis - 2008)
On parle souvent du tabac, mais on fraudait tout ce qui était plus cher en France comme ci-dessus le café. On pouvait voir des animaux (vaches, volailes, ... passer aussi paisiblement que possible, de Belgique en France. Mais à cette époque, on ne rigolait pas avec la fraude même pour peu de marchandises, comme le montre l'article paru dans la presse locale en mai 1935. Le bureau de La Marlière était à la frontière entre Tourcoing et Mouscron (B).
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c'était en avril 1951
La fouille en douane - peinture de Rémy Cogghe
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Douane française - Mouchin-Bercu (Nord)
On remarque les rails du tramway de la ligne Saint-Amand à Hellemmes qui circula entre 1896 et 1932
Douane française - Mouchin-Bercu (Nord)
Douane française - Mouchin-Bercu (Nord)
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